Citation
CONFIDENTIEL DÉFENSE
A CREIL le 20 juin 1994
ETAT-MAJOR INTERARMEES
Base Aérienne 110
60314 Creil cedex
N° 300/EMIA/CM/CD
Le Général de Division JANVIER :
Chef de l'état-major interarmées
de planification opérationnelle
; mifié par décision
racontant du ministre de la Défense
Chef d'état-major des Armées N
54 du 12H 2021
Intervention au RWANDA,
Note EMA/COIA/CAS/CD du 17 juin 1994,
P. JOINTE : Une planification opérationnelle
J'ai l'honneur de vous adresser, en pièce jointe, la planification d’une intervention armée au RWANDA.
Après analyse de la mission et des capacités nécessaires pour la remplir, cette étude met l'accent sur
-la définition précise du groupement de forces à engager,
- la chronologie de l'engagement,
- les règles de comportement et d'engagement,
- le soutien logistique,
- la participation de pays membres de l’UEO et africains
La structure de commandement et le PCIAT respectent les principes retenus dans l’étude
récente sur les structures de commandement interarmées.
Enfin, les règles d'engagement proposées devront sans doute être adaptées aux dernières
directives gouvernementales pour cette opération.
DESTINATAIRES : MGEMA - EMA (SC/OPS-COIA)
COPIES : -EMIA 2 ex
PLANIFICATION D'UNE INTERVENTION
MILITAIRE AU RWANDA
péctaseitié par dé
du ministre de ta D
‘152 du 12148202 1
Cette étude développe successivement les points suivants:
LA FORMULATION DE LA MISSION
L’ANALYSE DE LA MISSION
LES CAPACITÉS NECESSAIRES ET LES MOYENS CORRESPONDANTS
LA CHRONOLOGIE DE L'ENGAGEMENT,
LES REGLES DE COMPORTEMENT ET D'ENGAGEMENT ;
L'ORGANISATION DU COMMANDEMENT ;
LA LOGISTIQUE ;
L'INTEGRATION DES FORCES ALLIEES.
I FORMULATION DE LA MISSION
La mission donnée au commandant de la force est la suivante (annexe 1);
- mettre fin aux massacres partout où cela sera possible, éventuellement en utilisant la
force ; à cet effet
. dans un premier temps, marquer le caractère humanitaire de cette opération par la protection rapide de la zone de rassemblement des personnes déplacées de CYANGUGU, et
simultanément se déployer sur la plate-forme de GOMA ;
- dans un deuxième temps, contrôler progressivement l'étendue du pays HUTU en direction de
KIGALI et intervenir sur les sites de regroupement pour protéger les populations ;
- dans un troisième temps, passer le relais à la MINUAR II
Le déploiement au RWANDA se fait par voie routière à partir du ZAIRE depuis GOMA et
BUKAVU.
II ANALYSE DE LA MISSION
La mission revêt des caractères différenciés selon les zones concernées
BUKAVU CYANGUGU - au sud et GOMA GISENYI - au nord.
21 ZONE_BUKAVU - CYANGUGU
Dans cette zone il s'agit de développer les actions suivantes
— en liaison avec les autorités zairoises, s'assurer le contrôle des installations aéroportuaires de BUKAVU en vue d'y implanter une base opérationnelle avancée,
- affirmer auprès des autorités locales rwandaises, civiles et militaires, notre détermination à faire cesser les massacres sur l'ensemble de la zone contrôlée par les Forces Armées Rwandaïses : à cet effet et dans un premier temps, déployer les moyens à CYANGUGU afin.
* de sécuriser le camp de réfugiés et d'en rassurer sa population,
* d’être en mesure de déclencher, si nécessaire, des actions militaires pouvant allez
jusqu’à l'emploi de la force,
* de mener, en respectant une stricte neutralité et en affichant la fermeté nécessaire, les
actions de présence et de dissuasion de nature à restaurer la confiance des réfugiés et de
la population environnante,
* de conduire des actions de renseignement sur les forces en présence et la situation.
22 ZONE GOMA GISENYI :
Dans cette zone, il s'agit de développer les actions suivantes :
- en liaison avec les autorités zairoises, s'assurer le contrôle des installations aéroportuaires de GOMA en vue d'y implanter le PC de la force et la base opérationnelle avancée principale,
- affirmer auprès des autorités locales rwandaises, civiles et militaires, notre détermination à faire cesser les massacres sur l’ensemble de la zone contrôlée par les forces armées rwandaises, à cet effet :
prescrire à ces autorités les mesures nécessaires à l'arrêt effectif des massacres,
s'engager progressivement sur l’axe général GISENYI - RUHENGERI - KIGALI afin
- de contrôler la mise en oeuvre de ces mesures et leur efficacité ;
- de mener des actions de renseignement sur les forces en présence et sur la situation
locale,
- en cas de non-application des mesures prescrites, déclencher pour les imposer des
actions militaires pouvant aller jusqu’à l’emploi de la force conformément aux règles
d'engagement,
mener, en affichant la fermeté nécessaire et tout en veillant au strict respect de la neutralité vis-à-vis des différentes parties, les actions de présence et de dissuasion de nature à restaurer la confiance de la population,
apporter un soutien santé adapté aux populations de la zone, après contact éventuel avec les
autorités médicales locales et les ONG,
être en mesure à tout moment d'intervenir, éventuellement par la force, au profit des éléments déployés sur l’ensemble du théâtre.
III CAPACITES NECESSAIRES - MOYENS CORRESPONDANTS
Les capacités nécessaires (annexe 2) résultant de l'analyse de la mission sont les suivantes
a - Commander sur l’ensemble du théâtre et être capable d'assurer les liaisons avec les
autorités nationales et des organismes variés (MINUAR, alliés, FAR, FPR, ONG, ambassades
de France)
b - Acquérir le renseignement dont la qualité sera déterminante pour la conduite de cette
opération délicate.
c- sécuriser les populations menacées, contrôler certaines zones et développer l'action
humanitaire
d - Appuyer l'ensemble de nos forces
e- Assurer la sécurité des plates-formes aériennes et de la base logistique de théâtre.
f- Soutenir la force.
Les moyens correspondants, figurant dans l'annexe 3 jointe permettent de répondre à ces
exigences avec notamment :
- Un PCIAT doté de moyens de transmissions nécessaires pour assurer les liaisons vers le haut
commandement national, les unités subordonnées et les correspondants latéraux
- Des moyens humains et techniques de recherche du renseignement
- Un groupement de forces terrestres faisant largement appel aux forces prépositionnées
professionnelles.
- Des moyens aériens et terrestres d'appui
- Une base de théâtre (GOMA) très enclavée et dont l’approvisionnement dépend presque
essentiellement des flux aériens.
IV CHRONOLOGIE DE L'ENGAGEMENT
La chronologie donnée en annexe 4 permet de respecter un échelonnement dans la mise en
place des différentes composantes de la force dans le triple but :
- de marquer, dans un premier temps, le caractère humanitaire de cette opération dans la région de CYANGUGU,
- de contrôler, dans un deuxième temps, la zone encore placée sous l'autorité des Forces
Armées Rwandaises,
- d'être en mesure de donner le relais à la MINUAR II
V REGLES DE COMPORTEMENT ET D’ENGAGEMENT
51 REGLES DE COMPORTEMENT
Les règles de comportement suivantes devront être appliquées
511 Adopter une attitude de stricte neutralité vis-à-vis des différentes factions en conflit.
Insister sur l’idée que l'armée française n'est pas venue combattre le FPR ni soutenir les FAR afin que les actions entreprises ne soient pas interprétées comme une aide aux troupes
gouvernementales.
512 Manifester la détermination de la FRANCE dans cette action. Tout en cherchant à
favoriser l'amorce d'un véritable dialogue entre les belligérants, marquer si nécessaire par
l'usage de la force la volonté française de faire cesser les massacres et de protéger les
populations.
513 Affirmer le caractère humanitaire de l'opération en liason, chaque fois que possible avec
les ONG.
52 REGLES D'ENGAGEMENT
La sécurité de nos forces terrestres et aériennes d'intervention est une priorité.
La légitime défense élargie comporte l'emploi de la force dans les situations suivantes
- menace sur nos forces,
- menace dans la mission de protection des personnes, soit contre nos forces, soit contre les
populations protégées,
- obstruction dans l'exécution de la mission de nos forces,
- le commandant de la force pourra adapter ces règles d'engagement en fonction de la
situation et en rendre compte au CEMA si les circonstances le permettent.
Concernant l'emploi du feu aérien :
- L'ouverture du feu par les hélicoptères obéit aux règles d'engagement ci-dessus,
- L'ouverture initiale du feu par les avions d'armes pour l’appui aérien rapproché de nos forces est soumise initialement à l’autorisation du CEMA.
VI ORGANISATION DU COMMANDEMENT
Un officier général est désigné comme commandant de la force (COMFORCE) ; à ce titre il
reçoit directement ses ordres du CEMA qui lui délègue le contrôle opérationnel de l'ensemble
des moyens mis à sa disposition pour cette opération.
Le COMFORCE dispose :
- d’un adjoint Terre (COMTERRE) et d'un adjoint Air (COMAIR) (annexe 5)
auxquels il peut déléguer le contrôle opérationnel de certains moyens,
- un Poste de Commandement Interarmées de Théâtre (annexe 6) implanté à GOMA
- de trois conseillers COS - Santé - Affaires Civiles
- de commandants tactiques
VII CONCEPTION LOGISTIQUE
Le soutien de l'opération est assuré pendant toute sa durée par le COMELEF BANGUI, Le
soutien initial de la force est assuré dans un premier temps :
- à partir des dotations initiales des unités mises en place, soit (annexes 7, 8,9)
+ 15 jours de vivres
+ 6 unités de feu
* 6 unités d'essence
à partir de stocks de précaution acheminés en premier échelon logistique sur la base de GOMA
soit :
+ 3 unités de feu
* 6 jours de vivres
* 300 M3 minimum de carburant et de carburéacteur
sur l'aéroport de KISANGANT,
* 1000 M3 minimum de carburéacteur.
Dans un deuxième temps il est assuré par des flux logistiques de complément, puis d'entretien, afin d'augmenter le volume de ravitaillement disponible à BANGUI, GOMA et KISANGANI
Au plan santé la dotation de l'EMIR lui donne une autonomie d’un mois. L'ACA dispose de 6
jours d'autonomie en utilisation intense. Le ravitaillement santé est organisé à partir de flux logistiques d'entretien sur BANGUI et GOMA.
VIII INTEGRATION DES FORCES ALLIEES
Des forces alliées européennes et africaines sont susceptibles de participer, aux côtés de la
France, à l'opération TURQUOISE. Cette intégration doit être envisagée, d’une part, dans le
domaine des liaisons avec le COMFORCE et d’autre part, dans celui des missions susceptibles
d'être confiées à ces forces
Ces liaisons peuvent être réalisées par intégration d’officiers étrangers dans le PCIAT où par échange de détachements de liaison.
Les missions confiées à ces forces sont fonction de leur volume et de leur capacité. Elles
peuvent participer, sous contrôle opérationnel français, à l'éventail des actions concourant à la mission humanitaire. Le choix de la mission dépend de l’arrivée de ces forces sur le théâtre et de la signification que le COMFORCE veut donner à la mission envisagée.
Annexe 1
OPERATION TURQUOISE
INTERVENTION MILITAIRE
ABUT HUMANITAIRE AU RWANDA
MENEE SOUS L'EGIDE DES NATIONS UNIES (ARTICLE VII)
POUR UNE DUREE DE DEUX MOIS,
VISANT A METTRE FIN AU MASSACRES PARTOUT OU CELA LUI SERA POSSIBLE
EVENTUELLEMENT EN UTILISANT LA FORCE
CARACTERISEE PAR
- UN COMMANDEMENT FRANCAIS
- UNE PARTICIPATION SOUHAITEE DES AFRICAINS ET DE L'UEO
CONDUITE PRINCIPALEMENT A PARTIR DU ZAIRE
METTANT EN OEUVRE DES FORCES PROFESSIONNELLES
PREPOSITIONNEES OU VENANT DE FRANCE
CONFIDENTIEL DÉFENSE A 24