Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Citation
La commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi a été décidée par le président de la République pour que le génocide des Tutsi prenne toute sa place dans notre mémoire collective.
Le rapport de la commission Duclert (remis le 26 mars 2021) pêche pour trois raisons :
La lettre de mission, la composition de la commission et la méthode.
La lettre de mission du 5 avril 2019, a limité le travail de recherches aux seules archives françaises relatives au Rwanda. Il aurait fallu l’étendre, à tout le moins, aux archives françaises relatives à la région des Grands Lacs en général, à l’Ouganda et au Burundi en particulier, ce pays miroir du Rwanda et grand absent de la réflexion des chercheurs. D’autre part, limiter aux seules archives françaises le travail de recherche a contribué à ne pas tenir compte du rôle des autres acteurs engagés au cours de cette période et à accabler la France d’une responsabilité partagée.
La composition de la commission a été réservée aux seuls professeurs d’universités, dont aucun n’apparaît être spécialiste de l’Afrique ou de la région des Grands Lacs, ni spécialiste du génocide rwandais, ni connaisseur de l’exercice du pouvoir par François Mitterrand (pourquoi un spécialiste du général de Gaulle ?), hors la présence de politiques ou militaires qui auraient pu apporter un éclairage sur le fonctionnement de l’Etat en général, de l’Elysée en particulier, ainsi que de la prise de décision d’intervention des forces armées sur des zones de conflit.
La méthode, dite scientifique, laisse perplexe, étant donné que le doute doit prévaloir du fait de la seule consultation des archives françaises, que la composition de la commission aurait dû être élargie et que l’audition de témoins, encore en vie, aurait permis d’éclaircir des zones d’ombre. Dans l’introduction, la phrase : « La Commission a constitué une communauté de chercheurs pour lesquels la connaissance historique est à l’inverse d’un savoir qui se referme sur lui-même ou qui s’appuierait seulement sur des incursions partielles ou partiales dans les sources » est assez paradoxale puisque le rédacteur reconnaît lui-même quelques pages auparavant qu’une approche exhaustive aurait nécessité la consultation des archives des autres acteurs. Il écrit même qu’il faudrait aussi faire la lumière sur la responsabilité des autres pays et des organisations internationales qui interviennent ou n’interviennent pas dans la résolution de la crise rwandaise. Ce que la Commission ne fait pas contrairement à la demande de la lettre de mission.
Des chercheurs qui se seraient penché sur la responsabilité des Etats-Unis, notamment lors du déroulement du génocide ou de la Belgique lors de la colonisation et du processus d’indépendance du Rwanda et du Burundi, à partir de l’analyse des seules archives des Etats-Unis ou de la Belgique auraient conclu à la responsabilité lourde et accablante des Etats-Unis et de la Belgique. Ces deux pays ont d’ailleurs présenté des excuses au gouvernement rwandais.
Enfin, dès la page deux de l’introduction : « Le FPR, qui a combattu les génocidaires hutu, arrêté le génocide, parvenu au pouvoir après l’entrée de ses forces dans la capitale, Kigali, le 4 juillet 1994, … », il y a trois erreurs factuelles majeures qui orientent le rapport : le FPR n’a pas combattu les génocidaires mais les forces armées rwandaises, n’a pas arrêté le génocide, il s’est malheureusement arrêté de lui-même faute de Tutsi à tuer, comme le reconnaît le rapport, à la page 972 (« la très grande majorité des Tutsi du Rwanda exterminés dès les premières semaines », Kigali est investi le 4 juillet et Butare le 3 juillet) et n’est pas parvenu au pouvoir après l’entrée de ses forces dans la capitale, le 4 juillet, elles y étaient présentes depuis le 28 décembre 1993.
La lecture exhaustive du rapport montre que la France a, bien sûr, une part de responsabilité dans les évènements qui se déroulent au Rwanda du 5 octobre 1990 au 15 décembre 1993, tentative de démocratisation du régime, soutien militaire constant au président Habyarimana, négligence des massacres de Tutsi qui suivent les offensives du FPR ou qui les précèdent, négligence des avertissements d’officiers français présents sur les possibilités de massacres d’ampleur. Par contre le rapport, non exempt de contradictions dans l’analyse de documents (les mêmes documents sont analysés de manière différente selon les rapporteurs), d’erreurs de jugement sur des officiers français, ainsi sur l’amiral Lanxade, qualifié d’atlantiste, et de parti pris sur l’état-major particulier du président de la République et sur le président de la République lui-même, ignore totalement la situation miroir du Burundi, où des coopérants militaires français aident le gouvernement burundais et l’armée burundaise (à forte majorité tutsi) à stabiliser le pays et à calmer les massacres qui suivent l’assassinat du président Ndadaye par des officiers tutsi, le 21 octobre 1993.
Ils aident l’armée burundaise dans la recherche de caches d’armes d’extrémistes hutu au mois de mai 1994 (au moment du génocide des Tutsi par les Hutu au Rwanda).
Enfin, si tout processus suit la règle des trois D, départ du processus génocidaire, déclenchement du processus génocidaire (l’attentat du 6 avril 1994), déroulement du génocide, rien n’est dit, dans le rapport, sur la responsabilité du FPR, ni dans son impensé du génocide alors que Paul Kagame avait appartenu aux services de renseignement de l’armée ougandaise et que des membres hutu de l’état major du FPR avaient fait leurs études militaires avec le président Juvénal Habyarimana ou le colonel Théoneste Bagosora, ni dans sa stratégie de ne pas prendre Kigali dans les 15 jours qui ont suivi l’attentat du 6 avril, ni de foncer vers la province de Butare où vivaient de nombreux Tutsi (les forces du FPR avaient pris le mont Rebero, au sud de Kigali dès le 19 avril), ni sur son exigence du départ des forces étrangères venues exfiltrer leurs ressortissants entre le 9 avril et le 15 avril, ou dans son opposition à l’élargissement de la MINUAR après le 30 avril. La prise de Kigali aurait cassé la folle dynamique du génocide. Il y aurait eu des massacres, comme au Burundi, mais un génocide aurait pu être évité.
Dans sa conclusion, le rapport Duclert mentionne un ensemble de responsabilités lourdes et accablantes de la France. Il ne mentionne pas la responsabilité des autres acteurs nationaux et internationaux. Il s’agit d’un rapport partiel et partial.