Fiche du document numéro 34840

Num
34840
Date
Lundi 7 mars 1960
Amj
Auteur
Fichier
Taille
22575
Pages
2
Urlorg
Titre
Les Belges commentent sévèrement le rappel du droit de préemption de la France sur le Congo
Nom cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Bruxelles, 5 mars. - Nous avons fait allusion avant-hier dans le Monde aux protestations du ministre belge du Congo contre l'intervention de « certains postes de radio étrangers » qui lançaient, disait le ministre, de fausses nouvelles vers le Congo. Nous avons fait part aussi de la protestation du gouvernement belge contre les déclarations du premier ministre de Rhodésie, Sir Roy Welensky, qui envisageait l'entrée de la province congolaise du Katanga dans la fédération des Rhodésies et du Nyassaland.

Aujourd'hui on parle ouvertement à Bruxelles d'« offensive étrangère » contre le Congo belge. Les journaux titrent notamment « Congo, belle proie ». Les principales critiques s'adressent ce matin à la France, car on confirme à Bruxelles que le baron Jaspar, ambassadeur de Belgique, a été convoqué au Quai d'Orsay, le 26 lévrier dernier, pour s'entendre dire par M. Couve de Murville que le gouvernement de Paris ne considère pas comme caducs les droits que l'accord des 23 et 24 avril 1883, conclu entre les représentants du roi Léopold II et Jules Ferry, lui reconnaît à son avis sur le Congo.

En vertu de cet accord, la France estimerait notamment qu'elle jouirait d'un droit de préemption, c'est-à-dire en fait d'un droit prioritaire d'acquisition sur le territoire du Congo au cas où les Belges y renonceraient. On précise que l'octroi de l'indépendance aux Congolais serait considéré comme un abandon. On déclare à Bruxelles que M. Bousquet, ambassadeur de France, a été reçu le 29 février par le secrétaire général des affaires étrangères, qui lui a fait part de son étonnement que le gouvernement français puisse, dans les circonstances actuelles, reparler du dit accord.

Le secrétaire général du ministère belge des affaires étrangères aurait fait savoir à l'ambassadeur de France que la thèse française n'était pas acceptable par le gouvernement belge. Un nouvel entretien sur le même sujet a eu lieu hier. Le ministre belge des affaires étrangères par intérim - M. Wigny étant malade - a informé l'ambassadeur de France de l'intention du gouvernement belge de faire dès mardi prochain une déclaration à la Chambre sur ce problème.

On estime cependant rue de la Loi qu'il ne faut pas exagérer l'importance de la démarche française, qui n'aurait pour mobile que de rappeler l'existence d'un tel accord et de prendre en somme une mesure conservatoire. La position de Paris tendrait, dit-on, à consolider la position de M. Fulbert Youlou, président de la République du Congo, auquel on prête parfois l'intention de chercher à annexer le Congo.

Plusieurs journaux belges précisent ce matin la portée réelle du droit de préemption que la France possédait sur le Congo belge en vertu de l'accord signé en 1883. A l'époque de la signature de cet accord il semble que la France craignait plus particulièrement l'intervention dans ces régions du gouvernement britannique, et on dit à Bruxelles que si M. Couve de Murville a rappelé l'existence de l'accord de 1883, c'est parce que les autorités britanniques de Rhodésie ont fait des déclarations sur le Katanga.

Quoi qu'il en soit, la démarche faite par le gouvernement français est commentée à Bruxelles en termes très sévères. Le Soir écrit : « On ne voit pas comment la France, au moment où elle abandonne ses colonies d'Afrique, oserait chercher à faire valoir ses droits sur la colonie du Congo belge, qui devient un Etat indépendant. »

PIERRE DE VOS
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