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Des parties civiles dans l’enquête sur le rôle de l’armée française lors des
massacres de Bisesero fin juin 1994, pendant le génocide au Rwanda,
s’impatientent de l’inaction du juge d’instruction, selon un courrier envoyé
lundi dont l’AFP a eu connaissance.
Dans cette lettre adressée aux trois magistrats instructeurs du pôle « crimes
contre l’humanité » du tribunal judiciaire de Paris, les avocats des
associations Survie, FIDH et LDH et de plusieurs parties civiles rappellent que
dans cette information judiciaire ouverte en décembre 2005, un réquisitoire
définitif de non-lieu avait été rendu le 28 avril 2021.
Les parties civiles ont le 31 mai suivant formulé des observations, comme le
permet le code de procédure pénale, pour demander que l’enquête soit relancée
afin d’interroger plusieurs personnes, dont des membres de l’entourage de
l’ancien président François Mitterrand (à la tête de l’Etat de 1981 à 1995).
« Depuis, aucune ordonnance n’a été rendue, aucun acte d’investigation n’a été
réalisé », soulignent les avocats.
« Considérant, dans l’hypothèse où vous décideriez de clôturer cette instruction
en dépit de votre devoir d’investigation qui vous a été rappelé, les parties
civiles disposent de voies de recours qu’elles ne peuvent actuellement exercer à
cause du statu quo de votre procédure après nos observations »,
poursuivent-elles.
Ce dossier sensible est emblématique de la controverse historique sur les
objectifs de la mission militaro-humanitaire française Turquoise, déployée au
Rwanda sous mandat de l’ONU pour faire cesser le génocide des Tutsi.
Selon l’ONU, les massacres ont fait plus de 800.000 morts entre avril et juillet
1994, essentiellement au sein de la minorité tutsi.
Dans cette affaire, Survie, Ibuka, FIDH et six rescapés de Bisesero, parties
civiles, accusent l’armée et la France de « complicité de génocide » pour avoir,
selon eux, sciemment abandonné pendant trois jours les civils tutsi réfugiés
dans les collines de Bisesero, dans l’ouest du pays, laissant se perpétrer le
massacre de centaines d’entre eux par les génocidaires, du 27 au 30 juin 1994.
Pendant l’instruction, conclue en juillet 2018, cinq hauts gradés français --
dont le chef de Turquoise, le général Jean-Claude Lafourcade -- ont été entendus
par les juges et sont restés placés sous le statut de témoin assisté, moins
incriminant que celui de mis en examen (inculpé) qui ouvre, lui, la voie à un
éventuel procès.
Fin avril 2021, peu de temps après la publication par la commission présidée par
l’historien Vincent Duclert d’un rapport qui avait notamment pointé « l’échec
profond » de la France lors des massacres de Bisesero, le parquet de Paris a
requis un non-lieu.