Citation
Pour la troisième semaine consécutive, dans son audience générale hebdomadaire sur la place Saint-Pierre, à Rome, le pape a traité, mercredi 16 août, du thème de l'infidélité du peuple juif à son alliance avec Dieu. Cette catéchèse publique exceptionnelle sur le judaïsme ne va certainement pas contribuer à améliorer le climat des relations entre le Vatican et les organisations juives internationales, dégradées par les derniers développements de l'affaire du carmel d'Auschwitz.
En substance, Jean-Paul II reprend des éléments de la théologie chrétienne sur le peuple juif qu'on croyait dépassés depuis le dernier concile Vatican II (1962-1965), notamment le document d'inspiration très ouverte Nostra Aetate. Devant l'infidélité des juifs à l'alliance contractée avec Dieu, dénoncée par les prophètes eux-mêmes, celui-ci aurait passé "une nouvelle et éternelle Alliance" par l'intermédiaire de Jésus-Christ. "Dans l'Ancienne Alliance, Dieu avait choisi Israël pour être son peuple élu, a expliqué Jean-Paul II le 16 août, mais Israël devait refléter sa consécration à Dieu par la sainteté de son mode de vie. Aux termes de la nouvelle Alliance, les chrétiens sont consacrés membres de la race élue, une prêtrise royale, une nation sainte."
Dès le début d'août, les communautés juives d'Italie, la Ligue américaine B'nai Brith, les rabbins David Rosen et Leon Klenicki avaient exprimé leur "douloureuse surprise" devant de tels propos, qui leur rappellent l'enseignement d'antan, selon lequel l'Alliance chrétienne a "dépassé et remplacé l'Alliance de Dieu avec le peuple juif pour punir Israël de son infidélité". Auteur de cette critique, le rabbin Rosen d'Israël a cependant tenu à souligner, mercredi, que le pape avait atténué son dernier propos en insistant sur le "lien d'amour qui unit Dieu et le peuple juif d'une manière particulière et exceptionnelle". "Nos frères préférés"
Toutefois, cette catéchèse du pape tranche singulièrement avec le ton de sa visite du 13 avril 1986 à la synagogue de Rome. Si, alors, il n'avait pas spécifiquement traité le thème de l'Alliance, il avait souligné à quel point le judaïsme était "intrinsèque" à la religion chrétienne : "Vous êtes nos frères préférés et d'une certaine manière nos frères ainés."
Dans ses rapports avec le judaïsme, le pape continue de souffler successivement le chaud et le froid. Si, au nom de la responsabilité des Eglises locales, il s'interdit d'intervenir directement et publiquement dans l'affaire du carmel d'Auschwitz, qui touche pourtant son ancien diocèse de Cracovie, ces déclarations répétées sur l'infidélité du peuple juif à son alliance avec Dieu semblent, pour le moins, inopportunes.