Fiche du document numéro 34573

Num
34573
Date
Vendredi 11 octobre 2024
Amj
Auteur
Fichier
Taille
85240
Pages
5
Urlorg
Titre
Procès de Charles Onana à la 17ème chambre du Tribunal correctionnel de Paris - Jour 3
Sous titre
Procès du 7 au 11 octobre 2024 pour négationnisme du génocide perpétré contre les Tutsi. Compte rendu de l’audience du 10 octobre 2024
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Source
Type
Page web
Langue
FR
Citation
Ce troisième jour d’audience a débuté ce jeudi 10 octobre par l’appel des trois témoins appelés à témoigner en cette matinée. Le premier témoin entendu est un politologue et ancien expert du TPIR d’origine rwandaise, Nkiko Nsengimana. Il a expliqué être un militant des droits de l’Homme, et qu’en tant que Chef de la société civile rwandaise, il a pu suivre le processus de négociations sur la paix et la répartition de pouvoir au sein des institutions rwandaises. Il a exprimé le manque de volonté du FPR de partager le pouvoir, souhaitant plutôt l’obtenir par la guerre. Le FPR n’aurait eu aucune préoccupation pour les Tutsi de l’intérieur. S’agissant de la planification du génocide, il n’y en aurait eu aucune. Il parle de génocide « rétributif » : un génocide organisé qui prendrait forme au fur et à mesure et qui serait une réaction spontanée à une menace réelle ou supposée. Il a terminé ses déclarations par dire que les citations incriminées du livre d’ONANA ne nient pas le génocide. Le témoin a affirmé que le FPR avait massacré les siens en Juillet 1994, même sa famille Tutsi car elle n’avait pas voulu se séparer de la famille Hutue. Interrogé par les parties civiles, il affirme que le livre de Charles ONANA ne niait pas le génocide mais montrait le fait que la volonté du FPR de prendre le pouvoir par la guerre a mené au génocide. Les guillemets ne feraient selon lui que mettre en exergue le génocide. En revanche, il n’y aurait pas eu de planification, car sinon les membres du gouvernement n’auraient pas été tués en 1994.

Le deuxième témoin se présentant à la barre est un ancien gendarme Colonel Michel Robardey appelé en 1990 à mener une mission au nom de la France afin de former les gendarmes rwandais. Il a affirmé que le livre d’ONANA ne faisait que retracer des faits : des Hutus et des Twas ont aussi été tués. En mission au Rwanda de 1990 à fin 1993, il a déclaré que les régimes qu’il a connus n’étaient pas des régimes génocidaires. Il n’y aurait eu aucune planification de leur part. D’ailleurs, il a ajouté que même le TPIR ne l’avait pas prouvé. Répondant aux questions des avocats des parties civiles, il a déclaré que Paul Kagame avait provoqué le génocide, bien qu’il ne soit pas le seul responsable. Interpelé sur son rôle dans la création du fichier central, il a insisté sur le fait qu’aucune liste n’avait été faite.

Un troisième témoin a ensuite été appelé à la barre, Christian Quesnot, ancien Chef de l’état-major particulier du président de la République de 1991 à 1995. Celui-ci a alors livré un témoignage de son expérience personnelle au Rwanda. Il déclare avoir été envoyé par le président Mitterrand en 1992 pour délivrer un message au président Habyarimana. Sur place, il aurait découvert des tas de cadavres qui avaient été exécutés par le FPR. Lorsque la Présidente l’a interrogé sur l’ouvrage de ONANA, il a déclaré qu’il était un homme honnête qui n’avait pas cherché à nier le génocide. Le témoin parle d’un génocide des Tutsi d’un côté et de crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis d’un autre côté commis par le FPR. Selon lui, le génocide n’a en revanche pas été planifié, le TPIR lui-même ne l’ayant pas reconnu. Il n’a en tout cas jamais reçu d’informations en ce sens. Il a également critiqué le rapport Duclert, qui serait partial et partiel. Interrogé sur l’objectif de l’opération Turquoise, à laquelle il a participé à son élaboration, il a déclaré que son but était uniquement humanitaire. Sur les menaces proférées par Paul Kagame à l’encontre de Charles ONANA, il a indiqué qu’il fallait absolument les prendre au sérieux, car il les met toujours à exécution. Après une suspension d’une heure, l’audience a repris à 14h par l’appel des cinq témoins appelés à témoigner dans l’après-midi.

La présidente a d’abord appelé à la barre Bernard Maingain, avocat de profession. Envoyé par une entreprise belge au Rwanda en 1989, il a longuement raconté son amitié avec Jean Birara, ancien gouverneur de la banque national du Rwanda. Ce serait grâce à lui qu’il connait si bien l’histoire et la culture du Rwanda. Il l’aurait ainsi prévenu des éléments de préparation du génocide, notamment l’élaboration de listes. Pour lui, il n’y a pas de génocide sans planification : on ne tue pas autant de milliers de personnes par jour sans préparation. S’agissant de l’ouvrage d’ONANA, il déplore un travail loin d’être celui d’un scientifique. Il a insisté notamment sur le fait qu’il allait à l’encontre de dizaines de décisions judiciaires prononcées par des juges plus indépendants les uns que les autres. Dans ses réponses aux questions posées par les parties civiles il affirme que cet ouvrage est clairement négationniste. Les avocats de la défense l’ont notamment interrogé sur ses liens en tant qu’avocat avec Ibuka et Paul Kagame, ce à quoi il a répondu qu’il n’était porteur des intérêts de personne.

Le général Didier Tauzin a ensuite été appelé à témoigner. Dans ses déclarations, il a successivement expliqué ses quatre visites au Rwanda. Si la première fois, en juillet 1989, il aurait constaté une situation sociale assez calme comparé au Burundi, en 1992 il aurait vu pendant son séjour de deux semaines plusieurs cadavres tués par le FPR. Il a ensuite expliqué que début 1993 il a arrêté Paul Kagame en quatre jours avec son régiment, mais que Paris a stoppé cette contre-offensive due à la nouvelle cohabitation politique. Interrogé sur le livre en cause, il a assuré qu’il ne voyait pas en quoi celui-ci contesterait l’existence du génocide. Simplement, il a mis en exergue les autres victimes qui sont oubliées. S’agissant de sa vision sur les fondements de la différence ethnique entre Hutu et Tutsi, le général a fait mention de l’idéologie raciste dite « hamitique », avec des Hutus issus du peuple Bantou et des Tutsi venus d’ailleurs.

Après une suspension de trente minutes, Théoneste Habimana a été entendu par le tribunal. Ancien magistrat au Rwanda et fondateur de la Ligue des droits de l’Homme rwandaise, il a expliqué que le livre d’ONANA était celui d’un chercheur qui explorait des faits avérés. Selon lui, la planification ne se présume pas, elle se prouve, et encore aujourd’hui il est nécessaire de la chercher. Il a également insisté sur le rôle de la justice comme facteur de réconciliation : dire que ce livre contient des propos négationnistes ne serait pas favorable à la réconciliation de la population rwandaise. Dans ses réponses aux questions, il a bien appuyé le fait que pour lui le conflit ne tenait pas forcément à une opposition Hutu/Tutsi, mais qu’il était question d’un système. Interrogé sur si le FPR avait mené des persécutions envers les Hutus après la prise du pouvoir en juillet 1994, il a répondu que non, car il y avait également des Hutu au sein des institutions.

Vers 18h, Théobald Rutihunza s’est présenté à la barre. N’ayant pas fait de déclarations spontanées, mises au fait que les accusations n’étaient pas fondées, il a répondu aux questions du tribunal. Il a ainsi expliqué être un défenseur des droits de l’Homme, ayant notamment fondé l’association RIPRODHOR. Il a également expliqué ses implications dans le parti MDR, au sein duquel il a milité. Ainsi, il aurait été traqué après l’arrivée au pouvoir du FPR. Depuis 1994, personne ne voudrait entendre parler de droits de l’Homme au Rwanda. Enfin, il a affirmé que le livre de Charles ONANA était conforme à ce qu’il avait vécu et que celui-ci ne niait pas l’existence du génocide des Tutsi.

Le dernier témoin à être entendu est Emmanuel Habyarimana, qui a commencé par présenter ses études et sa carrière. Il a ainsi expliqué être parti à la guerre après l’attaque d’octobre 1990 et que par suite il a été emprisonné. Acquitté, il a ensuite rejoint le gouvernement en tant que ministre du sport et de la jeunesse. A la prise du pouvoir par le FPR, il a rejoint le gouvernement de transition et est devenu député à l’Assemblée nationale. S’agissant de l’ouvrage en cause, ce qu’y dit ONANA serait la vérité. A l’Assemblée nationale, il a pu enquêter sur ce qu’il s’est passé. Il a cité l’exemple d’un député qui a affirmé devant l’Assemblée que des Hutus étaient exterminés et qui a été tué quelques jours plus tard par le FPR. Pour lui, dire qu’il y a eu des massacres de Hutu n’est pas une contestation du génocide des Tutsi. Interrogé sur la question de savoir pourquoi il est resté au gouvernement en ayant assisté à cela, il a affirmé que sinon il n’aurait jamais su que le FPR avait commis des massacres. Par ailleurs, il a déclaré ne pas avoir été démis de ses fonctions, il serait plus parti de lui-même car sinon on l’aurait assassiné. Il a terminé par dire qu’il y avait un génocide des Hutus depuis 1990 qui se perpétue encore aujourd’hui.

Par Léna Jaouen, Stagiaire Commission Justice Ibuka France
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024