Tres
« Trop dégradé sur le plan cognitif », Paul Barril n'a pu être entendu par la juge qui enquête sur le contrat qu'il a signé avec le gouvernement génocidaire rwandais. La maladie ne l'a cependant pas empêché de traiter les juges de « vrais pitbulls » dans un article récent publié par L'Essor de la gendarmerie nationale. Trop interloqué, Le Canard enchaîné en oublie de demander où était Barril aux alentours du 6 avril 1994. Oui, « enchaîné » au devoir de défendre l'honneur de la France…
Résumé
While in 2020, he did not attend the judge's summons in the context of the procedure opened for "complicity in genocide", citing his state of health (Parkinson's disease), Paul Barril has just signed an 11-page long dossier in the October 2022 issue of the magazine L'Essor de la gendarmerie nationale.
Citation
L’EX-GENDARME de l’Elysée sous Mitterrand, reconverti dans les barbouzeries, Paul Barril a-t-il directement trempé dans le génocide des Tutsi et des Hutu modérés, perpétré au Rwanda entre avril et juin 1994 ? Depuis près de dix ans, la justice s’évertue à le savoir, à la suite d’une plainte déposée par l’association Survie, la Ligue des droits de l’homme et la Fédération internationale des droits humains.
Précisons que Barril a signé, le 28 mai 1994 en plein génocide, un contrat avec Jean Kambanda, Premier ministre du gouvernement intérimaire, grand ordonnateur des massacres, portant sur l’acheminement de 20 mercenaires et de 50 tonnes d’armes, contre 3,1 millions de dollars, malgré l’embargo décrété par l'ONU. Barril revenait alors d’une première mission de formation commando sur place, menée du 11 au 23 mai avec cinq autres mercenaires.
Dans le cadre de cette procédure ouverte pour « complicité de génocide », Barril a été convoqué comme témoin assisté le 5 novembre 2020 par la juge d’instruction parisienne Claire Thépaut. Dès le 17 novembre, son avocate envoie à la juge un certificat médical faisant état du Parkinson avancé de Barril, établi par un neurologue de Nice.
Non seulement son patient se déplace très difficilement, mais « il s’est dégradé également sur le plan cognitif, avec un ralentissement de la pensée, un raisonnement qui devient plus laborieux et parfois une certaine difficulté à intégrer certaines informations ». L’avocate envoie le 2 décembre un deuxième certificat signé d’un prof de psychiatrie du CHU de Nice qui suit Barril pour des « complications psychiatriques d’une maladie de Parkinson sévère ». Résultat, le grand malade Paul Barril n’a pas comparu le 3 décembre 2020.
Opération résurrection
Heureusement, il semble avoir sacrément repris du poil de la bête, comme le prouve un « dossier » long de 11 pages rédigé par un certain Barril Paul dans « L’Essor de la gendarmerie nationale », qui l’a mis à la une de son numéro d’octobre. Le « capitaine en retraite » y détaille avec verve son incarcération de cinq semaines à la prison des Baumettes, à Marseille, en décembre 2007, dans un tout autre dossier, alors qu’il était mis en examen pour association de malfaiteurs dans l’affaire du cercle de jeu parisien Concorde (il a été relaxé depuis).
Cet article est surtout un long règlement de comptes contre les « stratagèmes de voyou » des juges d’instruction, ces « vrais pitbulls » qui peuvent « recourir à la manipulation, au chantage et à l’intimidation », confiant leurs dossiers « par brassées entières (…) au journaliste ami », forcément franc-maçon… Une diatribe sans doute due au « ralentissement de la pensée » du rédacteur !
Tel l’oncle Paul de « Spirou », papy Barril se raconte, multipliant digressions et attaques. Il accuse une commissaire de lui avoir demandé de « balancer l’Arménien », un futur ministre de Sarkozy. Et il se vante d’un courrier envoyé au juge par l’ex-président congolais Pascal Lissouba et son épouse Jocelyne « se portant garants » de sa « moralité » et de son « intégrité »… A l’évidence, la preuve d’« une certaine difficulté à intégrer certaines informations » !
Bien sûr, notre héros incarcéré la veille de Noël ne craque pes : « J'ai tellement côtoyé mort dans ma vie que je reste de marbre. » Il ironise même sur les « écoutes téléphoniques », lui a codirigé la cellule des gendarmes de l’Elysée pratiquant les écoutes tous azimuts !
Curieusement, à la fin de son texte, le capitaine vengeur décroche de sa truculente première personne pour parler de « monsieur Barril » ou de « Barril Paul ». Si bien que la rédaction de « L’essor de la gendarmerie nationale » a cru bon d’ajouter cet avertissement : « L'ensemble de ce dossier a été écrit par Paul Barril, encadrés et parties à la troisième personne compris. »
« Un raisonnement qui devient plus laborieux », on vous dit !
David Fontaine