Fiche du document numéro 34659

Num
34659
Date
Dimanche 17 novembre 2024
Amj
Auteur
Fichier
Taille
91465
Pages
5
Urlorg
Titre
Procès en appel de Philippe Manier à la Cour d’assises de Paris - Jour 9
Sous titre
Compte rendu de l’audience du 15 novembre 2024
Nom cité
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Source
Type
Page web
Langue
FR
Citation
L’audience a commencé ce vendredi 15 novembre par l’audition de Madame Odoratte MUKARUSHEMA, gendarme à Nyanza durant le génocide. Elle déclare qu’au début du génocide, quand c’était encore calme à Nyanza, l’accusé l’a aidée à transporter une femme enceinte à l’hôpital. Elle souligne qu’il fait partie de ceux dont le comportement aurait changé après le début du génocide à Nyanza. Elle précise que le génocide aurait commencé à Nyanza avec l’arrivée de Kigali d’un Interahamwe dénommé RUPANGU le 21 avril 1994. Interrogée sur l’arrestation du bourgmestre NYAGASAZA, la témoin a expliqué à la Cour ce que son mari, chauffeur à la gendarmerie, lui a raconté. Elle indique que le bourgmestre aurait été arrêté à la rivière près de la frontière du Burundi, il aurait ensuite été conduit. Le mari de la témoin l’aurait conduit au camp de la gendarmerie sur ordre de l’accusé. Ce dernier aurait ensuite à ce qu’il les conduise dans un bois. L’accusé aurait ordonné à son mari de tuer le bourgmestre, ce qu’il aurait refusé de faire. Un autre gendarme aurait tué le bourgmestre au moment où l’accusé cherchait un marteau afin de le tuer lui-même.

Concernant l’attaque de Nyabubare, la témoin explique que son mari était avec BIGUMA durant cette attaque, l’accusé aurait ordonné à son mari de tuer une fille pendant cette attaque. Ce dernier aurait alors fait semblant de tuer cette personne. Madame MUKARUSHEMA a ensuite expliqué à la Cour que RUPANGU était le meneur de l’attaque, l’accusé lui aurait indiqué pendant l’attaque là où se trouvaient les rassemblements de Tutsi et lui aurait aussi mis à disposition des gendarmes. Interrogée sur Nyamure, la témoin explique avoir vu l’accusé, accompagné de gendarmes, se rendre à Nyamure, ils se seraient notamment arrêtés devant son domicile afin de chercher des Tutsi qui y étaient cachés. Elle les aurait fait fuir avec son fusil. Elle ajoute que l’accusé a quitté Nyanza vers la fin du mois de mai. L’adjudant-chef serait venu chez elle emprunter une bâche à ce moment-là.

L’accusé a pu réagir à ces déclarations. Celui-ci a affirmé que Madame MUKARUSHEMA n’était plus gendarme au moment des faits. Cette dernière a confirmé qu’elle était gendarme en congé maternité à l’époque. En réaction aux propos tenus sur les enfants que l’accusé et sa famille auraient cachés, il soutient qu’elle raconte « n’importe quoi ».

Monsieur Didace KAYIGEMERA, gendarme à Nyanza pendant la période du génocide, a ensuite témoigné devant la Cour. Il affirme que BIRIKUNZIRA a réussi à maintenir le calme jusqu’au 20 avril, et que « BIGUMA » s’est rangé du côté de ceux qui voulaient faire le massacre. Il soutient que l’accusé n’était pas menacé par des extrémistes ou des gendarmes du nord, « il était de leur côté ». Le témoin indique que l’accusé lui aurait dit en 1994 « j’espère que c’est seulement à la messe que tu vas », sous entendant qu’il irait à d’autres réunions lorsqu’il se rendait à la messe.

Le témoin précise que l’accusé a participé à l’accueil, aux côtés du sous-lieutenant Jean De Dieu et du capitaine BIRIKUNZIRA, des trente officiers de l’école militaire de Butare arrivés la veille des massacres. De plus, il soutient que les Interahamwe sont venus à plusieurs reprises à la Compagnie tenir des réunions avec l’accusé et le sous-lieutenant. Interrogé sur la mort du bourgmestre NYAGASAZA, il affirme que l’accusé l’a pourchassé chez lui à Ntyazo, il l’aurait fait monter à bord d’un véhicule Toyota blanc afin d’aller à la gendarmerie. Une fois arrivé, BIRIKUNZIRA l’aurait fait repartir et l’accusé l’aurait conduit à Rewesero. Le témoin confirme n’avoir reconnu que le bourgmestre dans le véhicule. Il dit ne pas avoir d’information sur le potentiel rôle que l’accusé aurait pu avoir sur les barrières. Cependant interrogé ensuite par le Président de la Cour, il confirme ses propos tenus devant le juge d’instruction. Il souligne qu’avant le début des massacres à Nyanza, l’accusé aurait transformé les barrières en points de contrôle.

Concernant l’attaque de l’ISAR Songa, il déclare que l’accusé aurait « mis des gendarmes dans un véhicule avec leurs armes dont un mortier 60 », ils seraient partis tous ensemble. Il précise que personne ne savait faire fonctionner le mortier, c’est donc l’accusé qui l’aurait utilisé. De plus, il dit que l’accusé s’est fait muter au mois de mai, mais ne se souvient pas de la date précise.

Madame Eugénie MUREBWAYIRE, rescapée du génocide, a été entendue à titre de simples renseignements. Elle raconte brièvement qu’il y avait déjà une ségrégation raciale avant le génocide, notamment car il était difficile pour les Tutsi tels qu’elle et ses frères et soeurs d’effectuer une scolarité. Elle raconte les assassinats de sa soeur enceinte de huit mois et de ses enfants par des Interahamwe, près de la barrière sur la route de Nyamure, barrière qui était contrôlée par des gendarmes. Elle sait cela de ses frères qui étaient cachés près de là. Elle ajoute que le mari de sa soeur s’était caché dans une église avec d’autres Tutsi. La population aurait essayé de les déloger, cela n’ayant pas marché les gendarmes seraient intervenus et auraient jeté une grenade. Elle souligne aussi que ces frères qui s’étaient réfugiés dans un centre commercial à Nyanza auraient été frappés par des gendarmes.

Concernant l’attaque de la colline de Nyabubare, la témoin explique qu’elle était cachée dans le bishya, un marais à ce moment-là. Elle aurait vu deux véhicules monter du côté de Nyabubare avec une grosse arme. Elle précise qu’il y avait des gendarmes dans ces véhicules. Elle raconte avoir ensuite entendu une première explosion, et vu une grosse fumée noire. Après la première explosion, il y aurait eu une deuxième explosion, les personnes présentes se seraient alors éparpillées. Certaines personnes se sont cachées dans le marais, où elle se trouvait et c’est là qu’on lui aurait raconté qu’il y avait Biguma. Elle raconte que son père a perdu la vie dans cette attaque, que celui-ci a été décapité et sa tête mise sur un pic.

En outre, elle mentionne une barrière contrôlée par un dénommé Albert proche de là où elle s’est cachée durant le génocide. Les ordres donnés à cette barrière émaneraient de Biguma ; elle tient ces informations de la famille de la personne chez qui elle se cachait.

Cette semaine d’audience s’est terminée avec l’audition Madame Françoise MUTETERI, rescapée du génocide. Elle mentionne aussi la discrimination subie par les Tutsi avant le génocide. Elle mentionne avoir été arrêtée à une barrière dirigée par les gendarmes de Nyanza avant le génocide car elle avait oublié sa carte d’identité.

Elle explique ensuite que le 20 avril 1994, lorsque les massacres ont commencé à Nyanza, elle a accompagné son père demander de l’aide au directeur de l’école secondaire dans laquelle il travaillait afin de trouver un endroit où se cacher. Le directeur aurait refusé leur demande en leur expliquant que les lieux allaient être mis à la disposition des militaires de Kigali et de leurs familles. C’est ainsi qu’ils se sont rendus le lendemain chez un ami de la famille Monsieur RUTAYISIRE.

Le 22 avril 1994, Madame MUTETERI ouvre la porte à des gendarmes venus frapper au domicile de RUTAYISIRE. Les gendarmes ont rassemblé les personnes présentes dans la maison et les ont fait assoir sur le sol, ils leur ont tiré dessus. Tout le monde est décédé, excepté Madame MUTETERI. Elle ne connaissait pas ces gendarmes et précise qu’ils étaient nombreux, sans pouvoir indiquer de nombre précis. Enfin, la témoin a expliqué à la Cour comment elle a survécu au génocide en se cachant dans un trou pendant plus de deux mois.

Par Ella Grappin, Stagiaire Commission Justice Ibuka France
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024