Citation
François Mitterrand la guerre et Vichy
Producteur / co-producteur : France 2
Réalisateur : Jérôme Revon
Journaliste : Jean Pierre Elkabbach
Participant : François Mitterrand
Descripteur(s) : Collaboration, France, Occupation, Seconde Guerre mondiale
- QUESTION.- Et puis après, cela a été la guerre, le front, les camps de prisonniers, vous y êtes resté combien de temps ?
- LE PRESIDENT.- Un an et demi.
- QUESTION.- Un an et demi, prisonnier : deux tentatives d'évasion, la troisième réussie. Après, vous allez vous reposer dans le sud de la France, je crois que c'est à Saint-Tropez ?
- LE PRESIDENT.- J'ai pris deux temps de repos. Le hasard a voulu que mon évasion aboutisse au passage entre ce que l'on appelait la zone occupée - nous sommes encore en décembre 1941 - et la zone dite "libre", dans le Jura, où je n'étais jamais allé de ma vie, mais où je connaissais une famille, par relation familiale ancienne. Alors je me suis arrêté là. J'étais comme une sorte de mendiant, habillé je ne sais comment, j'arrivais d'Allemagne, et j'ai été reçu délicieusement. J'y suis resté le temps de bien me retaper en buvant du lait frais, en discutant avec la mère et les deux filles qui se trouvaient là, qui sont naturellement restées des amies très chères.
- Et aussitôt après, je suis parti pour Saint-Tropez : il ne faut pas confondre, ce n'est pas le Saint-Tropez d'aujourd'hui ; c'était un délicieux petit village pour les pêcheurs et pour les peintres. Pourquoi suis-je allé là ? C'est parce que des amis de mes parents, qui étaient une famille juive, les Lévy, Lévy-Despas, c'était un double nom, m'ont accueilli. Ils m'ont dit : venez, venez chez nous. Si bien que j'ai passé mes premières semaines de liberté, un peu enivré, dans cette famille-là.
- Vous me posez la question : à mon retour, voilà ce que j'ai fait et cela nous amène début 1942.
- QUESTION.- Début 1942, vous êtes donc dans une famille de juifs aisés, dans ce petit village de Saint-Tropez : des gens qui ont de l'argent.
- LE PRESIDENT.- Des gens qui ont beaucoup souffert par la suite et même un de leurs fils, qui s'est engagé dans la RAF a été tué au-dessus de Malte. C'est une famille qui a été détruite.
QUESTION.- Et pourtant, vous allez après à Vichy ?
- LE PRESIDENT.- Oui.
- QUESTION.- Et pourquoi, alors qu'il y a le gouvernement de capitulation, qu'il y a eu les lois anti-juives, vous allez à Vichy, pourquoi vous n'allez pas à Londres ou à Alger ? Je vous pose la question ?
- LE PRESIDENT.- Vous me dites les lois anti-juives, il s'agissait - ce qui ne corrige rien, et ne pardonne rien -, d'une législation contre les juifs étrangers, dont j'ignorais tout. Car, dans tout ce que je vois, dans tous les commentaires qui sont faits, on oublie toujours que pendant toute cette période-là j'étais prisonnier en Allemagne, et que m'étant évadé deux fois en vain, j'avais fait pas mal de stages en prison : pas simplement prisonnier de guerre, mais prisonnier tout court. J'étais à cent lieues de connaître ces choses-là. Et quand je me suis trouvé chez les Lévy-Despas, au début de 1942, ils ne m'en ont pas parlé.
- QUESTION.- Mais quand alors avez-vous appris l'existence de ce statut ? L'existence des camps de concentration, ça on l'a su plus tard.
- LE PRESIDENT.- Pour les camps de concentration, j'étais comme tous les Français informés, c'est-à-dire que je ne savais pas grand chose.
- QUESTION.- En 1942 ?
- LE PRESIDENT.- Non, mais beaucoup ont appris tout cela, vous pourrez le lire dans des textes de très grands résistants et aujourd'hui même dans la bouche de quelques très importants résistants gaullistes et dirigeants du RPR. Vous retrouverez facilement des citations. J'ai appris cela en 1944. Ce dégré de sauvagerie, cette barbarie, qui étaient inimaginables.
- QUESTION.- A Vichy, vous entrez dans un service de documentation, vous faites des fiches, vous les rédigez vous-mêmes, des fiches sur les communistes, les franc-maçons, les gaullistes, c'est ça ?
- LE PRESIDENT.- C'est un sujet de plaisanterie, cela ! Si le sujet n'était pas si grave, je comprendrais bien. Le responsable de ce service était un personnage haut en couleur, qui a commencé par me dire : "Surtout, si vous venez chez moi, il faut faire tout le contraire...". Il s'appelait Favre de Thierrens. Un peu plus tard il s'est retiré dans son pays près de Nîmes, où il est devenu un peintre très estimé et un résistant très respecté.
- QUESTION.- Mais à ce moment-là, vous ne faites pas de la résistance ? Ce n'est pas un début.
- LE PRESIDENT.- La Résistance, à cette époque... Il faut avoir de la chance pour rencontrer des résistants. Il y en a quand même. Et j'en rencontre précisément là, Susy Borel qui deviendra Mme Georges Bidault, Bernard de Chalvron qui était un diplomate de talent et très courageux, Léon Rollin, ancien patron de l'Agence Havas, l'un de ses collaborateurs qui s'appelait Nègre et quelques hommes de ce genre qui étaient dans la haute administration de Vichy, qui étaient des résistants dans l'âme et qui préparaient la suite.
- QUESTION.- C'est-à-dire qu'il y avait des résistants ou des résistants potentiels à Vichy ?
- LE PRESIDENT.- Il y avait des résistants réels. C'était aussi anarchique que ça. C'était une pétaudière ! Naturellement à peine Pétain a-t-il été désigné ou s'était-il emparé du pouvoir en liquidant la République au passage - c'était un vieillard qui avait déjà 84 ans, qui n'avait pas une très grande présence - se sont engouffrés par toutes les brèches possibles tous les gens d'extrême-droite qui avaient des comptes à régler avec la République ou qui voulaient assouvir leur passion comme l'antisémitisme. Ce qui a été le cas de Xavier Vallat, et de quelques autres, qui ont pris un pouvoir inconsidéré. Et à côté de ça, il y avait beaucoup de ces hauts fonctionnaires, je vous ai cité quelques noms, qui étaient des gens impeccables au point de vue patriotique.
QUESTION.- C'est un choix politique que vous avez fait en entrant dans la Résistance ou c'est une sorte de révolte patriotique ?
- LE PRESIDENT.- Ca correspondait à mes sentiments.
- QUESTION.- Choix politique, opportunité ?
- LE PRESIDENT.- Vous parlez d'une opportunité ! J'aurais bien voulu vous y voir !
- QUESTION.- Je sais que c'est facile d'en parler, là comme ça, froidement, comme beaucoup, 55 ans après. Mais moi, je n'aurais peut-être pas eu le choix.
- LE PRESIDENT.- Ce n'était pas un lit de roses. Mais c'était une vie passionnante. Non, ça s'est fait beaucoup plus par une sorte de pente naturelle. J'étais évadé de guerre. Je fréquentais surtout mes anciens camarades de guerre, ou ceux qui s'étaient évadés comme moi, par les affinités naturelles qu'on recherche à cet âge. On parlait donc surtout de ça. On a commencé à organiser les évasions de nos camarades qui étaient restés dans les camps. On leur envoyait des faux papiers, des itinéraires pour les bonnes routes, des indications sur les chemins de fer allemands, des passages de frontières. Puis peu à peu, ensuite, on fabriquait des faux papiers. Pour ce faire on entrait en contact avec les gens qui savaient faire : justement des résistants dans d'autres organisations.
- QUESTION.- Alors à ce moment-là, ce n'est pas de Gaulle ou les résistants qui sont à Londres, qui vous ont influencé ?
- LE PRESIDENT.- On ne les connaissait pas.
- QUESTION.- En 1942 ?
- LE PRESIDENT.- Pratiquement pas. On savait qu'il existait, de Gaulle naturellement, mais je ne le connaissais pas.
- QUESTION.- C'était une Résistance qui se faisait comme ça...
- LE PRESIDENT.- En France, c'était comme ça aussi. Vous ne croyez pas qu'il y a eu des centaines de milliers de gens qui résistaient.
- QUESTION.- Vous avez dit à Giesbert, que vous n'aviez jamais flirté avec l'extrême-droite, mais avec la droite oui ?
- LE PRESIDENT.- Je vous l'ai déjà dit tout à l'heure : j'étais comme beaucoup de Français, le produit d'un milieu, de ma société, de mon éducation. Je vous l'ai dit : petite bourgeoisie, dans une petite ville de province, et naturellement - d'ailleurs je ne m'en repens pas, parce que c'était des gens estimables et bienveillants - leur analyse politique était loin de celle qui est la mienne depuis de longues années, et je combats pour une idéologie qui n'est pas la même, sans avoir le sentiment de les trahir, parce que je les aimais. Mais, ça c'est le résultat de ma réflexion personnelle. Ce n'est pas si facile, vous savez, beaucoup de gens ont fait le chemin inverse plus commodément, c'est-à-dire de la gauche à la droite.
QUESTION.- Quels sentiments portiez-vous au Maréchal Pétain, si vous vous en souvenez ?
- LE PRESIDENT.- A ce moment-là, on a beaucoup vécu sur l'idée idiote mais très répandue que Pétain et de Gaulle étaient d'accord. C'est ce qu'on pensait dans les camps. Dans les camps, il y avait les cercles Pétain. QUESTION.- Et vous faisiez partie des cercles Pétain ?
- LE PRESIDENT.- Jamais, j'étais contre. J'ai mené une action pour refuser ce type d'adhésion qui au fond, devenait elle-même idéologique, c'est-à-dire qu'elle faisait de Pétain une couverture de la Révolution nationale, ça non. C'est pour vous dire que les choses sont plus compliquées qu'on ne le croit. Nous on disait : "Voyons ce général et ce maréchal, qui étaient très amis, l'un, Pétain est le parrain du fils du Général de Gaulle, leurs relations ne pouvaient qu'être bonnes...
- QUESTION.- Les déclarations du Général de Gaulle, vous n'aviez pas l'impression qu'il y avait une collusion ou une...
- LE PRESIDENT.- Les déclarations du Général de Gaulle, je ne sais pas où vous les auriez entendues, vous, le spécialiste de la radio ! Cela ne se passait pas comme cela. Mais j'ai vécu sur cette hypothèse bête pendant un certain temps. Cela n'a pas duré.
QUESTION.- Est-ce que vous pensez que vous avez fait le bon choix ? Vous l'avez fait. Vous êtes entré dans la Résistance. Vous dites presque que c'était la pente naturelle ! Est-ce que vous ne l'avez pas fait - si j'ose - tardivement, comme d'autres qui sont devenus après des patriotes ou des héros ?
- LE PRESIDENT.- Ecoutez : je suis rentré en France fin 41 et dans la vie civile au cours du premier trimestre, en gros. Je résume parce que je ne me souviens pas très bien, cela fait quand même cinquante-trois ans. C'était pour moi quelque chose de tout à fait naturel, et j'ai commencé à me trouver mêlé à des organisations dès le mois de juin 42.
- QUESTION.- C'est un moment, une rencontre que raconte très bien Pierre Péan.
- LE PRESIDENT.- Oui. Une organisation, des gens intéressants d'ailleurs et qui sont restés pour la plupart de très grands camarades. Malheureusement, à l'heure où nous parlons beaucoup ont disparu.
- QUESTION.- C'est ce qui va devenir, avec d'autres, la Résistance intérieure.
- LE PRESIDENT.- Notamment. C'est d'ailleurs là qu'il y a eu les premiers maquis, qui ont été constitués surtout par les garçons qu'on voulait envoyer en Allemagne pour ce qu'on appelle "la relève", c'est-à-dire pour remplacer les prisonniers de guerre. C'était un odieux marché, contre lequel nous avons pris position, mais ce n'était qu'à partir de 43. Là, c'était déjà en 42. Le leader de cette organisation s'appelait Antoine Mauduit ; il est mort en déportation et je garde de lui un souvenir très chaleureux. Lui faisait cela avec des prisonniers évadés qui étaient les premiers hors-la-loi. Et voilà comment les choses se sont faites.
QUESTION.- Est-ce que c'est à cause de votre origine familiale, votre milieu et en même temps ce que vous avez vécu à ce moment-là ? Est-ce que c'est à cause de cela qu'il y a une sorte d'opposition à de Gaulle que vous avez rencontré plusieurs fois, par la suite ? Est-ce la source de l'opposition que l'on a vue par la suite sur le plan politique et historique ? Remonte-t-elle à ce moment-là ?
- LE PRESIDENT.- Ce n'est pas si clair que cela. Le premier heurt que j'ai eu avec de GAULLE, c'est aussi la première fois que je l'ai rencontré, c'est-à-dire début décembre 1943 à Alger, Villa des Oliviers. Et là, de Gaulle, pour donner des directives aux organisations de Résistance, celle que je contrôlais et celles qui étaient de mon milieu, avait adopté une attitude de commandement qui me paraissait mal adaptée à la situation. Alors, je lui ai dit : "Il ne me semble pas que vos plans soient bons et votre choix des hommes est regrettable".
- QUESTION.- Vous aviez vingt-sept ans, vingt-huit ?
- LE PRESIDENT.- Eh bien, c'était en 1943.
- QUESTION.- Vingt-sept ans.
- LE PRESIDENT.- Donc, j'avais vingt-sept ans.
- QUESTION.- Mais donc, cela remonte un peu à cette période ?
- LE PRESIDENT.- Eh bien, là, je me suis accroché avec lui. Mais je dois dire qu'il a réagi d'une façon assez noble puisque, quelques semaines après, début mai, - alors que moi j'étais rentré en France par les voies clandestines, le 26 février -, le Général de Gaulle et Alexandre Parodi, - un homme tout à fait remarquable, il était le délégué général du Général chargé d'organiser les pouvoirs civils en cas de victoire -, m'avaient choisi pour être un des quinze hommes qui seraient chargés de tenir la légalité tout le temps que le gouvernement - c'est-à-dire le Comité national de Libération d'Alger - et que le Général de Gaulle lui-même, seraient empêchés, le cas échéant, de revenir à Paris. Et, le 19 août au matin, j'étais l'un de ceux qui se sont emparés des bâtiments publics.
- QUESTION.- Mais quand maintenant vous célébrez tel ou tel anniversaire de la Libération, que vous ne parlez pas trop du Général de Gaulle, est-ce que vous pensez à cette époque ?
- LE PRESIDENT.- Cela dépend. Je ne parle pas du Général de Gaulle quand il n'y a pas lieu d'en parler. J'en parle lorsqu'il est juste d'en parler. Si l'on en a pas parlé au moment du débarquement de Normandie, c'est parce que les troupes françaises en tant que telles n'y étaient pas engagées - pas le premier jour en tous cas - et pour des raisons que je comprends. Enfin, telle est la réalité. Et en revanche, lorsque l'on parle de la France, de la Libération de la France et des combats menés par les gens de la France Libre, je parle toujours du Général de Gaulle parce que je ne suis pas quelqu'un d'injuste.
QUESTION.- Grâce aux historiens américains comme Paxton, depuis quelques années et tant d'historiens français, il n'y a plus de censure, pratiquement, autour de cette période de notre histoire. Vous avez été témoin, vous avez été acteur.
- LE PRESIDENT.- Il n'y a pas de censure en tout cas depuis bientôt quatorze ans que je suis là.
- QUESTION.- Oui, mais le mouvement avait commencé avant parce qu'il y a eu des historiens qui avaient voulu voir tel ou tel aspect.
- LE PRESIDENT.- Cela a été assez longtemps difficile parce qu'un des premiers éléments de la législation de l'après-guerre, c'était d'interdire d'évoquer un certain nombre de faits pendant trente ans. Vous imaginez ? Ce n'était pas tenable pour les historiens.
- QUESTION.- Vous voulez dire que c'est à cause de cela qu'en dehors de quelques exceptions grandioses on a tous cru que nous étions quarante-cinq millions de Résistants ?
- LE PRESIDENT.- Oh, je préfère comme vous en sourire. Mais les vrais résistants, eux, savent très bien à quoi s'en tenir.
- QUESTION.- C'est-à-dire ?
- LE PRESIDENT.- Ils se reconnaîtront dans ce que je viens de déclarer.
QUESTION.- Au bout du compte, quel est votre propre jugement sur le régime de Vichy ? Est-ce qu'il y a des choses qui sont aujourd'hui, pour vous, condamnables et irréparables ?
- LE PRESIDENT.- Ecoutez, cela fait combien de fois que je le dis ? La première chose condamnable pour Vichy, c'est d'avoir tiré un trait sur la République. C'était un acte vraiment intolérable et c'est comme cela que s'est installé un état de fait. Non pas le premier jour, le 10 juillet, mais le 11 juillet 1940. Cela c'était déjà condamnable. Au début, c'était la pétaudière, c'est-à-dire un vieil homme derrière lequel s'infiltraient un tas de gens qui eux avaient depuis longtemps une idéologie - je ne dirais pas que Pétain n'en avait pas, mais ce n'était pas un penseur -, et les gens qui se sont infiltrés là, Maurras d'une certaine manière, Déat et bien d'autres très connus qui ont eu un sort contrasté par la suite, en ont profité pour faire une révolution, qu'il ont voulu appeler la Révolution nationale.
- Eh bien ça c'était détestable parce que ça reposait sur un certain nombre de données qui étaient contraires à tout ce qui me paraît être le message de la République, de la démocratie.
- QUESTION.- Et puis il y a eu les crimes.
- LE PRESIDENT.- Et puis il y a eu des persécutions. Ce qui est criminel, c'est la première législation antisémite. Les crimes se sont surtout répandus lorsque le combat est devenu plus difficile, c'est-à-dire d'une part les maquis et d'autre part la milice.
QUESTION.- Mais quand vous dites : il y avait ce personnage qui était âgé, et puis il y avait les autres qui en profitaient, c'est-à-dire que vous le mettez de côté ou vous le mettez dans le même sac ?
- LE PRESIDENT.- Non, j'ai dit simplement que c'était sous son autorité, il a laissé faire, il a peut-être encouragé. De ce fait sa responsabilité se trouve engagée.
- QUESTION.- Vous le pensiez quand vous avez assisté, si j'ai bien lu, pendant trois jours au procès de Pétain, vous pensez qu'il y avait sa responsabilité ?
- LE PRESIDENT.- J'ai assisté un jour, je crois, au procès Pétain. Je pensais, oui, que Vichy avait nui aux intérêts de la France ; c'est évident.
- QUESTION.- Mais vous dites qu'il y a des choses condamnables. Vous le dites à titre personnel ou au titre de Président de la République ?
- LE PRESIDENT.- Je n'ai pas à m'exprimer en tant que Président de la République. Ce n'est pas à moi d'écrire l'histoire de la France. Mais, au double titre personnel et public, c'est essentiellement condamnable. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise d'autre ?
- QUESTION.- Mais pourquoi la République ne le condamne pas plus nettement ?
- LE PRESIDENT.- Mais elle l'a toujours fait ! Que croyez-vous qu'a fait de Gaulle, que croyez-vous qu'ont fait les résistants de l'immédiat après guerre ? On veut occulter ce qui s'est passé au lendemain de la guerre. Savez-vous qu'il y a eu cent vingt-sept mille dossiers instruits contre des collaborateurs ?
- Savez-vous qu'il y a eu huit cent condamnations à mort, exécutées à titre civil, et à peu près huit cent exécutions militaires par jugement ? Donc seize cent cinquante personnes qui ont été fusillées. Compte non tenu du grand nombre de gens qui ont été tués parce qu'ils s'étaient opposés aux patriotes dans la période de Libération.
- Ce n'est pas tout à fait rien, vous savez. La Haute Cour de Justice s'est réunie tout aussitôt. Il y avait tout d'abord des cours martiales et donc il y a eu beaucoup de gens punis dans leur vie. On vient de découvrir plus de cinquante ans après qu'il y a eu Vichy, qu'on a sanctionné. Ce n'est pas vrai ! Alors, on pourrait se demander ce qu'ont fait les autres ? Qu'est-ce qu'ils ont fait ? Vincent Auriol, Coty, de Gaulle, Pompidou !
- QUESTION.- Mais on n'avait pas toutes les indications historiographiques sur la période.
- LE PRESIDENT.- On n'a pas tout sur tout. Mais sur l'essentiel, oui.
QUESTION.- Encore une fois, pourquoi la République ? Pourquoi la France ne demanderait-elle pas pardon des crimes et des horreurs qui ont été commises à cette époque-là parfois en son nom ?
- LE PRESIDENT.- Non, non. La République n'a rien à voir avec cela. Et j'estime moi, en mon âme et conscience, que la France non plus n'en est pas responsable, que ce sont des minorités activistes qui ont saisi l'occasion de la défaite pour s'emparer du pouvoir et qui sont comptables de ces crimes-là pas la République, pas la France. Et donc je ne ferai pas d'excuses au nom de la France.