Fiche du document numéro 30747

Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Num
30747
Date
Jeudi 6 novembre 2003
Amj
Auteur
Auteur
Fichier
Taille
36531
Pages
4
Urlorg
Titre
Au Rwanda, le sacre électoral de la peur dix ans après le génocide [Diatribe anti-Kagame]
Sous titre
Dix ans après le génocide, le Rwanda s'est doté d'un gouvernement issu de deux "élections démocratiques". En août, Paul Kagamé a été plébiscité président du Rwanda, avec 95 % des suffrages exprimés. Dans la foulée, en septembre, son parti, le Front patriotique rwandais (FPR), a conquis la majorité absolue au Parlement.
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Source
Commentaire
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Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Dans le pays des Mille Collines, où, d'avril à juillet 1994, quelque 800 000 Tutsis et opposants hutus ont été massacrés, il se serait donc trouvé une majorité aussi écrasante que celle ayant "coupé" l'ennemi à la machette pour approuver la façon dont Paul Kagamé, l'ex-chef rebelle -- tutsi -- devenu chef de l'Etat après la victoire militaire sur les "génocidaires" du FPI, a tourné la page du premier holocauste africain.

Si c'était vrai, les raisons de se réjouir ne manqueraient pas. D'abord, parce que les élections au Rwanda (8,9 millions d'habitants) constitueraient un miracle comparable à celui qui, en 1994, l'année du génocide rwandais, a scellé la fin de l'apartheid en Afrique du Sud. Ensuite, parce que tout espoir serait alors permis pour que prenne également fin, sur le continent des tueries tribales, l'instrumentalisation démagogique de la conscience ethnique. Si le clivage Hutus-Tutsis pouvait être réduit en unanimité électorale, tous les clivages ethniques seraient solubles au fond des urnes.

Hélas ! le miracle n'est que mensonge. A la réalité d'un génocide succède le simulacre d'une démocratie de réconciliation. Dix ans après avoir laissé s'accomplir la mise à mort programmée des Tutsis par un régime qui prétendait incarner la "majorité naturelle" des Hutus, la communauté internationale, pour se racheter de sa non-assistance à une minorité menacée d'extermination, couvre de son silence, sinon de ses éloges, l'incrustation au pouvoir à Kigali d'une nouvelle camarilla.

Une camarilla qui a transformé le génocide en rente de situation. Issu des fosses communes, l'actuel régime ne s'estime tenu par le respect ni des valeurs démocratiques ni des droits de l'homme.

Les scrutins au Rwanda n'ont pas été plus équitables que les élections en Tchétchénie ou en Azerbaïdjan. Malgré le soutien que le gouvernement de Londres apporte au pouvoir de Paul Kagamé, la presse britannique ne s'est pas fait faute de rapporter comment a été acquis le score "soviétique" de l'homme fort du Rwanda.

Dans le Daily Telegraph du 25 août, un électeur hutu a glissé à l'envoyé spécial du journal : "Je vais voter pour Kagamé parce qu'il est notre père et notre chef, mais nous ne devons pas parler ensemble, il y a des gens qui nous surveillent." Le 26 août, dans le Guardian, un autre électeur, à Cyangungu, fief du seul opposant autorisé à se présenter contre Paul Kagamé, a confié : "Quand j'ai voulu voter pour -- Faustin -- Twagiramungu, un responsable du bureau de vote, qui a pris mon bulletin, m'a demandé de ne pas lui faire perdre son temps et de recommencer. Quand j'ai voté, pour Kagamé, cette fois, ils ont accepté. La plupart des gens de Cyangungu veulent Twagiramungu, mais naturellement c'est Kagamé qui va gagner."

On s'explique alors mieux comment, dans le nord-ouest du Rwanda, bastion de l'ex-président Juvénal Habyarimana, où une insurrection contre le FPR, menée en 1997-1998 par d'anciens "génocidaires", avait été écrasée sans discernement, au prix de nombreux morts parmi les civils, Paul Kagamé a pu enregistrer ses meilleurs scores : plus de 99 %...

Cependant, les 350 observateurs électoraux internationaux ont été frappés de cécité volontaire. Ils ont "dans son ensemble" validé le scrutin comme "la libre expression de la volonté populaire", même si Colette Flesch, qui dirigeait la mission d'observation de l'Union européenne, a résumé le contexte de l'élection présidentielle par "la présence massive et intimidante de représentants du président Kagamé qui se sont mêlés de la gestion des bureaux de vote". Après avoir collecté les résultats de son équipe, qui n'a pu visiter que 372 bureaux de vote sur les 11 000 que comptait le pays, elle a conclu à une avancée de la démocratie au Rwanda, même si "les gens ont pu avoir peur d'être connus pour la façon dont ils ont voté". Ce à quoi il faudrait ajouter l'interdiction du principal parti d'opposition, le harcèlement de tous les adversaires politiques du régime en place, dont plusieurs ont "disparu", la mainmise du pouvoir sur les médias, le maintien en prison, sans jugement, de l'ancien président du gouvernement de réconciliation nationale formé au sortir du génocide, Pasteur Bizimungu, pour le seul crime d'avoir voulu créer un parti qui ne soit pas inféodé au FPR...

Dans ces conditions, les résultats des élections au Rwanda, loin de toute indication sur le recul de la haine, constituent seulement une mesure de l'efficacité de l'appareil étatique à "faire du score". Tout se ramène à l'intitulé du résumé annuel consacré au Rwanda par l'un des meilleurs spécialistes du pays, André Guichaoua, dans L'Etat du monde 2004 (La Découverte) : "Rwanda, le règne de la terreur".

Comment expliquer alors que les "irrégularités" des scrutins rwandais n'aient pas donné lieu à de franches condamnations, comme celles ayant disqualifié les farces électorales en Tchétchénie ou en Azerbaïdjan ? Comment expliquer que, concernant le pays des Mille Collines, les chancelleries occidentales s'en soient tenues à des applaudissements gênés, assortis de bien vagues "réserves" ?

Enfin, comment expliquer le silence des intellectuels, des ONG et des organisations de défense des droits de l'homme, si prompts à faire la leçon sur l'avènement du génocide au Rwanda, dont ils estiment, à juste titre, qu'il aurait pu être évité si "on" avait été plus vigilant sur le respect des libertés sous l'ancien régime ?

Unanimité du silence



Observateur de l'élection présidentielle au Rwanda, le député britannique Glenys Kinnock a déclaré, le 27 août, au Guardian : "Il nous est difficile d'être trop vicieux dans nos critiques, étant donné tout ce qui leur est arrivé." Mais peut-on se racheter d'une faute capitale, l'abandon des Tutsis à leurs bourreaux en 1994, en commettant une autre faute majeure, l'indulgence coupable à l'instauration d'une nouvelle dictature ? C'est d'autant plus dangereux qu'au "pays des mille fosses communes" le pouvoir de Paul Kagamé fait, lui, un usage "vicieux" du génocide comme moyen de chantage.

Alison des Forges, auteur de l'ouvrage de référence sur l'holocauste au Rwanda pour le compte de plusieurs organisations de défense des droits de l'homme, Aucun témoin ne doit survivre (éditions Karthala), en a fait l'expérience. Pour avoir relevé qu'"un certain nombre de gens dans le gouvernement rwandais ont réalisé que le génocide constitue une ressource politique à utiliser aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays", elle est désormais vilipendée comme "apologiste du génocide" par le régime de Kigali. L'anathème frappe, mécaniquement, celui qui critique le FPR.

A ce compte, la véritable unanimité au Rwanda, et au sujet du Rwanda, est celle du silence. A l'intérieur du pays, c'est acquis. A l'extérieur, c'est en train de l'être. Pour avoir dénoncé dans un rapport l'état désastreux des libertés au Rwanda, deux membres de l'organisation International Crisis Group (ICG) ont été accusés de coopérer avec des groupes "génocidaires", puis, sur une pleine page achetée par les autorités de Kigali dans un hebdomadaire d'Afrique de l'Est, d'être des "agents" de la France travaillant à la déstabilisation du Rwanda. Depuis, tous deux ont interrompu leur travail sur le pays de Paul Kagamé.

En 1995, l'homme fort du Rwanda affirmait que, "dans les sociétés africaines, le multipartisme et la démocratie ne mènent qu'à diviser des gens divisés". C'est un point de vue dans lequel affleure la conviction d'un ethnisme atavique, indéracinable. Pourquoi, huit ans plus tard, Paul Kagamé a-t-il changé d'avis ? Parce qu'il a pu organiser des élections pour contraindre à l'union dans la peur des citoyens, qui, sans une légitimité des urnes honteusement consentie par la communauté internationale, risquaient de s'unir contre lui et la dictature du FPR.
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