Fiche du document numéro 33114

Num
33114
Date
Vendredi 27 octobre 2023
Amj
Auteur
Fichier
Taille
573817
Pages
3
Urlorg
Titre
« Murabeho » de Pierre Lepidi : Rwanda, l’énigme des gendarmes français assassinés à Kigali
Sous titre
Dans un roman passionnant publié mercredi 25 octobre, le grand reporter Pierre Lepidi explore le mystère des deux gendarmes tués à Kigali aux premiers jours du génocide des Tutsis, en avril 1994.
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Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Des parachutistes français aident des citoyens européens à l'aéroport de Kigali, le 11 avril 1994, lors d'une opération d'évacuation, alors que les massacres entre Hutus et Tutsis se poursuivent au Rwanda. PASCAL GUYOT/AFP

Qui se souvient de l'assassinat de deux gendarmes français et de l'épouse de l'un d'eux, à Kigali, aux premiers jours du génocide des Tutsis, en avril 1994 ? Et avec eux, de leur gardien rwandais ? Qui sont les meurtriers ? Pourquoi ? Est-ce en lien avec l'attentat contre le président Habyarimana, dont l'avion venait d'être abattu à son arrivée à Kigali, le 6 avril 1994 ? Attentat qui fut l'acte déclencheur du génocide des Tutsis. Spécialistes des transmissions radio, ces deux gendarmes avaient-ils eu des informations sur les responsables de l'attentat ?

Les oubliés de l'histoire



Balayée par l'événement monstre que fut l'extermination d'un million de Tutsis et de milliers de Hutus de l'opposition au printemps 1994, petite pièce du puzzle complexe du rôle de la France au Rwanda entre 1990 et 1994, l'élimination du couple Didot et de René Maïer a été oubliée et effacée de nos mémoires. Le journaliste Pierre Lepidi, spécialiste rigoureux du continent africain au quotidien Le Monde, lui, ne l'a pas oubliée.

Il leur avait consacré deux longs articles publiés en janvier 2022, fruit d'une enquête serrée auprès des témoins et des proches des trois Français assassinés et de Jean-Damascène Murasira, le jeune gardien tué avec eux. Il avait recueilli des témoignages exclusifs des militaires de l'époque, retrouvé la maison des Didot où fut commis le crime, leur jardin où les quatre corps furent enterrés.

Un roman « vrai »



Habité par cette histoire tragique, il y revient dans Murabeho (« au revoir » et « ne meurs pas avant que l'on se revoie » en kinyarwanda). Son premier roman, et quel roman ! Pierre Lepidi y met en scène une jeune journaliste originaire du Rwanda à qui son mentor, un grand reporter tout juste à la retraite, confie cette affaire qui le hante, lui aussi. Elle se lance, à son tour, dans cette histoire.

À sa suite, nous plongeons dans les méandres de cette tragédie cruelle qui se joue à l'heure où le Rwanda bascule dans l'horreur. Avec elle, nous découvrons les victimes, leurs familles, ceux qui parlent, qui veulent savoir, qui portent le deuil, toujours, trente ans après. Les voici proches de nous, ne sont plus des abstractions, des fantômes aux contours vagues, mais de vraies gens avec leurs souvenirs et leur souffrance. L'armée française fait pression sur elles pour qu'elles renoncent à saisir la justice, en 1994. Au cours de son enquête, la jeune journaliste exhume les certificats de décès, constate qu'ils ont été falsifiés.

Effroi et tristesse



L'héroïne ne cesse de se heurter aux entraves et chausse-trapes qui entourent la mort de ces Français. Elle met en lumière les zones d'ombre de cette histoire comme l'inaction du parquet de Paris qui, bien que saisi par un procureur, et même par un député en 1994, n'a pas ouvert d'enquête sur l'assassinat de ces trois Français.

Avec elle, le lecteur passe de surprise en surprise, d'effroi en tristesse. L'effet est saisissant, d'autant que tout est vrai, rien de ce qui est rapporté dans ce roman n'a été inventé. Le récit s'arrête là où s'arrête la réalité. Ainsi, il ne tranche pas entre les deux hypothèses communément avancées sur l'identité des tueurs. Des Hutus extrémistes au service du régime génocidaire qui se met en place à la suite du meurtre du président Habyarimana ? Ou des membres du Front patriotique rwandais (FPR), un mouvement politico-militaire composé de Tutsis réfugiés en Ouganda, dont des éléments se trouvaient non loin de la maison des Didot ? Si le roman se tait sur ce point, il suggère cependant des pistes.

Notre histoire au Rwanda



Publié quelques mois avant le 30e anniversaire du génocide des Tutsis, le 7 avril 2024, Murabeho n'est pas seulement un bel hommage rendu au couple Didot, à René Maïer et au jeune Jean-Damascène Murasira. Il est aussi un formidable moyen pour entrer sans se perdre dans cette histoire, celle de la France au Rwanda. »

Murabeho

Pierre Lepidi

2023, JC Lattès, 250 p, 20,90 €
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024