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[Bruno Masure :] Madame, Monsieur, bonjour. Au Rwanda l'opération Turquoise poursuit sa montée en puissance avec l'entrée dans le Sud-Ouest du pays d'un convoi de 15 véhicules, euh, dans le péa…, dans le département de Cyngugu [Cyangugu].
Les troupes françaises se déploient dans l'Ouest du Rwanda à partir de deux bases arrières installées à la frontière zaïroise : Bukavu, dans le…, au sud-ouest, et Goma au nord-est… ou au nord-ouest, pardon. Goma où un premier contingent de soldats sénégalais vient de rejoindre les Français. Reportage de l'un de nos envoyés spéciaux, Benoît Duquesne.
[Benoît Duquesne :] Les Sénégalais sont arrivés. Pour l'instant une quarantaine d'hommes, équipés, nourris par les Français. C'est la contribution africaine à l'opération Turquoise [on voit des soldats sénégalais en train de danser et chanter].
Une opération qui prend maintenant ses vraies dimensions quatre jours après son lancement. L'aéroport de Goma accueille les gros Antonov russes loués par l'armée française pour transporter hôpital militaire, camions, jeeps, artillerie et véhicules blindés [gros plans sur un camion militaire frappé d'une croix rouge et sur des canons d'artillerie].
En jargon militaire, les Français à Goma sont "prépositionnés". Quand les patrouilles de reconnaissance auront terminé, comme celles qu'ils font encore aujourd'hui en direction de Bukaye [Kibuye], le gros des troupes s'installera de façon plus durable en territoire rwandais le long de la frontière zaïroise [on voit des militaires français au béret noir autour de l'aéroport de Goma].
Pour l'instant personne ne parle de s'avancer plus avant dans le pays. Mais tout le monde sait bien que l'ambiance risque de changer en s'approchant du front et des troupes du FPR [on voit un peloton de soldats français en train de saluer leur chef en criant].
[Bruno Masure et Benoît Duquesne interviewent à présent le général Lafourcade.]
Bruno Masure : Nous retrouvons en direct Benoît Duquesne qui est en compagnie du général Lafourcade, responsable, euh, sur place de cette opération Turquoise. Euh, général La…, Lafourcade, bonjour. Euh, hier [25 juin] le général, euh, Germanos qualifiait de "fragile" la situation en raison d'un certain nombre de tensions sur les barrages. Est-ce que vous reprendriez ce qualificatif à votre compte ?
Benoît Duquesne : Alors général, vous… Le général ne peut pas entendre les questions que vous posez, Bruno. Mais donc, Bru…, Bruno Masure vous demande, euh…, de réagir à une déclaration qu'a fait le général Germanos hier [25 juin] en qualifiant de "fragile" la situation des Français sur les barrages en ce moment [sic] [une incrustation "Goma (Zaïre), direct" s'affiche en haut de l'écran].
Jean-Claude Lafourcade : Euh…, naturellement le général, euh, Germanos, euh, pense à…, au déploiement, euh, du dispositif que nous sommes en train de réaliser maintenant [une incrustation "Général Jean-Claude Lafourcade, Commandant Opération 'Turquoise'" s'affiche en bas de l'écran]. C'est toujours une période délicate car nous sommes en train d'organiser la mise en place d'une force importante à 8 000 kilomètres de la métropole. Et vous imaginez qu'un pont aérien de cette envergure, euh, demande quand même, euh…, de…, quelques soucis…, peut nous causer quelques soucis. Euh, ceci dit je vous rassure tout de suite : tout se passe bien, vous le constatez vous-même. Après, euh…, le…, il me semble que la déclaration…, la résolution de l'ONU est sortie, euh…, à New York mercredi dernier [22 juin]. Nous sommes aujourd'hui dimanche matin et sont déployés ici plus de 1 000 hommes et plus de 120 véhicules.
Benoît Duquesne : Non, mais est-ce ça veut dire que vous êtes encore au début de l'opération, que vous mont…, vous menez actuellement des…, des…, des opérations de reconnaissance en territoire rwandais et qu'effectivement vous sentez que la situation peut être éventuellement fragile pour vous et pour vos hommes ?
Jean-Claude Lafourcade : Alors, euh, nous avons naturellement immédiatement pris contact, euh, en territoire rwandais avec les populations en difficulté, avec les camps de réfugiés, euh, même si nous ne…, nous n'avions pas notre dispositif complètement déployé. Euh, je crois que cette décision a été, euh, bonne car d'ores et déjà, sans aller très loin, euh…, au sud et au nord dans le Rwanda, nous avons pu, euh…, ra…, rassurer, euh, de nombreux réfugiés dans de nombreux camps.
Benoît Duquesne : Alors une dernière question : euh, vous arrivez ici dans une région qui est, euh…, sous contrôle des forces gouvernementales, où il y a beaucoup de Hutu, où on sait que beaucoup de Tutsi ou de Hutu modérés ont été massacrés. Est-ce que vous avez pas l'impression d'arriver un petit peu tard ?
Jean-Claude Lafourcade : Alors moi je vous répondrai en tant que militaire : euh…, une décision prise, euh…, mercredi soir [22 juin] et comme je vous le disais tout à l'heure on est déjà 1 000, euh, quatre jours après. Euh, je trouve que c'est…, je n'arrive pas trop tard [inaudible].
Benoît Duquesne : Vous, vous avez fait vite mais politiquement est-ce que c'est pas trop tard ?
Jean-Claude Lafourcade : Alors je vous dirais que ça c'est pas, euh, mon problème. Euh…, ce sont les…, nos négociateurs, euh, politiques je crois qui ont activé cette résolution de l'ONU. On fait en sorte qu'elle… mette fin peut-être aux…, aux massacres en attendant, euh, l'arrivée de la MINUAR II.
Benoît Duquesne : Voilà. Euh, Bruno, je crois qu'on…, on…, c'est à peu près ce qu'on pouvait dire ici sur la base de Goma qui est devenue, euh, comme on le disait tout à l'heure, le centre nerveux, euh, la plaque tournante de toute cette opération Turquoise ici, euh, aux abords du Rwanda.
Bruno Masure : Merci be…, beaucoup Benoît Duquesne.