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I Préambule
Depuis le 1er Octobre 1990, le Rwanda connaît une guerre
civile dont le Front Patriotique Rwandais (FPR) a revendiqué la
responsabilité. À la demande du gouvernement rwandais, la France,
la Belgique et le Zaïre ont dépêché des militaires sur place, les
uns pour intervenir aux côtés des forces gouvernementales, les
autres pour proteger les ressortissants de leur pays, a-t-on dit.
Alors que le Zaïre et la Belgique ont chacun retiré ses forces, le
contigeant Français y reste pour des raisons humanitaires jusqu'à
la normalisation de la situation (voir déclaration du Président
Francois MITTERAND, lettre de Mr. Roland DUMAS du 18 Juin 1991 à
Mr. Jean-Paul CHALLOUD, Député de la Savoie, lettre de Mr. Pierre
JOXE du 7 Mai 1991 à Mr. Jean-Paul CHALLOUD).
Cette normalisation qui est fonction des recommandations formulées
par les pays amis du Rwanda dont la France est loin d'être
atteinte. L'Accord de Cessez-le-feu signé le 29 Mars 1991 issu de
ces recommandations a été torpillé par le régime en place qui est
entrain de rechercher d’autres terrains d'entente pour prolonger
ses chances de survie. Fort du soutien financier et militaire de
certains pays, le régime du Président HABYARIMANA n'hésite pas à
vouloir étendre sa propre guerre vers les pays voisins (voir
dépeche de l’AFP du mois d’Aout 1991, conférence de presse du
13/8/1991 du FPR)
II —LE FRONT PATRIOTIQUE RWANDAIS (FPR)
La genèse, le mobile qui a conduit à cette genèse ainsi que
les objectifs du FPR sont consignés dans un document intitulé "LE
FPR EN BREF". Ces objectifs sont détaillés dans un autre document
qui fait son PROGRAMME POLITIQUE.
Les causes principales du recours aux armes ont été:
- L’institutionalisation d’un système de discrimination ethnique
et régionale sous une forme officielle appelée "QUOTA” privile-
giant une région (région du Président) et une ethnie au détriment
des autres.
- L'institutionalisation d’un système d’apartheid caractérisé
par la mention de l'ethnie sur la carte d'identité.
- La violation flagrante des droits de l’homme caractérisée par
les éliminations physiques des opposants politiques, des opposants
d'opinion (voir QUESTION D'ACTUALITE SUR LE RWANDA).
- Le maintien à l’exil de plus de 2.000.000 de réfugiés depuis
30 ans
III EVOLUTION DE LA SITUATION DEPUIS LE DEBUT DE LA GUERRE
A SUR LE PLAN MILITAIRE
Le Front Patriotique Rwandais se bat sur le sol Rwandais
depuis Octobre 1991 malgré les accusations provocatrices du Rwanda
contre l’Uganda. Ces accusations ont un but précis: impliquer
l'Uganda dans le conflit afin de s’attirer une intervention
étrangère. C’est ce mensonge qui a été utilisé dès le début de la
guerre et qui avait provoqué le renfort des forces zaïroises et
belges mais qui, heureusement pour le peuple rwandais,
malheureusement pour le régime n’a pas fait long feu. Si le FPR
n'occupe pas de grandes positions à l’intérieur du pays, c’est
dans l'intérêt de la préservation de la population des mesures de
représsailles de l'armée rwandaise.
D'autre part il obéit à sa stratégie qui privilégie la guerre
mobile à une guerre conventionelle trop coûteuse en vies humaines
et innocentes, le cible étant les objectifs militaires.
B SUR LE PLAN DE LA SECURITE
a) Enprisonnements arbitraires:
Selon le Ministre de la justices du Rwanda, 7.999 présumés
sympathisants du FPR sur 8.047 ont été libérés en Mars-Avril aprés
6 mois de détention sans causes préjudiciables. Auparavant le
chiffre officiel avancé était de 1.566, la différence de 6.481
ayant été dissimulée pour des raisons inconnues. Le Rwanda n’a
jamais voulu publier la liste des detenus.
b) Exécutions sommaires et Massacres organisés des Civils:
Dans son rapport du mois de Mars 1991, Amnistie Internationale
fait état d'éxecutions sommaires et de morts par tortures dans les
prisons (Pasteur CYAFUBIRE Alfred de GAHINI).
Dans son article No 42 du 20 juin 1991, le Journal belge L'INSTANT
a parlé du massacre en Janvier-Fevrier de 500-1000 civils de
l’éthnie tusie BAGOGWE qui habitaient le Nord du Rwanda. Une
source crédible qu’on ne peut pas citer pour des raisons évidentes
de sécurité vient de nous faire parveni un bilan encore provisoire
de cet holaucoste avec des détails allant jusqu'aux circonstances
de ces massacres.
Ces massacres viennent d'être confirmés par l'Ambassadeur du
Rwanda à Bruxelles (voir les Journaux belges VERS L'AVENIR du
16/8/1991 et L'INSTANT).
D'autres massacres ont eu lieu à NGORORERO et dans le Lycée de
RAMBURA (Village natal du Président HABYARIMANA), sans parler des
civils des zones de combat tués cyniquement pour gonffler le bilan
de victimes du FPR à présenter à la presse.
c) Attisation de la haine interéthnique
Le Journal KANGURA (surtout son No 6) est, sans aucun doute
l’organe d'expression du régime en place. D'ailleurs ses sponsors
appartiennent à la famille de l'épouse du Président HABYARIMANA.
La radio rwandaise, les discours du Président, notamment en
Kinyarwanda n’ont rien ménagé pour inciter la population à la
vengeance et à la haine éthnique (voir CONCLUSIONS PRELIMINAIRES
DE L'OBSERVATEUR JUDICIAIRE de la COMMISSION INTERNATIONALE DES
JURISTES).
d) Emprisonnement et élimination physique des journalistes
indépendants (voir Communiqué de Presse No.91/10 et Note du COMITE
POUR LE RESPECT DES DROITS DE L'HOMME ET LA DEMOCRATIE AU RWANDA).
e) Surpression d'emploi des prisonniers libérés (voir lettre
circulaire No 2101/06.18/0161/91 du Ministre de la Fonction
publique; lettre 13.00/1175 du Ministre de l'Enseignement Primaire
et Secondaire).
Ces personnes, privées de leur emploi, sont privées également de
leur droit de libre circulation.
Pour eux, mieux vaut la prison que la quarantaine!
C SUR LE PLAN POLITIQUE
a) Cessez-le-feu/Négotiations
Sur recommandations de l'OUA , de la CEE, du Parlament
Européen, de la France et de la Belgique, quatre Sommets des Chef
d’Etat de la région (Burundi, Uganda, Tanzanie, Zaïre, Rwanda) ont
été tenus consecutivement à MWANZA (Tanzanie), GBADOLITE (Zaïre),
ZANZIBAR (Tanzanie), DAR-ES-SALAAM (Tanzanie) entre Octobre et
Février.
Tous les Sommets recommandaient aux belligérants le CESSEZ-LE FEU
et le DIALOGUE POLITIQUE. Recommandations qui ont été soutenues
par la communauté internationale.
La multiplication de ces rencontres est une résultante de
l’intransigeance du gouvernement rwandais au dialogue avec
l’opposition armée, privilegiant la solution militaire.
Un Accord sur le Cessez-le-feu arraché au dernier Sommet de Dar-
es-Sallam fut signé à N'sélé, au Zaïre le 29/3/1991. Il
préconisait entr’autre l'ouverture du dialogue dans les 15 jours
suivant sa signature. Le régime en place à Kigali a fait tout pour
retarder ce processus en obstruant la mission du Groupe
d'Observateurs militaires (GOM). Entre-temps le recours aux
renforts du KENYA, aux mercenaires n’a jamais cessé.
b) L'Ouverture au Multipartisme
Le multipartisme contre lequel le Président rwandais s'était
déclaré au Sommet de LA BEAULE a été décrété à toute hâte et la
constitution revisée, caressée dans le sens du poils pour protéger
le régime.
Les élections sont prévues pour Juillet prochain. Entre-temps la
guerre continue, l'état d'urgence est maintenu, le rapatriement
des refugiés n’a pas de calendrier, la presse libre est muselée
(voir emprisonnement de 4 Journalists indépendants), le Front
Patriotique Rwandais auteur de ces changements rapides est écarté
du jeu. Les partis politique naissants expriment déjà leur
inquiétude = quant aux irréguliarités dans lesquelles ils
s'opèrient. (voir Lettre ouverte des partis du 10/7/1991 aux
Deputé du Conseil National de Développement. lettre du 30/7/1991
au Ministre de l’intérieur, Communiqué de Presse du 31/7/1991 et
Mémorandum sur la Conférence Nationale).
IV POSITION DU FRONT PATRIOTIQUE RNANDAIS
La position du Front Patriotique Rwandais est inscrite dans un
document intitulé "QUESTION D'ACTUALITE: MULTIPARTISME, ELECTIONS,
NEGOTIATIONS”.
Elle se résume en trois principaux points:
le reglement du problème de la guerre et celui des deux armées
qui doivent dégager un seul corps d'armée,
- la restauration et la garantie des liberté démocratique,
- la convention sur la gestion intérimaire et la formation d'un
gouvernement intérimaire sur une base élargie.
Ce gouvernement intérimaire aura pour tâches particulières:
- la préparation et la réalisation du rapatriement de réfugiés,
- la mise en place des mécanismes de l'Unité Nationale,
- l’organisation et la convocation de la Conférence Nationale.
V POINTS DE CONVERGEANCE ENTRE L'OPPOSITION INTERNE ET
L'OPPOSITION ARMEE (FPR)
- Arret de la guerre
- Conférence Nationale
- Gouvernement intérimaire
VI LE ROLE DE LA FRANCE
En dépêchant une délégation de haut niveau au Rwanda et dans
la sous-région dès les premières heures de l’eclatement de la
guerre, la France a prouvé qu’elle était profondément préoccupée
par le retour à la paix au Rwanda.
En fustigant des recommendations sur l'intervention des pays
voisins du Rwanda dans la médiation entre les parties concernées,
la France a également soutenu une solution régionale, garant d'un
réglement définitif du conflit. Le FPR reconnait également le
soutien financier de la France soumis à l'OUA pour subvenir aux
besoins du Groupe d’Observateurs militaires.
Cependant, le FPR se permet d'émettre des constatations suivantes
face aux déclarations de certains milieux diplomatiques français:
- Le contigent francais (même si elle ne participe pas aux
opérations), met le régime en place en position de force. Cantonné
à des positions stratégiques de la capitale, elle libère un nombre
important de militaires rwandais sur le terrain, d’où espoir du
régime à la victoire armée, d'où intransigeance et blocage du
processus de pacification.
- L'interview de l'Ambassadeur de France au Rwanda au Journal
RWANDA RUSHYA No 9 du 1/8/1991 n'est pas de nature à rassurer le
Front Patriotique et les pays voisins du Rwanda de la neutralité
de la France dans cette crise. Il découle d’ailleurs de cette
interview que les accusations incessantes du gouvernement rwandais
contre l'Uganda tendent à provoquer celui-ci pour s’assurer de
l'intervention directe de la France.
- Toujours dans sa déclaration, Mr. l‘Ambassadeur dit que
l‘envoi et le maintien des militaires français est justifié par le
souci de maintenir la paix et la stabilité dans la région.
Or les témoignages, et l'Ambassadeur du Rwanda à Bruxelles vient
de le confirmer, fait état des massacres de nombreux civils par
les militaires Rwandais et les milices populaires (+- 365 à
NGORORERO, 500-1000 à BIGOGWE). On sait qu'il y a des
“instructeurs francais" non loin de ces localités. De quelle paix
et stabilité parle-t-on?
- Enfin les changements actuels au Rwanda n’ont rien de parti-
culier car l’Afrique et le monde entier sont entrainés dans un
courant historique incontournable. Nous attendons de la France une
attitude égale partout et toujours conciliante.
Fait à Paris le 29 Aout 1991
Front Patriotique Rwandais
Dr. Jacques Bihozagara
Chargé de la Diplomatie
- Zone Europe -