Fiche du document numéro 34824

Num
34824
Date
Avril 1994
Amj
Fichier
Taille
30620
Pages
3
Titre
Billets d'Afrique No. 8
Source
Type
Publication périodique
Langue
FR
Citation
BILLETS D’AFRIQUE N° 8 - AVRIL 1994
SALVES
Publicité sans frontières
Le maréchal Mobutu a lancé un appel d’offres pour améliorer son image dans les médias français. Plusieurs agences de
communication ont répondu à cet appel, le budget proposé étant sûrement proportionné à la difficulté de la tâche. MCD, par
exemple, suggère au maître du Zaïre « la valorisation d’une image de marque tournée vers l’avenir, et confirmant votre rôle
essentiel pour une transition positive de votre Pays vers la démocratie et la modernité ». Ce discours, rappelons-le, n’est pas
destiné aux Zaïrois. (Le Canard enchaîné, 09/03/1994).
Même les diplomates zaïrois à Genève, payés avec plus de 20 mois de retard, doivent quémander des secours auprès des services
sociaux suisses. (Jeune Afrique, 10/03/1994).

CHER TRESOR
C’est bien connu, le Trésor dirige la France. On dit qu’un Président de la République ne peut contrecarrer cette Direction du
Ministère de l’Économie qu’une fois par septennat... et qu’il le paie cher.
Le Trésor gère, entre autres, 60 % de l’Aide Publique au Développement (APD), et l’essentiel des relations économiques entre
la France et le Tiers-monde - avec les brillants résultats que l’on sait. Il a, par exemple, fortement stimulé l’endettement des pays
africains, à coup de grands projets vaseux, ensablés, ou ensuissés. Il s’aligne depuis sur les dogmes rigoureux du FMI et sur la
presbytie macro-économique de la Banque Mondiale.
En guise de rigueur, son représentant au conseil d’administration du Crédit Lyonnais a laissé filer une perte de quelque 25
milliards - l’équivalent de 8 mois d’APD -, avec des clients aussi recommandables que Paretti, Fiorini, ou les fournisseurs
d’armes d’Habyarimana. Le tout sous la houlette d’un ancien Directeur du Trésor. Le contribuable paiera. Avec une telle
vigilance de proximité, on imagine le suivi des « aides hors projets » dans les caisses dictatoriales...
Notre programme est clair : limiter l’hégémonie du Trésor sur l’APD. Certains, plus audacieux, rêvent d’en faire autant pour la
politique de la France...
L’Europe ménage la barbaque
De nombreuses ONG avaient entamé une campagne : « L’Europe casse la barbaque », contre les exportations à bas prix de
viande européenne en Afrique de l’Ouest qui ruinent l’élevage sahélien. Cette campagne, et les interventions des ministres de
l’Agriculture néerlandais et allemand (on a moins entendu la voix de Jean Puech), ont amené une forte réduction des subventions
et des tonnages expédiés. Ceci, ajouté à la dévaluation du CFA, pourrait ménager l’essor de l’élevage local. (Novib, P.B.,
coordination de la campagne, 02/1994).

Ronds et bulles
À Angoulême, la réalité dépasse la fiction. La cité charentaise n’attire plus seulement les fans de BD, elle aimante les adeptes de
financements occultes : depuis les exploits de Jean-Michel Boucheron, on vient jusque de Centrafrique goûter à l’argent défendu.
Le nouveau président Ange Patasse a reçu ainsi, pour sa campagne électorale, plus d’un million de Francs soustraits au Crédit
Mutuel d’Angoulême. Quelque 75 millions ont été détournés en 2 ans, par un curieux chargé d’affaires, au profit de « bonnes
œuvres » italiennes et africaines. (Africa International, 03/1994)
Économie d’énergie
Les deux tours du World Trade Center de New-York consomment autant d’énergie que le Niger. (Silence, 02/1994)
OPINIONS
Le 5° baromètre de la solidarité internationale des Français, publié par le CCFD, affiche des évolutions symptomatiques : parmi
les priorités, le chômage (74 %, contre 60 % en 1989) prend le pas sur la faim dans le monde (58 %, contre 66 % en 1989) ; le sort
des enfants victimes (61 %) précède le développement du tiers-monde (17 %). Cependant, 93 % des Français pensent que l’aide au
tiers-monde doit être maintenue ou augmentée - en précisant à 83 % qu’il faut mieux l’utiliser.
Elle doit en effet, selon eux, être accordée en priorité aux pays qui s’engagent à respecter les droits de l’homme et instaurer
davantage de démocratie (93 %), à lutter contre les injustices sociales (92 %), à développer leurs productions alimentaires .(91 %),
à lutter contre la corruption et le gaspillage de leurs ressources (88 %).
C’est l’ONU que les Français chargeraient le plus volontiers de la gestion de cette aide (71 %), avant le gouvernement, l’Europe
ou les organisations humanitaires - en qui pourtant ils ont le plus confiance (81 %). C’est qu’ils estiment, à 76 %, que les
problèmes du sous-développement relèvent d’abord d’un traitement politique. Un signe réconfortant : 72 % des jeunes de 18 à 20
ans sont en faveur d’un renforcement de l’aide au développement.

Billets d’Afrique

N° 8 – Avril 1994

ILS ONT DIT
« Le groupe Elf Aquitaine peut être considéré comme un des principaux artisans du développement économique des pays du golfe
de Guinée. [...] La présence d’Elf Aquitaine en Afrique s’est toujours inscrite dans une logique industrielle, en adoptant une
attitude de stricte neutralité vis à vis des gouvernements locaux [...]. En outre, le groupe Elf Aquitaine s’est attaché à développer
ses interventions sur le continent africain dans le domaine de l’aide humanitaire et du développement dans le cadre de la Fondation
Elf. [...]
Dans ces conditions, l’État n’entend pas demander un audit financier, social et écologique de la présence d’Elf Aquitaine en
Afrique et en Amérique latine. » (Brigitte MOLKHOU, Chef du Bureau E2 du Trésor, en réponse à la demande d’un tel audit par des
citoyens d’Agir ici).

[Pourquoi le refus de cet audit ? Sainte-Elf craindrait-elle un procès en canonisation ?]
« L’Afrique représente, à l’heure actuelle, un produit très difficile à vendre auprès de nos compatriotes » (Michel ROUSSIN,
Jeune Afrique, 10/03/1994).
[Et si l’Afrique n’était pas à vendre ?]

À FLEUR DE PRESSE
Terres d’Afrique, n° 1, 1/1994. L’échec de l’État post-colonial (Thierry MICHALON) : « Il n’existe pas de collectivité humaine sans
une certaine forme d’organisation du pouvoir en son sein. Sous ce rapport comme sous tant d’autres, la période coloniale a violenté
l’évolution naturelle des sociétés du Maghreb et d’Afrique subsaharienne. Les formes traditionnelles d’organisation du pouvoir,
marginalisées par les institutions administratives imposées par la puissance coloniale, n’ont nulle part été réhabilitées. [...] L’État a
été ressenti comme une entité extérieure au groupe social, craint en tant qu’appareil de coercition et courtisé en tant que
dispensateur de privilèges [...].
"Terres d’Afrique" croit venu le temps [...] d’ouvrir une réflexion de fond, trop longtemps repoussée, sur la question de fond :
quel mode d’organisation du pouvoir est-il à même de correspondre à l’état actuel de la culture politique en Afrique, donc d’y
bénéficier enfin de cette légitimité qui conditionne l’efficacité ? ».
[Saluons la naissance de ce périodique, indépendant des réseaux politiques et des publicités dictatoriales, qui ambitionne de faire émerger les
terres d’Afrique du marasme post-colonial]

Le Nouvel Horizon (Côte d’Ivoire) :
- Les avatars de l’intégration en Afrique (J.-P. KOUASSI, 25/02/1994) : « [...] La France ayant, de propos délibéré, sabordé la
CEDEAO [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, incluant le Nigeria] , le général Sani Abacha, nouvel homme fort du
Nigeria, lui envoie un chien de sa chienne : Elf [...] ne figure plus, cette année, dans la liste des compagnies agréées à exploiter l’or
noir nigérian. Dans l’Hexagone, on fait le dos rond : en poussant massivement ses investissements au Nigeria comme au Ghana
[...]. Mamadou Coulibaly avait bien raison de ruer dans les brancards : "Le CFA n’est que le maillon de l’économie
kleptocratique". À preuve ? Deux des pays membres de la zone franc, la Côte d’Ivoire et le Congo, caracolent en tête des pays les
plus endettés par tête d’habitant. Funeste record ! Le commerce entre les pays de la zone franc représente à peine 5 % de leurs
échanges : en fait d’intégration, ça se pose là... ».
- Lettre ouverte à M. Bédié Konan Henri (J. CENACH, 11/03/1994) : « [...] Le respect de l’indépendance nationale [aviez-vous dit en tant
que président de l’Assemblée] , recommandait que soient prises des précautions contre la mainmise des monopoles étrangers sur les
entreprises nationales relevant du secteur stratégique. [...] Il n’était pas exclu, poursuiviez-vous, que les pratiques de ces nouveaux
monopoles conduisent directement au renchérissement des prix [...]. Le groupe Bouygues avait été explicitement mis à l’index. [...]
Ainsi, lorsque [devenu Président de la République] vous avez, il y a peu, reçu en votre résidence M. Martin Bouygues, le patron de
l’eau et de l’électricité et du gaz ivoiriens et virtuel acquéreur de la CI-Telcom, je me frottais déjà les mains. [...] Je pensais alors
que vous auriez remis de l’ordre dans les écuries [...]. Mais, à la surprise générale, vous continuez de privatiser alors qu’aucune loi
d’habilitation n’a encore été votée. [...] Vous devriez, Monsieur le Président, faire dès maintenant ce que vous aviez promis. Ainsi

votre plumage se rapportera à votre ramage, comme le disait La Fontaine, si votre intention est de demeurer le Phénix de nos
bois. »
D+C, Bulletin de la Coopération allemande, 02/1994 (R. MEYER) : « [...] Le Conseil National des Investisseurs Français en Afrique
estime à 10 milliards de FF la dévaluation du volume total d’investissements français dans la zone franc. Mais étant donné la
baisse, en termes réels, des revenus moyens dans ces pays - 40 % en 10 ans -, le protection des intérêts privés français ne semble
plus être un souci majeur, y compris dans les milieux officiels parisiens. »
LIRE
Les deux sources de l’exclusion, Économisme et replis identitaires, sous la direction de Sophia MAPPA, Karthala, 1993, 400 p.
Si l’on résume l’enjeu Nord-Sud par l’alternative entre une culture de la négociation, ou une dérive vers l’affrontement, le plus sûr moyen de
précipiter ce dernier est de s’abandonner à des schémas mentaux exclusifs. L’ouvrage, fruit des travaux du Forum de Delphes, explicite deux
schémas dominants : la rationalité instrumentale, qui exclut par l’économique et la négation du culturel ; les replis identitaires, qui excluent par le
culturel et la négation de l’économique. Le chapitre sur les politiques communautaires de coopération illustre de façon cinglante les effets
kafkaïens d’un économisme négateur de l’altérité.

Billets d’Afrique

N° 8 – Avril 1994

Les secrets de l’espionnage français, Pascal KROP, Jean-Claude Lattès, 1994, 880 p.
Où l’on apprend, entre autres, comment le Service Action a assassiné le leader camerounais Félix Moumié, puis comment des militaires français
dirigèrent les troupes du président Ahidjo qui, entre 1962 et 1964, massacrèrent de 300 000 à 400 000 bamilékés : un vrai génocide,
soigneusement caché à l’opinion publique française.
Histoires de développement n° 24 et 25, Janvier et avril 1994
Billets d’Afrique est né du scandale du dévoiement de la majeure partie de l’Aide Publique au Développement : on pourrait du coup lui reprocher
de ne présenter que des phénomènes négatifs, et de contribuer à l’afro-pessimisme. Peut-être complèterons-nous un jour la lettre actuelle par une
seconde, Succès d’Afrique. Mais il existe déjà une excellente revue narrant les initiatives réussies des populations du Tiers-monde : Histoires de
développement. Le prochain n° 25 (Pousse-pousse boeing, avril 1994) abordera les initiatives en matière de transports. À titre exceptionnel, le n°
24, Responsables donc corruptibles, traite lui aussi de l’envers de la médaille : la corruption - avec un regard plutôt différent.
SUPPLEMENT AU « POINT SUR LA LOI POUR LA SURVIE ET LE DEVELOPPEMENT » N° 51 - DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : FRANÇOIS-X. VERSCHAVE
PRIX : 5 FF - SURVIE, Tél.: (33.1) 43 27 03 25 ; Fax: 43 20 55 58 - COMMISSION PARITAIRE N° 71982 - DEPOT LEGAL AVRIL 1994 - ISSN 1155-1666

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