Author-card of document number 32575

Num
32575
Date
Mardi 20 juin 2023
Ymd
Author
File
Size
215377
Pages
4
Urlorg
Uptitle
Politique
Title
M23 en RDC : les experts de l’ONU disent détenir de nouvelles preuves contre Kigali
Subtitle
Le groupe d’experts de l’ONU affirme que le Rwanda a continué à apporter un soutien actif aux rebelles du M23 ces derniers mois. Kigali nie depuis le début toute implication, accusant en retour Kinshasa de collaborer avec des groupes armés – une collaboration également épinglée par le rapport.
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M23
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Source
Type
Article de journal
Language
FR
Citation
Des soldats du M23 quittent le camp de Rumangabo dans l’est de la RDC,
le 6 janvier 2023. © Guerchom Ndebo/AFP

Dénoncée par les autorités congolaises et par plusieurs chancelleries mais toujours contestée par Kigali, l’implication du Rwanda aux côtés des rebelles du M23 s’est poursuivie ces derniers mois, selon les experts de l’ONU. Depuis la publication de leur dernier rapport en décembre 2022, lequel évoquait déjà ce soutien, les affrontements entre les rebelles et les FARDC – elles-mêmes alliées à plusieurs mouvements armés – se sont multipliés. Alors que chacun n’a eu de cesse de se renvoyer la responsabilité du non-respect des différents cessez-le-feu, ces combats ont largement contribué à la détérioration d’une situation humanitaire déjà catastrophique, avec le déplacement de plus d’un million de civils.

Dans leur rapport final daté du mois de juin consulté par Jeune Afrique, les membres du panel disent avoir obtenu « d’autres preuves d’interventions directes des Forces de défense rwandaises (RDF) en RDC ». Entre novembre 2022 et mars 2023, période au cours de laquelle les rebelles du M23 ont doublé la superficie du territoire qu’ils contrôlaient, le groupe d’experts de l’ONU dit notamment avoir identifié « des soldats portant clairement l’uniforme militaire des RDF » au cours d’opérations menées dans les zones de Rutshuru, Masisi et Nyiragongo. Les troupes rwandaises auraient « fourni des renforts aux éléments M23 dans le but de s’emparer de zones stratégiques, ou de les renforcer ».

« Administration parallèle »

Au début de l’année 2023, les rebelles avaient réussi à prendre le contrôle de plusieurs routes stratégiques parvenant presque, à la mi-mars, à encercler Goma, dans le Nord-Kivu. Pendant cette période, le M23 a continué à développer « son administration parallèle » dans les territoires sous sa juridiction, affirme le groupe d’experts, qui dit avoir documenté « de multiples violations du droit international humanitaire et de graves atteintes aux droits de l’homme perpétrées par les combattants du M23 dans les zones qu’ils contrôlent, y compris des meurtres et des viols ».

La progression du M23 a finalement buté sur l’un des derniers axes clés autour de Goma : la route entre la ville de Sake, à 25 km du chef-lieu du Nord-Kivu, et celle de Minova, dans le Sud-Kivu. La bataille autour de Sake a donné lieu en mars à d’intenses combats entre le M23 et les FARDC, lesquelles ont bénéficié d’un soutien aérien conséquent et de l’appui de sociétés privés comme Agemira. Le M23 a plusieurs fois dénoncé cette collaboration entre l’armée et des « mercenaires » dans ses communiqués.

Le panel onusien s’est aussi intéressé à l’armement des rebelles. Une partie du matériel retrouvé sur le terrain dans les zones occupées par le mouvement s’est révélée être de fabrication récente. Selon le rapport, certains équipements ne pouvaient donc pas appartenir aux stocks plus anciens du M23 datant de 2012 et 2013. « Cela montre que soit le M23 a récemment acquis du nouveau matériel militaire, soit que le matériel récupéré appartenait à une armée régulière soutenant le M23 sur le champ de bataille », affirment-ils sans trancher formellement sur la provenance de ces armes.

James Kabarebe à la manœuvre ?

En revanche, dans ce nouveau rapport, le panel onusien détaille la chaîne de commandement prétendument impliquée dans l’organisation du soutien aux rebelles et des opérations contre les groupes armées en RDC, toutes regroupées sous l’étiquette « opérations au Nord-Kivu ». Le groupe d’experts affirme qu’elles ont été « conçues et coordonnées par le général James Kabarebe ». Incontournable pilier des milieux sécuritaire rwandais, l’ancien ministre de la Défense est désormais le conseiller en matière de défense et de sécurité du président Paul Kagame.

Pour la mise en œuvre de ces opérations, James Kabarebe aurait reçu le soutien de plusieurs officiers rwandais, à commencer par le général Jean-Bosco Kazura qui était le chef d’état-major de la défense jusqu’au vaste remaniement opéré le 6 juin dernier par Paul Kagame. Son remplaçant à la tête des RDF, le général Mubarakh Muganga, est lui aussi mentionné, comme plusieurs autres hauts gradés dont le général Vincent Nyakarundi, ancien patron du renseignement militaire désormais chef d’état-major de l’armée de terre. Le général Alexis Kagame qui, selon le rapport, a conduit plusieurs opérations en RDC en 2022, a quant à lui été déployé au Mozambique pour diriger les contingents rwandais envoyés sur place. Tous ont, selon le rapport, joué un rôle dans le soutien actif au M23.

Retrait « tactique »

La situation au front connaît depuis plusieurs mois une relative accalmie. Depuis la mi-mars et la menace d’asphyxie de Goma, le M23 s’est retiré de certaines de ses positions, ainsi que le prévoyaient les processus de médiation régionale de Nairobi et Luanda. Mais Kinshasa affirme depuis plusieurs mois qu’il s’agit d’un retrait en trompe-l’œil. Un avis dont se rapprochent les experts onusiens, qui estiment que « les retraits et désengagements annoncés par le M23 semblent avoir été purement tactiques, visant à gagner du temps face à la pression internationale croissante, tandis que le groupe armé a reçu l’assurance que les zones désengagées ne seraient pas remises aux FARDC ».

Le M23 n’a cessé d’accuser Kinshasa de ne pas respecter ses engagements et a continué de réclamer un dialogue direct avec le pouvoir congolais. Ce bras de fer a semblé geler le conflit à l’heure où la force régionale de l’East African Community (EAC), critiquée par Kinshasa pour ne pas avoir adopté de stratégie offensive face au M23, est poussée vers la sortie. Félix Tshisekedi espère aujourd’hui obtenir un déploiement de troupes de la SADC. Une réunion des différents mécanismes régionaux impliqués dans la résolution doit avoir lieu avant la fin de juin.

3 000 hommes

À plusieurs reprises ces dernières semaines, l’armée et le gouvernement congolais, par la voix de son ministre de la Défense Jean-Pierre Bemba, ont affirmé que le M23 continuait de recevoir des renforts de la part du Rwanda. Le rapport estime qu’au début du mois de mars, la rébellion disposait d’environ 3 000 hommes. Sa direction militaire est restée sous le commandement du « général » Sultani Makenga, font valoir les experts de l’ONU qui soulignent que le mouvement est désormais mieux structuré grâce à l’arrivée d’anciens officiers des FARDC et de combattants qui étaient jusque-là cantonnés au Rwanda sous les ordres de Baudoin Ngaruye.

Dans leur rapport, les experts s’inquiètent d’une tentative de rapprochement opérationnel entre le M23 et le groupe armé Twirwaneho, actif dans le Sud-Kivu. Comme en 2012, lors de leur précédente offensive, les rebelles sont soupçonnés d’avoir voulu nouer des alliances dans le Sud-Kivu pour y ouvrir un nouveau front. Ces contacts notamment ont eu lieu à travers un officier déserteur de l’armée congolaise, Charles Sematama. Cet ancien aide de camp du chef de guerre Laurent Nkunda a rejoint les Twirwaneho en 2021. Il a été l’un des intermédiaires dans ce rapprochement qui demeure limité, selon le rapport qui évoque toutefois des recrutements du M23 au sein de la communauté Banyamulenge.

Liens étroits entre FARDC et FDLR

Le gouvernement rwandais a systématiquement nié son implication, y compris auprès du groupe d’experts qui l’a sollicité pendant ses recherches. Le Rwanda continue en revanche de dénoncer la collaboration entre l’armée congolaise et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). « La menace que fait peser sur notre sécurité l’activité d’un groupe imprégné de l’idéologie génocidaire comme les FDLR est clairement susceptible de nous amener à intervenir en territoire congolais, sans excuse ni préavis », expliquait Paul Kagame lors d’une interview accordée à Jeune Afrique, en janvier dernier.

C’est ainsi que des éléments de l’armée rwandaise ont mené des opérations dans l’est de la RDC pour tenter de neutraliser certains leaders de ces mouvements, comme le « colonel » Ruvugayimikore Protogène (alias Ruhinda), qui dirige une unité spéciale des FDLR, et le « général » Pacifique Ntawunguka (alias Omega) commandant militaire des FDLR.

Déjà évoquée en décembre dernier, la collaboration entre l’armée congolaise, les FDLR et une coalition d’autres groupes armés est une nouvelle fois détaillée par les experts onusiens. « L’engagement des groupes armés – essentiel pour limiter les avancées du M23 – a été organisé, coordonné et soutenu par des officiers supérieurs des FARDC », peut-on lire dans les conclusions du panel, qui précise que les généraux Janvier Mayanga et Hassan Mugabo-Baguma ont été envoyé au Nord-Kivu pour superviser, mobiliser et coordonner le soutien de ces groupes aux FARDC. Le colonel Salomon Tokolonga est lui présenté comme le point de contact entre l’armée congolaise et les groupes armés.

Selon les experts, entre fin décembre 2022 et début janvier 2023, le général Chico Tshitambwe, chef d’état-major adjoint chargé des opérations et du renseignement, a convoqué au moins trois réunions entre la hiérarchie militaire des FARDC et les chefs de groupes armés à Goma afin de sceller cette collaboration. Une initiative approuvée, toujours selon le rapport, au plus haut niveau militaire, notamment par le général Franck Ntumba, chef de la maison militaire de Félix Tshisekedi, et par le chef d’état-major de l’armée, le général Christian Tshiwewe Songesha.
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