Elles sont trois femmes à parler face caméra, trois rescapées du génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda en 1994. Marie-Jeanne, Concessa et Prisca ont survécu non seulement à l’extermination planifiée et mise en œuvre par le régime rwandais de l’époque, mais elles assurent aussi avoir été violées par des soldats français de l’opération Turquoise : l’intervention militaire lancée par Paris le 21 juin 1994 pour « arrêter les massacres » au Rwanda – mais non leurs auteurs – et secourir les victimes.
Sobriété et horreur
Rien de maladroit, de voyeuriste et d’indécent dans la manière dont les deux auteurs du documentaire, le réalisateur Michael Sztanke et l’auteur-compositeur Gaël Faye, rendent compte de la parole et du crime subi par ces femmes. La sobriété et la douceur qui se dégage de leur film n’abolissent en rien l’horreur du sujet.
Il faut entendre Concessa raconter son viol dans une tranchée, voir ses bras enveloppant sa tête comme pour se protéger lorsqu’elle retrouve le lieu de son supplice à Nyarushishi. Et Prisca se souvenant de ces militaires à Murambi qui passaient parmi les Tutsies pour choisir «
celles qu’ils voulaient ». D’une voix venue d’un autre monde, nous l’entendons dire : «
Ils nous ordonnaient de nous mettre à quatre pattes, ou les jambes en l’air, et on s’exécutait. »
En 2004 et 2012, elles ont porté plainte contre X pour viol. Des plaintes jugées recevables en 2010 par la justice française. L’instruction est toujours en cours, vingt-huit ans après les faits.
Les témoignages recueillis par « La Croix »
La Croix avait rencontré ces femmes en 2011 et publié le long et éprouvant témoignage de l’une d’elles. Elles étaient accompagnées par la docteure française Annie Faure, Médecin du monde en 1994 au Rwanda. En 2004, c’est elle qui avait recueilli leurs histoires et lancé la procédure judiciaire en France.
Interrogé par
La Croix en 2011 sur ces accusations, le général Tauzin, chef du premier détachement français envoyé à Nyarushishi en 1994, affirmait n’avoir jamais entendu parler de viols : «
Avec les paras du 1er RPIMa, nous sommes restés une semaine avant d’être relevés par les légionnaires du colonel Hogard. Rien ne m’est parvenu, assurait-il.
Je doute fort que cela ait eu lieu. Nous étions entourés de journalistes. Aucun d’entre eux n’a rapporté de telles informations. »
Et le colonel Hogard, de son côté : «
Je connais la valeur du capitaine et des légionnaires présents à Nyarushishi. J’ai beaucoup de mal à croire qu’ils auraient participé à de tels agissements ou les auraient couverts. Il est impossible que de tels actes systématiques aient pu se dérouler sans que cela nous soit rapporté. »
Une fois ce film vu, c’est à la justice française de prendre tous les moyens nécessaires pour la manifestation de la vérité.