Citation
1. Adrien Harelimana
Adrien Harelimana rescapé de Bisesero, était agriculteur pendant le
génocide de 1994. Il a été auditionné par la Commission en date du 18
décembre 2006. Son premier contact avec les Français a eu lieu une
semaine après qu’il ait été blessé par balles à la cuisse par les
Interahamwe.
Comme bien d’autres, il évoque la non assistance à personne en danger,
des traitements inhumains et dégradants, les amputations abusives de
membres corporels effectuées à Goma, autant de faits qu’il reproche
aux militaires français.
« Je les ai rencontrés pour la première fois à Bisesero quand nous
sommes descendus les rejoindre à leur passage à un endroit où nous leur
avons montré les blessés et les cadavres encore frais, les suppliant de
nous protéger contre les tueurs qui exécutaient le génocide des Tutsi.
Ces militaires nous ont expliqué qu’ils ne pouvaient rien faire face à
notre situation, parce qu’ils n’en avaient pas les moyens. Ils sont alors
repartis tout de suite sans nous apporter aucun secours. Ils n’ont tout
simplement pas voulu nous aider, alors qu’ils pouvaient demander du
renfort à leurs chefs. Ces militaires français sont finalement revenus,
après quelques jours et ont pris à peu près quinze personnes qui étaient
grièvement blessées, moi y compris, et ils nous
ont amené par
hélicoptère jusqu’à Goma. Arrivés là, ils ont dit qu’ils voulaient nous
soigner, or nous avons passé toute une semaine sans manger ».
S’agissant du traitement dégradant, il déclare :
« Comme les autres rescapés, sans distinction aucune, hommes, femmes,
enfants et personnes âgées, j’ai passé tout le temps à l’hôpital de
campagne complètement nu, ne portant que le drap du lit dont je me
couvrais. Même lorsque je tentais de couvrir mon sexe, ils m’en
empêchaient en m’insultant. Il en était ainsi même pour prendre la
douche, les militaires français utilisaient un tuyau d’arrosage pour tout
le groupe confondu ».
Quant aux amputations abusives, il affirme :
« Après avoir examiné ma blessure à la cuisse, les Français m’ont dit
qu’ils allaient m’amputer, et que sinon je risquais d’attraper « le
cancer ». Arrivé dans la salle d’opération, il y avait une jeune femme
rwandaise de Goma qui m’a expliqué qu’ils allaient m’amputer la jambe.
J’ai alors fait dire aux Français que je refusais catégoriquement de me
faire amputer, que je préférais plutôt qu’ils me tuent ou qu’ils me
ramènent à Bisesero me faire tuer par les Interahamwe. Ils se sont
fâchés, se demandant comment ils allaient soigner les gens qui se
rebellaient. Ils ont décidé quand même de m’amputer en prétendant que
je ne pourrais pas guérir. J’ai voulu me lever sur ma canne, un Français
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m’a remis sur le lit de force disant que je n’avais pas d’ordre à donner
sur la façon de me soigner. J’ai quitté la salle d’opération en bataillant
avec les Français. Ils m’ont dès lors privé de nourriture et de quoi boire,
du fait de mon refus d’être amputé.
Trois jours après, un autre Français a voulu me persuader que je ne
pourrais pas échapper au cancer si je ne me fais pas amputer. J’ai
répondu que je préférais avoir ce cancer. J’ai alors averti un autre
rescapé de Bisesero, appelé Kaneza, blessé lui aussi à la jambe en lui
disant que les Français allaient l’amputer la jambe car c’est leur
programme. Hélas en fin de compte, Kaneza a été endormi, et au réveil,
son pied avait été amputé. Il en fut de même pour Munyankindi amputé
de son bras. Je qualifie ces amputations d’abusives parce que quand
d’autres blessés ont refusé de se faire amputer et que les militaires
français se sont fâchés, ils nous ont transférés dans le camp de Gituku
géré par le Haut Commissariat des réfugiés (HCR). Ces blessés y ont été
soignés et ont guéri sans être amputés.
Comme les autres rescapés de Bisesero qui avons été rassemblés
hommes, femmes, enfants et personnes âgées, tous réunis, j’ai passé tout
le temps à l’hôpital de campagne complètement nu, ne portant que le
drap du lit dont je me couvrais. Même lorsque je tentais de couvrir mon
sexe, les militaires français m’en empêchaient en m’insultant. C’était la
même chose pour la douche, les militaires français utilisaient un tuyau
d’arrosage pour tout le groupe confondu. […] Après avoir examiné ma
blessure à la cuisse, les Français m’ont dit qu’ils allaient m’amputer,
sinon je risquais d’attraper la gangrène. Arrivé dans la salle d’opération,
il y avait une jeune femme rwandaise de Goma qui m’a expliqué qu’ils
allaient m’amputer la jambe. J’ai alors fait dire aux Français que je
refusais catégoriquement de me faire amputer, que je préfère plutôt
qu’ils me tuent ou qu’ils me ramènent à Bisesero me faire tuer par les
Interahamwe. Ils se sont fâchés se demandant comment ils allaient
soigner des gens qui se rebellent. Ils ont décidé quand même de
m’amputer prétendant que je ne pourrais pas guérir. J’ai voulu me lever
sur mon bâton, un Français m’a remis sur le lit de force disant que je
n’avais pas d’ordre à leur donner sur la façon de me soigner. J’ai quitté la
salle d’opération en bataillant avec les Français. Ils m’ont désormais
privé de nourriture et d’eau à cause de mon refus d’être amputé.
Trois jours après, un autre Français a voulu me persuader que je ne
pourrais pas échapper à la gangrène si je ne me fais pas amputer. J’ai
répondu que je préférais avoir cette gangrène. J’ai alors averti un autre
rescapé de Bisesero, appelé Kaneza, blessé lui aussi à la jambe en lui
disant que les Français allaient l’amputer la jambe car c’était leur
programme. Hélas en fin de compte, Kaneza a été endormi et à son
réveil son pied avait été amputé. Il en fut de même pour Munyankindi
amputé de son bras. Je qualifie ces amputations d’abusives parce que
quand d’autres blessés ont refusé de se faire amputer et que les
militaires français se sont fâchés, ils nous ont transférés dans le camp de
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Gituku géré par le HCR. Ces blessés y ont été soignés et guéris sans
être amputés. »
2. Alexis Ntare
Alexis Ntare est originaire de Rubengera dans le district de Karongi,
province de l’Ouest. Il a été membre des FAR, instructeur au Centre
d’Entraînement Commando de Bigogwe et Interahamwe. Il était sur une
barrière à Kibuye quand les militaires français de l’opération Turquoise
sont arrivés. La commission l’a entendu à huis clos comme témoin de
faits le 08/01/2007.
Son témoignage porte sur l’implication des militaires français dans la
distribution d’armes aux Interahamwe et dans des actes d’assassinat de
personnes suspectées être Inkotanyi. Il déclare :
« J’ai vu des Français pendant Turquoise lorsqu’ils venaient de Gisenyi
avec des blindés et d’autres véhicules militaires pour s’installer à
Kibuye. Ils sont donc venus et se sont installés au stade de Kibuye. Le
lendemain matin, d’autres sont arrivés dans deux hélicoptères. Ils nous
ont chassés de la barrière que nous avions installée dans le carrefour des
routes Gitarama-Kibuye et Kibuye-Gisenyi et nous ont dépouillés de
toutes nos armes y compris les grenades. Ils ont organisé par la suite
une réunion des intellectuels au collège de Rubengera. Le lendemain de
la réunion, ils nous ont autorisés à retourner sur notre barrière après
nous avoir donnés d’autres armes et grenades. Dès ce jour-là, nous
sommes retournés sur la barrière tout en respectant leurs directives. Ils
nous ont recommandés de leur envoyer toute personne tutsie que nous
trouverions. Sur la barrière, on avait la mission de se saisir de toute
personne suspectée d’être Inkotanyi, déserteur FAR ou fauteur de
troubles dans les camps de déplacés. Toute personne arrêtée devrait être
conduite au camp des Français. Ils nous avaient appris comment
reconnaître un Inkotanyi : Il fallait d’abord voir si l’individu était de
grande taille, avait un nez long et avait des traces de bottes sur ses
jambes car seuls les Inkotanyi portaient des bottes, les FAR portaient eux
des bottines, ou avait des traces d’armes sur l’épaule ».
Quant au sort des personnes arrêtées sur la barrière, il précise :
« Ils ligotaient et tapaient toutes les personnes suspectées d’être
Inkotanyi que nous les amenions. Ils les mettaient dans un cachot de
fortune. Quand ils devenaient nombreux, nous les mettions dans des
camions qui les amenaient à Busaho au bord du Lac Kivu où ils étaient
fusillés et jetés dans le lac. Moi-même, j’y suis allé deux fois mais les
Français eux, s’y sont rendus plusieurs fois. Quant aux fauteurs de
troubles dans des camps de déplacés, ils les mettaient dans des
hélicoptères, puis les enfuyaient dans des sacs de jute avec des mains et
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