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Un complément d'enquête semble clairement s'imposer", estime samedi 23 août auprès de France Inter(Nouvelle fenêtre) l'historien Vincent Duclert, spécialiste du génocide des Tutsis au Rwanda et ancien président de la commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda, après le non-lieu prononcé en faveur d'Agathe Habyarimana, la veuve de l'ancien président rwandais hutu assassiné. Les juges ont notamment estimé qu'il "
n'existe pas de charges suffisantes" contre elle pour considérer "
qu'elle ait pu être complice d'acte de génocide" ou pu "
participer à une entente en vue de commettre le génocide".
Refusant de commenter cette décision de justice, l'historien, qui avait remis un rapport sur le rôle de la France dans ce génocide le 26 mars 2021, rappelle des faits historiques auprès de France Inter : "
Les documents d'archives que nous collectons montrent la très forte implication d'Agathe Habyarimana dans le génocide des Tutsis en étant, comme son frère, le cerveau du réseau zéro, c'est-à-dire l'état-major secret chargé de l'extermination des Tutsis."
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Les analyses les plus nombreuses et convergentes attestent que l'attentat dirigé contre l'avion de son mari est l'œuvre du réseau zéro, soit directement, soit en tant que commanditaire", poursuit-il. "
Cet attentat déclenche dans les heures qui suivent, le 6 avril dans la nuit, la phase paroxystique du génocide, dans laquelle Agathe Habyarimana est également très impliquée".
Une enquête en France pour crimes contre l'humanité
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Certes, elle est évacuée de Kigali [la capitale du Rwanda]
le 9 avril par les forces françaises sur ordre exprès du président François Mitterrand. Mais d'autres documents attestent de son activisme lors de son asile français, aux côtés des génocidaires agissant au Rwanda", ajoute l'historien. "
Ces faits établis sont-ils connus des magistrats instructeurs ? Je ne sais pas. Toutefois, un complément d'enquête semble clairement s'imposer".
Le parquet national antiterroriste a annoncé jeudi faire appel de ce non-lieu prononcé en faveur d'Agathe Habyarimana, tout comme le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR). La veuve de Juvénal Habyarimana, le président hutu dont l'assassinat le 6 avril 1994 avait déclenché les massacres contre la minorité tutsie, est visée depuis 2008 par une enquête en France pour complicité de génocide et de crimes contre l'humanité, ouverte après une plainte du Collectif des parties civiles pour le Rwanda.