Fiche du document numéro 33432

Num
33432
Date
Mercredi 30 novembre 2016
Amj
Auteur
Fichier
Taille
161986
Pages
3
Urlorg
Sur titre
800 000 morts
Titre
France-Rwanda : Paul Barril, au cœur des accusations de complicité de génocide
Sous titre
Pour la première fois depuis 1994, la justice rwandaise a décidé d'enquêter sur «une vingtaine de personnalités françaises» soupçonnées d'avoir participé aux tueries au Rwanda. Mais en France aussi, les juges s'interrogent sur le rôle de certains Français pendant cette tragédie, et enquêtent sur Paul Barril.
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Type
Tribune
Langue
FR
Declassification
 
Citation
Paul Barril, en février 2005, lors du procès des écoutes de l'Elysée. (Photo Eric Feferberg. AFP)

Une action en justice peut parfois en cacher un autre : mardi, le Rwanda a fait sensation en annonçant le déclenchement d'une instruction judiciaire contre une vingtaine de hauts responsables français. Tous accusés, et pour la première fois, par la justice de ce pays, de complicité dans le génocide des Tutsis qui a fait plus de 800 000 morts en 1994. La France impliquée dans le dernier génocide du XXe siècle ? L'accusation est impressionnante. Mais ce n'est pas une totale surprise, comme l'avait d'ailleurs annoncé Libération dès son édition du 26-27 novembre.

La liste nominative des personnes soupçonnées par Kigali n'est pas encore connue. On peut cependant avancer qu'on y retrouvera les noms évoqués récemment par une commission rwandaise, la Commission nationale de lutte contre le génocide, qui a publié le 1er novembre une liste de 22 officiers français impliqués, selon elle, dans le génocide. On y repère notamment le nom de Paul Barril. Or, cet ex-gendarme de l'Elysée devenu mercenaire, fait également l'objet, depuis juin 2013, d'une information judiciaire au pôle génocide du tribunal de grande instance de Paris pour «complicité dans le génocide de 1994».

Enfumage



Bref, en France aussi, des juges s’interrogent sur le rôle de certains Français dans le génocide qui s’est déroulé au Rwanda. La seule question qui mérite attention : savoir si Paul Barril, agissait en électron libre ou en service commandé.

Ce personnage sulfureux adepte de la «diplomatie secrète» figure aux premières loges dès le déclenchement des massacres, même si son rôle est difficile à cerner tant il a multiplié les opérations d’enfumage. Fin juin 1994, Barril présente devant les caméras une boîte noire censée être celle de l’avion abattu du président rwandais Juvénal Habyarimana ? C’est une simple balise. Il affirme avoir récupéré les lanceurs de missiles ? Il se rétractera par la suite. En revanche, les perquisitions effectuées chez lui en 2012 permettront de confirmer que, durant le génocide, il a conclu un contrat pour livraison d’armes et d’hommes, d’une valeur de trois millions de dollars, avec le gouvernement rwandais qui orchestre les massacres.

«Ce contrat n'a jamais été appliqué», se défendra par la suite Barril devant les juges. Reste que selon plusieurs documents désormais déclassifiés, les autorités françaises sont tout à fait au courant, et en temps réel, des manœuvres de Barril au côté des forces génocidaires au Rwanda, où il est d'ailleurs aperçu la veille de l'attentat contre le président rwandais. Mais alors, comment se fait-il que personne à Paris n'ait songé à l'empêcher d'agir ? Et pour quelle raison, Barril a t-il été récompensé, promu capitaine honoraire de la gendarmerie, en juin 1994 ?

Ces questions-là n'agitent pas uniquement Kigali. Elles intéressent aussi des magistrats français à Paris, en charge du dossier potentiellement le plus explosif de la Ve République. Car s'il est avéré que «des Français» ont participé au génocide, avec l'accord, a minima passif, de Paris, c'est bien une page singulière et secrète de l'histoire de France qui serait mise au jour.

Une chose est sûre : du coté de Kigali on n’a guère apprécié le nouveau report de la clôture de l’instruction judiciaire ouverte à Paris en 1998 sur l’attentat contre l’avion de Juvénal Habyarimana le soir du 6 avril 1994. Cette instruction empoisonne en effet les relations franco-rwandaise depuis dix-huit ans car elle n’a conduit jusqu’à présent qu’à la mise en examen de neuf hauts responsables de l’actuel pouvoir rwandais.

La clôture de l’instruction française n’aurait certes pas permis de désigner les coupables. Mais elle aurait au moins conduit à un non-lieu qui aurait apaisé les tensions entre les deux pays, alors que le dossier a été notoirement manipulé par le premier magistrat instructeur, Jean-Louis Bruguière. Les accusations de ce dernier, souvent alimentées par des «témoins» qui se sont depuis rétractés, avaient déjà conduit en 2006 à la rupture des relations diplomatiques entre Paris et Kigali. Nul doute que la nouvelle offensive judiciaire rwandaise n’est pas de nature à réchauffer le climat alors que le poste d’ambassadeur français au Rwanda est toujours vacant depuis 2015.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024