Sous titre
[Cet] épisode est consacré à la façon dont Stéphane Audoin-Rouzeau fait de l’histoire, à sa méthode et à sa vision du rôle de l’historien dans la cité. Avec Stéphane Audoin-Rouzeau, historien, spécialiste de la Grande Guerre.
Citation
C’est avant tout sur les objets, véritables témoins de la guerre, que Stéphane Audoin-Rouzeau a longtemps travaillé, notamment à l’Historial de la Grande Guerre de Péronne. Une aventure muséographique qui a provoqué un changement dans sa façon de travailler : « J'étais un historien de formation classique dans ses méthodes et ses perspectives. Les archives et rien d'autre » résume-t-il. Il explique qu'en découvrant les objets, il pénètre dans une guerre qui n'était pas écrite dans les livres : « On ne peut pas faire une histoire de la guerre sans s'occuper des objets ».
Les objets : le prolongement des corps
Il détaille les objets du front comme les uniformes ou les armes de corps à corps des soldats : « des matraques et des poignards de tranchées parfois faits par les soldats eux-mêmes », et ceux destinés à l'arrière : la vaisselle patriotique, les objets du religieux mais aussi la surabondance des objets de l'enfance : jouets, livres, bandes dessinées : « c'est là que j'ai découvert que l'enfance n'était pas comme dans nos sociétés tenues à l'écart de la guerre mais au contraire intégrée car il s'agissait de forger à travers la pédagogie de la guerre, les adultes de demain ». En côtoyant ces objets, l'historien glisse petit à petit vers une histoire plus anthropologique de la guerre qui prend en compte « les matérialités, la corporéité de l'expérience de la guerre car il n'y a pas de corps humain sans objets ».
Être historien est-ce aussi prendre position, s’engager ?
L’historien joue aussi, et de plus en plus, un rôle dans la cité. Stéphane Audoin-Rouzeau l’a expérimenté de près sur la question du Rwanda. Il lui est apparu nécessaire de mettre en évidence deux choses : « d'une part habiliter ce génocide dans la société française, c'est-à-dire lui donner une place équivalente aux autres génocides du XXe siècle, d'autre part faire admettre la responsabilité française ». Il reprend la phrase du rapport rwandais Muse (paru trois semaines après le rapport français Duclert) : « La France a rendu possible un génocide prévisible ». L'historien s'est engagé aussi bien en signant des pétitions pour l’ouverture des archives, que dans l’établissement de la vérité en comparaissant comme témoin en tant qu'historien mais surtout en tant que citoyen à des procès.
Une série d’entretiens proposée par Caroline Broué. Réalisation : Guillaume Baldy. Prise de son : Loïc Duros. Chargée de programmes : Daphné Abgrall. Coordination : Florian Delorme.
Pour aller plus loin
Le rapport Muse
Le rapport Duclert
Le site du Centre de recherches de l'Historial de la Grande Guerre
Bibliographie sélective
Une initiation : Rwanda (1994-2016), Stéphane Audoin-Rouzeau (Ed. Seuil, 2017).
Quelle Histoire : un récit de filiation (1914-2014), suivi d'un texte inédit Du côté des femmes, Stéphane Audoin-Rouzeau (Ed. Seuil Points-Histoire, 2015).
Encyclopédie de la Grande Guerre 1914 - 1918, collectif sous la direction de Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker (Ed. Bayard, 2014).
Le Génocide au village. Le massacre des Tutsi au Rwanda, Hélène Dumas (Ed. Seuil, 2014).
L’Enfant de l’ennemi (1914-1918), Stéphane Audoin-Rouzeau (Ed. Flammarion, 2009. Réédition en poche en 2013).
Les armes et la chair. Trois objets de mort en 1914-1918 (Ed. Armand Colin, 2009).
Combattre : une anthropologie historique de la guerre moderne (XIXe – XXIe siècle), Stéphane Audoin-Rouzeau (Ed. Seuil, 2008).
14-18, retrouver la Guerre, en collaboration avec Annette Becker (Ed. Gallimard, 2000. Réédition en poche, en 2003).