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Le pouvoir absolu de tout nier. Le négationnisme est devenu un objet philosophique. Cet isthme est issu de la contestation d'un des crimes les plus terribles du XXe Siècle. Nier pour détruire, au-delà de la preuve logique, n'est jamais un acte neutre.
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Au début des années 80 est apparu, en France et plus largement en Europe, un nouvel isthme issu de la contestation du génocide commis par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette contestation de la réalité même de ces crimes avait d'abord pris le nom de révisionnisme, certains disant qu'il fallait réviser l'histoire de cette Seconde Guerre mondiale, et que ceux qui affirment qu'il y a eu un génocide doivent se soumettre à la contradiction.
Le négationnisme ou le pouvoir absolu de tout nier
Le révisionnisme est une tendance normale de l'histoire. D'ailleurs le mot révisionnisme était apparu dans l'affaire Dreyfus pour réviser l'affaire Dreyfus, Dreyfus condamné injustement de trahison, et les défenseurs parlant de révision pour réviser son cas. D'une manière au fond symétrique et perverse, ceux qui contestaient la réalité du génocide reprenaient ce mot de révisionnisme. Et pour s'y opposer, ceux qui les critiquaient ont inventé le mot de négationnisme, en montrant qu'ils en venaient à contester non pas tel fait historique, mais la méthode même de l'histoire, l'établissement même des faits, la rigueur même de la recherche et de la preuve. Le négationniste, c'est celui qui nie par principe telle ou telle thèse et les méthodes de l'histoire. Il ne se met d'accord avec aucun cadre méthodologique et peut nier un événement, même lorsqu'il est en train de se produire. À la fin des années 80, on pensait finalement que cette critique du négationnisme était réglée.
Quand nier pour détruire n'est jamais un acte neutre
Or, le négationnisme ne cesse de proliférer. Il est même parfois contemporain des actes qui sont commis. Ainsi, dans le génocide commis contre les Tutsis au Rwanda, le négationnisme a accompagné le génocide au moment même où il se produisait. Pendant ce génocide, on niait l'existence même du génocide. Ici la négation atteint un pouvoir mortifère. La négation prouve sa réalité dans la mesure même où la réalité du négatif entre les humains prend parfois la forme d'une négation délibérée et mensongère. Une négation de quelque chose qui est toujours aussi la négation de quelqu'un. Ainsi, non seulement le négatif est bien réel et n'est pas réductible à une forme de logique idéale de la négation dans le langage, non seulement donc, le négatif est bien réel, mais même la négation dans le langage est un acte lourd de responsabilités et de conséquences. Bien sûr, il faut pouvoir nier. C'est le fondement même de la liberté, c'est le fondement de la recherche, c'est le fondement de la preuve. Et les scientifiques montrent qu'un énoncé scientifique est quelque chose qui peut être falsifié, et donc qui peut être contesté. Mais nier pour détruire, au-delà de la preuve logique entre les humains, n'est jamais un acte neutre. Ne minimisons donc pas l'existence du négationnisme. Il nous prouve, non pas le vide logique de la négation, mais la réalité terrible du négatif.