Fiche du document numéro 34850

Num
34850
Date
Lundi 24 février 2025
Amj
Auteur
Fichier
Taille
1479923
Pages
3
Urlorg
Sur titre
Opinions
Titre
La Belgique est mal placée pour donner des leçons au Rwanda
Sous titre
De quel droit le gouvernement mène-t-il une campagne de lobbying contre le Rwanda sur la scène internationale ? Les liens entre les milieux sociaux-chrétiens belges et le pouvoir raciste hutu au Rwanda ont déjà eu des conséquences dramatiques. Le ministre des Affaires étrangères Maxime Prévot et la parlementaire du CD et V la plus en pointe contre le Rwanda sont-ils les héritiers de ce courant ?
Nom cité
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Lieu cité
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IDC
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M23
Source
Type
Tribune
Langue
FR
Citation
Quelle expertise belge en Afrique ? N'oublions pas l'aveuglement belge sur la préparation du génocide des Tutsis et le rôle moteur joué par le gouvernement de l'époque pour mettre, lâchement et en parfaite connaissance du génocide en cours, un terme à la mission des Nations Unies (MINUAR) en avril 1994. ©ASSOCIATED PRESS

Une carte blanche d'Alain Destexhe, auteur de Rwanda, essai sur le génocide (1994) et Rwanda : le carnage, 30 ans après, retour sur place (2024). Sénateur honoraire et initiateur de la Commission d'enquête du Sénat belge sur le Rwanda (1997).

Après le Parlement bruxellois, c'est désormais au Parlement fédéral de se prononcer sur une résolution condamnant le soutien de l'armée rwandaise au M23 dans la crise du Kivu.

Pour rappel, notre pays est l'ancienne puissance coloniale en Afrique des Grands lacs. Je n'appartiens pas à l'école du dénigrement colonial et de l'excuse permanente. Il n'empêche qu'il est impossible d'analyser cette crise sans prendre en compte le rôle historique que nous y avons joué, dont le déplacement de populations du Rwanda vers la RDC sous la période coloniale à la construction ou le renforcement (selon les écoles historiques) d'identités ethniques antagonistes. Sans oublier l'aveuglement belge sur la préparation du génocide des Tutsis et le rôle moteur joué par le gouvernement de l'époque pour mettre, lâchement et en parfaite connaissance du génocide en cours, un terme à la mission des Nations Unies (MINUAR) en avril 1994. Des constats qui ont été reconnus par la commission d'enquête du Sénat belge en 1997 et qui avaient convaincu le Premier ministre de l'époque, Guy Verhofstadt, de présenter des excuses solennelles sur place à Kigali dans un moment historique très fort.

Soi-disant expertise belge aux conséquences meurtrières



Le fait est que, dans une Europe élargie à des pays n'ayant aucun lien historique avec l'Afrique, nombreux sont les responsables européens qui continuent de s'aligner sur la position belge. Pourtant, déjà en 1994, cette soi-disant expertise belge a eu des conséquences meurtrières. Il n'y avait pourtant aucune réelle "expertise" en place, mais seulement des intérêts personnels, des amitiés et des connivences. Un des facteurs d'aveuglement fut les liens existant entre les milieux sociaux-chrétiens belges et le pouvoir raciste hutu au Rwanda.

Aujourd'hui, que le ministre des Affaires étrangères Maxime Prévot soit aux commandes et que la parlementaire du CD et V la plus en pointe contre le Rwanda soit l'héritière de ce courant ne manque pas d'interroger sur les raisons de cet activisme belge. Après tout, leurs prédécesseurs Premier ministre (Jean-Luc Dehaene), ministres (Léo Delcroix) ou parlementaires sociaux-chrétiens n'ont jamais reconnu leurs fautes.

Le soutien à la RDC est lié à l'influence électorale des Congolais de Belgique



On peut également se demander si le soutien à la RDC n'est pas lié à l'influence électorale des Congolais de Belgique, plus nombreux et bruyants que les Belges d'origine rwandaise. Force est aussi de constater que peu de parlementaires s'exprimant sur la question possèdent une connaissance de la région et de son histoire complexe. Combien d'entre eux ont été sur place et sauraient citer ne fût-ce que les principales ethnies du Kivu ?

Le gouvernement belge est-il bien placé pour donner des leçons à qui que ce soit ? Il y a dans sa démarche des éléments de paternalisme et de néocolonialisme qui n'ont plus de raison d'être au XXIe siècle.

De quel droit, et au nom de quel principe, le gouvernement belge s'arroge-t-il une supériorité morale lui permettant de donner des leçons dans une situation aussi complexe, qu'il réduit pourtant à un seul facteur : l'ingérence du Rwanda ?

Il ne s'agit pas de minimiser la gravité de la crise au Kivu, dont les causes sont multiples, mais de rappeler que la Belgique est sans doute le pays le moins légitime pour mener, comme elle le fait en ce moment, une campagne de lobbying unilatérale contre le Rwanda sur la scène internationale.

La dernière fois, c'était, de sinistre mémoire, pour obtenir le retrait de la MINUAR en avril 1994.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024