Fiche du document numéro 29127

Num
29127
Date
Jeudi 16 mai 2019
Amj
Auteur
Fichier
Taille
68932
Pages
16
Urlorg
Titre
À quand les sanctions canoniques pour les clercs rwandais coupables de génocide?
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Type
Blog
Langue
FR
Citation

Introduction



Ces derniers jours le Vatican est confronté aux problèmes de clercs et de hauts dignitaires de l’Eglise présumés ou coupables pour abus sexuels et de pédophilie. Les victimes sont les sœurs, les femmes ordinaires et les filles ainsi que des mineurs des deux sexes.

Les hauts responsables des Eglises d’Europe, d’Amérique et d’autres continents coupables ou complices de ces délits ont été traduits en justice. Des cardinaux, des archevêques, des évêques ordinaires et de simples prêtres sont en train d’être punis pour avoir commis ces délits ou avoir couvert ceux qui, étant sous leurs ordres ont commis ces délits. Très récemment, le Cardinal Georges Pell d’Australie, qui était la troisième personnalité au Vatican, a été condamné à l’emprisonnement de 6 ans pour avoir abusé des mineurs de moins de 16 ans. Le primat de France, le Cardinal Barbarin de Lyon, a été condamné à la peine de 6 mois avec sursis pour avoir couvert un de ses prêtres pédophile. Le Pape vient de refuser sa démission en avançant la présomption d’innocence, surtout qu’il a interjeté appel. Pour Monseigneur Luigi Ventura, Nonce apostolique à Paris, une levée d’immunité a été demandée afin qu’il soit jugé pour abus sexuels. L’Archevêque Theodore Edgar Mc Carrick de Newark en Amérique a été puni pur ces délits. En Pennsylvanie et au Chili des évêques ont carrément été réduits à l’état laïc pour de tels délits.

Après de telles mesures à l’encontre des clercs coupables pour délits qui n’ont rien à faire avec l’homicide, le moment est opportun pour demander ce que l’Eglise catholique réserve aux clercs et religieux du Rwanda, libérés ou encore en prison, qui ont été condamnés pour implication dans le génocide, à des niveaux différents. Lequel des deux délits, l’abus sexuel et le génocide, est plus grave que l’autre ? Quand est-ce que l’Eglise du Rwanda et le Vatican se pencheront sur les cas des clercs coupables de génocide ? Les évêques rwandais ignorent-ils que la législation civile ne remplace pas la législation canonique ?

1- L’Eglise catholique dans les eaux troubles : les conséquences économiques et morales sur son dos



Bien que ces délits aient été punis dans les différents pays et continents, le Pape François n’a pas voulu se réserver à lui seul la charge de punir les « délinquants ». Récemment, entre le 21 et le 24 février 2019, il a tenu au Vatican une session avec les hauts responsables de l’Eglise et les présidents des Conférences Episcopales de tous les pays. L’ordre du jour était de fustiger ces abus sexuels. Les diocèses respectifs ont supporté les dépenses leur infligées par leurs Etats, au bénéfice des victimes. Cela a comporté des conséquences graves pour toute l’Eglise. La baisse des aides des diocèses riches d’Allemagne et d’Amérique qui fournissaient au Vatican des aides importantes a eu des conséquences graves sur les œuvres du Vatican, au Vatican même et dans les Eglises du tiers monde. En plus de ces dépenses, certains responsables ont été punis individuellement. Dans certains pays comme l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse et d’autres, des téléphones rouges ont été mis à la disposition des victimes pour la dénonciation de ces abus. Et ce n’est pas fini ! Où en arriverons-nous ?

Le problème se transfère maintenant du domaine économique au domaine moral. Les désertions sont certainement notoires dans toutes les Eglises qui ont connu ces problèmes. Au Rwanda, les désertions étaient déjà notoires directement après le génocide. Elles sont encore plus notoires après la réhabilitation des sœurs, des frères et des clercs, que les diocèses et les Instituts religieux ont réhabilités en faisant fi de leur condamnation par les instances officielles, classiques ou populaires (gacaca). Ils font comme si de rien n’avait été. Des témoins oculaires racontent des cas de fidèles tombés en syncope après avoir vu à l’autel, après sa libération, l’un ou l’autre prêtre qu’ils avaient vu sur une barrière durant le génocide ; l’un ou l’autre prêtre a également participé aux réunions qui condamnaient à mort les Tutsi injustement accusés d’être d’intelligence avec le FPR. Après avoir revu dans ses activités éducatives ou caritatives un frère ou une sœur qui a livré des Tutsi, des confrères ou des consœurs des génocidaires, certains religieux et clercs ont quitté leurs instituts. C’est là une autre forme de désertion suite à ces scandales. Il n’est pas donné à tout le monde d’échanger le baiser de paix au cours de la messe, de partager la prière, et même le repas, avec un confrère ou une consœur coupable d’une si haute trahison. Trahison vis-à-vis de l’Evangile et des vœux solennellement assumés.

Ce n’est pas seulement aujourd’hui, sous le Pape François, que ces cris d’alarme sont lancés. Sous ses prédécesseurs, ces cris ont été étouffés. Les papes Paul VI et Jean Paul II ont fait beaucoup de choses pour l’Eglise, mais ce domaine leur a échappé ou a été négligé. Ils se sont bornés sur l’interdiction des préservatifs aux chrétiens soucieux de se protéger contre le Sida ou soucieux d’utiliser ce moyen pour limiter les naissances. Vis-à-vis des clercs, ces papes se sont limités à refuser seulement aux prêtres des pays du Tiers monde la réduction à l’étal laïc. Aucun prêtre d’un diocèse d’Europe ou d’Amérique ne peut passer une année sans recevoir une réponse favorable à sa demande de réduction à l’état laïc. Mais ceux des pays appelés pays de mission ou du Tiers Monde (Afrique, Asie, Amérique du Sud et autres continents pauvres) qui renoncent au sacerdoce ministériel passent toute leur vie sans jamais obtenir leur droit de réduction à l’état laïc prévu par la législation de l’Eglise! Il a toujours été brandi que seuls les prêtres africains étaient incapables de respecter le vœu de célibat ! L’histoire ne vient-elle pas de démontrer que, blancs ou noirs, nous avons tous le même corps ! Qu’en dit le Vatican ? Qu’en disent les diocèses concernés ? Le Vatican prétend-t-il encore que seuls les prêtres africains ou du Tiers Monde sont incapables de supporter le célibat sacerdotal ? Que le Vatican fasse les investigations ou les statistiques maintenant, après ces cas d’homosexualité, de pédophilie et d’autres abus sexuels en Europe et en Amérique ; et surtout de la part des hauts dignitaires de l’Eglise ! Que ces investigations se fassent en Afrique, en Asie et en Amérique Latine, et que l’on nous montre les résultats. Le silence devant ces abus aurait été parmi les raisons de démission de Benoît XVI, mais ce n’est pas tout. A cela s’est ajoutée la divulgation des secrets du Vatican lui volés par son majordome (secrétaire particulier), secrets publiés en plusieurs volumes dont certains en possession du signataire de cet article.

2- Les évêques du Rwanda ne sont pas meilleurs que leurs pairs américains, australiens, chiliens….



La session de février 2019 a certainement émis des décisions importantes, et il le fallait ; certaines Conférences Episcopales nationales en ont fait la résonnance chez elles. Celle du Rwanda l’a fait aussi. Mais elle n’a parlé que de ce qui s’est dit dans la session de février au Vatican ! Cette occasion était pourtant opportune pour ajouter que les problèmes de l’Eglise ne sont pas seulement les abus sexuels, mais aussi et surtout le crime de génocide. Jusqu’ici elle ne dit aucun mot au sujet des clercs et des religieux coupables et condamnés pour génocide. Elle n’a pas encore parlé des prêtres et des religieux génocidaires ou complices de génocide. Quand en parlera-t-elle ? Jusqu’à quand continuera-t-elle d’abuser de la patience des victimes du génocide ? Ce ne sont ni la sacramentalisation ni les sacrilèges qui permettront à l’Eglise du Rwanda de redorer son image d’antan. Le proverbe rwandais dit que le Roi ne tue jamais, mais que ce sont ses conseillers qui tuent. Or les évêques rwandais sont les seuls conseillers indiqués pour expliquer au Vatican le génocide commis contre les Tutsi au Rwanda et dont des prêtres et des religieux sont coupables.

Toutefois, le pape François a eu beaucoup de courage. Est-ce qu’il ne subira pas le sort de Jean Paul I qui n’a fait que 33 jours de papauté pour avoir dénoncé les abus financiers de la Banque Vaticane sous un certain Marcinkus, lui-même évêque présumé pour abus sexuels, en collaboration avec la Banque Ambrosiano – Veneto ?

Est-ce que les évêques rwandais ne risquent pas de subir le sort des Cardinaux, des Archevêques et d’autres confrères punis pour couverture de clercs coupables d’abus sexuels ? Avec quel parapluie se couvrent les évêques catholiques rwandais pour se croire intouchables?

Les évêques rwandais n’ont jamais dit la vérité au Vatican, ni au sujet du génocide lui-même ni au sujet des clercs qui y ont pris part. Maintenant ils parlent des fidèles qui se sont impliqués dans le génocide, mais sans spécifier que des prêtres et des religieux y ont pris part. Et pourtant, dans beaucoup de réunions de l’après génocide, surtout dans les années 1995-1999, les prêtres rwandais n’ont jamais cessé de demander à leurs évêques de faire des investigations dans leurs diocèses respectifs au sujet des prêtres impliqués dans le génocide. Lorsque nous en parlions, les prêtres hutu extrémistes allaient nous accuser chez les évêques, comme quoi nous étions en train de gâcher les préparatifs du Jubilé de l’An 2000 (100 ans d’évangélisation du Rwanda) et du synode qui a suivi. Aucun diocèse n’a fait ces investigations, car aucun n’a montré les résultats de ses investigations. L’Eglise du Rwanda a construit sur le sable depuis sa fondation, et maintenant elle récolte ce qu’elle a semé. Jusqu’ici elle n’a jamais fustigé les divisions semées par les premiers évangélisateurs depuis 1900. Ce sont ces divisions qui sont à la base du génocide perpétré contre les Tutsi. Cet argument sera prouvé et longuement développé dans un grand ouvrage qui suivra cet article et qui est dans sa phase de finition.

L’Eglise catholique du Rwanda a un Tribunal, et à tous les niveaux. Elle ne cesse de faire des émissions sur Radio Maria au sujet de ce Tribunal. Mais elle n’a jamais annoncé les procès qu’elle aurait tenus, même dans les domaines autres que le génocide. Si elle ne reconnaît pas les verdicts des tribunaux civils, pourquoi ne tient-elle pas ses propres procès? Et pourtant l’un ou l’autre diocèse a réduit à l’état laïc l’un ou l’autre prêtre coupable de pédophilie ou d’adultère. C’est d’ailleurs le seul diocèse de Butare qui l’a fait, et il l’a fait tout en sachant qu’il y a dans presque tous les diocèses des prêtres coupables de génocide et même condamnés pour ce délit. Monseigneur Philippe Rukamba en a même un qui a été condamné pour génocide par deux fois, et qui concélèbre avec lui tous les jours. On ne sait d’ailleurs pas combien d’enfants doit avoir un prêtre ou combien de fois il doit avoir commis l’adultère pour être réduit à l’état laïc. Et que dit l’Eglise au sujet de ses évêques rwandais qui ont des enfants ? Est-il suffisant de les obliger à démissionner ? Deux poids et deux mesures !

L’évêque de Butare représentait la Conférence Episcopale du Rwanda dans la réunion de février au Vatican. Lorsque le Pape a parlé des cas d’abus sexuels, cet évêque a-t-il jamais pensé que l’Eglise du Rwanda a des prêtres génocidaires ou complices de génocide, délit plus grave que les abus sexuels ? Croit-il que ce délit restera caché pour longtemps ? Pour combien de temps les évêques rwandais continueront-ils à pratiquer la politique de l’autruche ? Un Rwandais a dit : « Est-ce que le Roi (du Rwanda) est au courant de tout cela (Ese ibyo byose Umwami arabizi) » ? Et comme ce Rwandais, je dirais : « Est-ce que le représentant du Roi de l’Univers sait tout cela »? Certes, le Roi de l’Univers le sait, mais son représentant ne le sait pas, puisqu’il ne le lui a pas encore inspiré ; puisque ses représentants au Rwanda ne lui en ont encore rien dit. Mais il finira par le savoir ; et les évêques rwandais le paieront cher !

3- Un jour l’Eglise du Rwanda aura à répondre sur le système de deux poids et deux mesures



L’Eglise du Rwanda a toujours excommunié les chrétiens qui convivent (langage utilisé dans l’Eglise du Rwanda pour parler des chrétiens qui se marient sans passer par l’Eglise). Et même ceux qui assistent à ces mariages sont, eux aussi, excommuniés. Les enfants de tels couples, -- innocents qu’ils sont--, vivent sans baptême jusqu’à la fin de l’Ecole primaire. Et pourtant cette Eglise donne les sacrements aux génocidaires et à leurs complices qu’elle connaît bien, et elle le fait sans rien leur dire, sans les mettre devant leurs responsabilités, ne fut-ce que dans les différentes instructions ou dans les contacts privés! Elle permet aussi aux prêtres coupables de génocide d’administrer les sacrements, et donc d’excommunier leurs fidèles ! Or en théologie morale on nous a appris qu’il n’est pas permis de confesser un complice ! Serait-ce une erreur de dire que les responsables de l’Eglise du Rwanda sont, eux aussi, complices, tout comme ces évêques ou cardinaux qui couvrent les prêtres coupables d’abus sexuels ?

Certains diocèses cachent dans leurs évêchés ou dans leurs paroisses des prêtres coupables de génocide ou de complicité dans ce dernier, et qui ont été punis par la législation civile. A la sortie de la prison, ces prêtres se sont mis à concélébrer avec leurs évêques et d’autres prêtres devant des dizaines de sœurs et d’autres voisins. Nous utilisons le terme cacher parce que ces prêtres n’apparaissent pas dans d’autres célébrations. La messe garde toujours sa valeur, que ce soit en public ou en privé. Lorsqu’on demande à leurs évêques pourquoi ils leur permettent de célébrer la messe malgré le délit qui pèse sur eux, ces évêques disent que ces prêtres ne célèbrent pas en public. A partir de quel nombre peut-on parler de public ? A notre avis, le public peut s’évaluer à partir de plus de deux personnes. Quel public vaut plus que 10 ou 15 personnes ? Et même si un tel prêtre coupable de génocide célébrait tout seul, en privé cette fois-ci, a-t-il ce droit ?

4- Cas concrets, diocèse par diocèse



a) Diocèse de Nyundo

– L’abbé Edouard Ntuliye et son « co-paroissien » de Nyange, Jean Emmanuel François Kayiranga, tout au début des procès pour les coupables de génocide, furent condamnés à la peine de mort par le tribunal classique, puis acquittés et envoyés en Italie par l’ex-nonce apostolique au Rwanda, Salvatore Pennacchio, pour un soi-disant repos d’une année. Tous les deux étaient dans le presbytère de Nyange lors de la démolition de l’église sur les 2.000 tutsi y réfugiés. A son retour d’Italie en 2001, Edouard Ntuliye a été conduit au tribunal gacaca cette fois-ci, qui le condamna à la perpétuité. Son confrère Kayiranga eut l’idée quelque peu ingénieuse mais saugrenue de rester en Italie où il a mis sur pied une troupe de tambourinaires qui exhibent la culture rwandaise tout court. Il est même arrivé à ce Kayiranga d’aller au TPIR (Tribunal Pénal International pour le Rwanda) pour plaider à décharge du Bourgmestre de l’ex-Commune Kivumu, qui a collaboré avec l’abbé Athanase Seromba pour la démolition de l’église sur les réfugiés. Edouard Ntuliye, lui, en plus de la complicité de Nyange, a eu un rôle incontournable dans les massacres de la Cathédrale de Nyundo où périrent au moins 20 prêtres tutsi le même jour, et beaucoup d’autres Tutsi des environs, paysans, religieux et professeurs, tous confondus. Ntuliye et Kayiranga n’ont rien fait pour empêcher le fou d’Athanase Seromba d’autoriser le chauffeur du Caterpillar à faire cette sale besogne. Au moment du carnage, eux dégustaient leur bière dans le salon de la paroisse sans se soucier des derniers cris des pauvres Tutsi.

Monseigneur Alexis Habiyambere, ex-évêque de Nyundo, avait habitué, sans vergogne, l’abbé Edouard Ntuliye, détenu dans la prison de Rubavu, à concélébrer avec lui ou avec les prêtres qui allaient y célébrer la messe. Cela a commencé à crier lorsque Ntuliye a concélébré avec le nouvel évêque de Nyundo, Monseigneur Anaclet Mwumvaneza. Ce dernier, dans son habituelle bonne foi, a avoué qu’il est tombé dans une situation déjà existante, mais que cela ne se ferait plus. Vu sa sensibilité face au génocide, cela ne se répétera certainement pas. C’est un homme de parole.

b)Diocèse de Cyangugu

Le diocèse de Cyangugu bat le record aussi bien dans le génocide que dans le négationnisme.

-L’abbé Laurent Ntimugura était à la Cathédrale pendant le génocide. J’étais son curé. Il a toujours été marqué par un racisme hors du commun. Les délits qui pèsent sur lui, bien que libéré, sont : l’indifférence et la non assistance à personnes en danger pendant le génocide ; mais surtout la dénonciation des cachettes de ceux qui étaient menacés, sans exclure la participation à des réunions qui orchestraient les tueries. Lorsque nous lui demandions de porter à manger aux réfugiés transférés de la Cathédrale au Stade Kamarampaka, il nous reprochait d’abuser de son identité hutu et il nous taxait de la bière ; nous lui en offrions tant qu’il voulait, mais il ne combinait rien, tout en réprimandant les réfugiés avec beaucoup de mépris. Dans toutes les tractations en faveur des réfugiés, devant le presbytère, il n’apparaissait jamais. Il s’enfermait dans sa chambre et sortait après, pour ses tournées habituelles dans les bistrots des environs ou dans la ville de Kamembe, où il a toujours rencontré des gens peu recommandables. Il a été condamné à 20 ans de réclusion. Le lendemain de sa libération, il a commencé à concélébrer dans la chapelle de l’évêché avec l’évêque et les prêtres qui y habitent, pour plus d’une quinzaine de sœurs des couvents des environs. Et puis maintenant il se charge de l’accueil des visiteurs de l’évêché, sans cesser de répandre le négationnisme du génocide, puisqu’il est maintenant en liberté.

Monseigneur Jean Damascène Bimenyimana (+), ex-évêque de Cyangugu, battait le record dans le négationnisme. Lorsqu’on lui demandait pourquoi il permettait à son prêtre condamné pour complicité dans le génocide de célébrer la messe, il objectait qu’il ne célébrait pas en public. Même boutade de la part des évêques ! A partir de quel chiffre peut-on estimer qu’il y a public ou pas ?

-L’abbé Thaddée Ngirinshuti, actuellement âgé de 80 ans, a été condamné pour non-assistance à personnes en danger et complicité dans le génocide. Pendant qu’il attendait le jugement, Il a été libéré après 5 ans, sans jugement, moyennant 5.000 DM (Deutsche Mark) offerts par le diocèse de Spire en Allemagne (Rhénanie Palatinat). Cela ressort du fax de janvier 2001 envoyé par la paroisse Saint Martin de Kaiserslautern de ce diocèse, qui a servi d’intermédiaire pour le transfert de l’argent qui a servi de rançon pour les juges de Cyangugu. Le fax est signé de la main de Madame Gisela Rick, secrétaire du Conseil paroissial de la paroisse Saint Martin. Ce seraient 10.000.000 frw actuellement. L’évêque de Cyangugu a corrompu les juges par le biais de son ex-chancelier, Félicien Nsabimana. Il est connu que, pour leurs combines, Monseigneur Bimenyimana et les juges de Cyangugu se rencontraient à la Nonciature apostolique de Kigali. Le fax des Allemands se réjouissant pour la libération de leur ami Ngirinshuti est disponible. L’abbé Ngirinshuti est en train d’évoluer dans sa paroisse natale de Nyamasheke où il prépare son jubilé de 80 ans. Jubilé pour quels mérites ? Terminer toute une vie en queue de poisson ! Ses amis allemands de Kaiserslautern sont en train de se préparer pour la fête. La date n’est pas encore connue, mais ils auront tout fait,-- et avec raison --, pour éviter la coïncidence avec la commémoration à Nyamasheke, qui se fait le 14 avril. Le jubilé est programmé pour juillet 2019, à côté du site mémorial où reposent devant l’église 45.000 Tutsi tués dans l’église et dans les environs.

-L’abbé Aimé Mategeko : pour en finir avec le diocèse de Cyangugu,-- mais on en finirait jamais --, disons aussi que Monseigneur Bimenyimana a tenté de corrompre les juges de Cyangugu pour la libération de l’abbé Aimé Mategeko, ex-curé de Hanika, mais qu’il n’y a pas réussi. L’évêque ne voulait pas que son prêtre soit jugé par le tribunal gacaca de la paroisse de Shangi où il a commis les délits dont on l’accusait et dont on l’accusera toujours. Le pauvre chancelier est tombé sur un juge rescapé du génocide qui lui aurait dit qu’il n’avait rien à faire avec les cas relatifs au génocide. Paroles du juge ! Ce juge serait-il sorti du bureau les mains vides ? Tel que je le connais, non. Mais ce n’est pas notre affaire pour le moment. Mategeko est en train d’écoper la perpétuité à Mpanga, District de Nyanza. L’évêque voulait obstruer l’envoi de Mategeko dans le tribunal gacaca de sa paroisse natale de Shangi où il a commis les délits qui pèsent sur lui. Nous l’avions naïvement dépêché dans sa paroisse natale, croyant qu’il allait faire la pacification. Mais au lieu de faire la pacification, il s’est rangé du côté de ceux qui condamnaient les damnés. Il est vrai que nous nous sommes trompés sur lui. De l’évêché de Cyangugu où nous nous cachions,-- s’il convient d’utiliser ce terme --, il refusait de porter à manger aux réfugiés du Stade Kamarampaka, prétendant que, puisqu’il ressemblait aux Tutsi, il risquait d’être lynché par les Interahamwe. Mais lorsque nous l’avons envoyé chez lui à Shangi, il y est allé sans objection ; comme si le long de la route ou à Shangi même il n’y avait pas d’Interahamwe.

Lors du procès de Mategeko, Monseigneur Bimenyimana a mobilisé les prêtres de Cyangugu pour aller y assister, tous en soutane et clergyman (col romain dans le langage vulgaire), mais en aucune séance cette pompe n’a en rien intimidé les juges intègres des assises de Shangi.

-Les abbés Innocent Subiza et François Nteziryayo étaient grands séminaristes pendant le génocide. Tous deux sont ressortissants de la paroisse Cyangugu. De la Maison des Pères Rogationistes qui surplombe le lac Kivu, où nous mettions les prêtres évacués des paroisses, pour dégorger l’évêché, ces anciens séminaristes, actuellement prêtres, étaient devenus les patrons. Ils avaient quitté leurs familles pour venir parasiter là-bas, avec le prétexte d’aider les prêtres y réfugiés. Après le génocide, ils ont été mis en prison tous les deux. Pourquoi ? Le premier avait participé aux expéditions des génocidaires dans sa zone de Gasambu. Le délit commun aux deux fut de chasser le véhicule qui portait 4 filles tutsi que nous tentions d’envoyer au Congo par le lac en passant par cette Maison-là, comme nous en avions l’habitude. Après une année ou deux, ils ont été libérés. Le parquet prétendait que puisque ces filles n’ont pas été tuées, cela n’a rien à faire avec le génocide. Que signifie non-assistance à personnes en danger, surtout de la part d’un futur pasteur ? Lors de l’ouverture du Grand Séminaire, nous avons déconseillé à Monseigneur Bimenyimana de ne pas les réadmettre au séminaire pour ce délit. Il ne nous a pas écouté. Même moi, son vicaire général qu’il venait à peine de confirmer et qui avait géré le diocèse pendant deux ans et demi en attendant sa nomination-surprise ! Et puis depuis lors il ordonnait les séminaristes aux différents ministères, en cachette, au Petit Séminaire de Cyangugu, à l’insu de leurs paroisses, y compris la Cathédrale que je dirigeais ! Après leur ordination, Innocent Subiza a été exfiltré en Amérique.

c) Diocèse de Butare

-L’abbé Denys Sekamana a été condamné par deux fois, à des époques différentes, pour la complicité dans le crime de génocide. La première fois ce fut dans le tribunal classique de Huye où il a été condamné à 4 ans. En uniforme militaire, il portail un fusil à côté de la barrière installée devant l’Institut Catéchétique Africain (ICA) qu’il dirigeait. En d’autres termes, il supervisait les tueries ! Les miliciens n’avaient que la mission de trier les Tutsi à tuer. Comment est-il concevable qu’un prêtre assiste à des tueries sans jamais implorer pardon pour les victimes ? Et si les bourreaux ne l’écoutent pas, comment peut-il oser continuer à se tenir à côté d’eux, si ce n’est pour les encourager ? La condamnation à 4 ans aurait coïncidé avec les 4 ans qu’il venait d’écoper à la prison centrale de Huye. Après sa libération, il a été curé des grandes paroisses de Nyanza et Cyahinda, et a exercé d’autres charges, entre autres comme conseiller de son évêque pour ce qui regarde les prêtres à envoyer aux études ! Longtemps après, on a découvert, dans le même Institut qu’il dirigeait pendant le génocide, de nouveaux signes relatifs au génocide : des crânes de gens tués durant le génocide, dans l’enceinte de l’Institut qu’il dirigeait (l’ICA, Institut Catéchétique Africain). Il a été condamné à la peine de 15 ans, cette fois-ci par le tribunal gacaca de Ngoma (Huye). En février 2019, Sekamana vient d’être libéré. Il semble que les 4 ans de la première condamnation aient été exclus des 15 de la seconde condamnation, en foi de quoi il a été libéré. Condamné une ou deux fois, peine réduite ou non, l’important est qu’il a été jugé et condamné pour délit relatif au génocide. Le fait est que le lendemain de sa libération, Denys Sekamana célébrait la messe à l’évêché de Butare. Une personne qui l’a vu à l’autel, tout en sachant ce qu’il a fait en 1994, est tombée en syncope. Il célèbre seulement dans la chapelle de l’évêché pour montrer qu’il ne célèbre pas en public ; maintenant il célèbre le soir pour 2 auxiliaires de l’apostolat, les Allemandes Adelaïde et Maria Utler qui habitent dans les enceintes de l’évêché. Probablement que pour l’évêque de Butare, une telle messe n’est pas célébrée en public. 2 ou 15 personnes, cela importe peu. Le public est là, mais c’est seulement le nombre qui change ! Pour nous, le problème n’est pas la messe pour tel nombre de personnes; le problème c’est la célébration de la messe tout simplement.

-L’abbé Hormisdas Nsengimana était recteur du Collège Christ-Roi pendant le génocide. Tout Nyanza sait qu’il a fait tuer les prêtres de la paroisse de Nyanza. Du Cameroun où il s’était réfugié, il a été conduit au Tribunal d’Arusha. Ce dernier l’a acquitté. Mais n’eut été la corruption des rescapées de Nyanza par l’abbé Denys Sekamana lorsqu’il était curé de cette paroisse, Hormisdas aurait écopé la perpétuité. Ces pauvres veuves ont osé témoigner à décharge de Hormisdas Nsengimana. Ce n’est pas tout le mode qui a le courage de reculer devant l’argent !

Monseigneur Philippe Rukamba, évêque de Butare, est président de la Conférence épiscopale du Rwanda. Il représentait l’épiscopat rwandais à la session du Vatican sur les abus sexuels. Est-ce que lors de cette session, à aucun moment, il aurait médité sur les cas des clercs rwandais qui ont commis des délits plus graves que les abus sexuels ? A son retour de Rome, il a donné le rapport à ses pairs. Est-ce que lors de la tenue de la CEPR, l’un ou l’autre confrère se serait interrogé sur le cas de ces clercs coupables de crime de génocide ? Aux évêques rwandais d’y répondre. La balle est toujours dans leur camp et y restera tant qu’ils n’éclairciront pas leur position.

d) Diocèse de Gikongoro

-L’abbé Thaddée Rusingizandekwe fut un grand idéologue du génocide avant 1994, et un tueur à gages pendant le génocide. Il est à la mesure de la RTLM (Radio Télévision Libre des Milles Collines). Il a préparé le génocide et l’a mis en exécution. Il a répandu des tracts anti-tutsi à Rome en 1990, lorsqu’il était aux études ; en tant qu’ex-aumônier militaire, il a entraîné à la Défense civile les miliciens de l’ex-Commune Gishamvu, actuellement District de Huye, lorsqu’il était professeur d’Histoire de l’Eglise au Grand Séminaire de Nyakibanda ; il a eu un rôle dans l’incendie de son église natale de Kibeho dans laquelle ont péri des milliers de Tutsi ; et durant toute cette période, il célébrait la messe, jusqu’à Pâques 2015, jour où le diocèse de Gikongoro a déclaré qu’il n’était pas trouvable au presbytère de la Cathédrale de Gikongoro. Lorsqu’il devait retourner au tribunal gacaca de Nyakibanda, à Pâques 2005, son diocèse a déclaré qu’il n’était pas trouvable au presbytère de la Cathédrale de Gikongoro. Et cela jusqu’aujourd’hui ! Il n’aura été ni le premier ni le dernier prêtre à être exfiltré… Mais tout ce temps-là, aussi bien pendant qu’après le génocide, il avait continué à célébrer la messe. Même lors de l’incendie de l’église de Kibeho, avant ou après, messes durant lesquelles il était servi par son père, responsable de la Communauté Ecclésiale de Base, qui, par après, s’est retrouvé avec son fils dans la prison Centrale de Gikongoro où Rusingizandekwe l’a laissé pour parcourir toutes les prisons du Sud du Rwanda. Il a été condamné pour tous ces crimes, emprisonné à Huye, à Gikongoro et à Mpanga, et maintenant son diocèse dit qu’il est introuvable, alors que c’est ce même diocèse qui possède ses nouvelles. Il n’aura été ni le premier ni le dernier à être exfiltré.

Le cas des prêtres emprisonnés au Rwanda et au Mali ou jugés au Rwanda par contumace



a) Les prêtres emprisonnés au Rwanda pour génocide

Jusqu’ici nous nous sommes surtout limités aux cas des prêtres condamnés et libérés. Que dit l’Eglise du Rwanda au sujet de ses prêtres encore emprisonnés au Rwanda pour délit relatif au génocide ? Que disent leurs évêques ? Suffit-il de leur destiner un budget et de désigner les prêtres qui les approvisionnent à tour de rôle ? Il s’agit de :

-Laurent Ndagijimana du diocèse de Kabwayi ;

-Joseph Ndagijimana, également de Kabwayi ;

-Deogratias Gakuba, alias Tuyisenge, de l’archidiocèse de Kigali.

b) Les prêtres rwandais transférés d’Arusha à Bamako au Mali

-L’abbé Athanase Seromba qui a fait crouler sur 2000 refugiés l’église de la paroisse de Nyange dont il était curé a été condamné à perpétuité par le TPIR d’Arusha, puis transféré au Mali. Qu’a jamais dit le diocèse de Nyundo sous Monseigneur Habiyambere Alexis ? A-t-il jamais fait ses propres investigations ? Ce n’est qu’en 2018 que Monseigneur Rukamba a dénoncé ce délit lors de l’inauguration de l’église qui a remplacé celle précipitée sur les 2.000 Tutsi y refugiés. Mais pourquoi Monseigneur Rukamba a-t-il attendu seulement cette occasion ? Pourquoi les évêques rwandais ne traitent-ils pas des cas des clercs condamnés pour génocide ?

b) Prêtres transférés d’Arusha à Bamako

-L’abbé Emmanuel Rukundo, réfugié burundais de 1972, était incardiné dans le diocèse de Kabwayi ; il a été condamné par Arusha à 25 ans de prison, puis à 23 ans en appel. Envoyé au Mali, il a été libéré avant l’épuisement de la peine, comme quoi il se serait bien comporté en prison. Cette décision fut l’œuvre du juge Theodor Meron. Rukundo n’est pas le seul à avoir été libéré par ce juge avant l’épuisement de la peine. Theodor Meron a terminé son mandat, mais il porte toujours la responsabilité d’avoir traité le génocide comme un délit ordinaire, alors que c’est un délit imprescriptible. Son remplaçant a promis de rectifier les erreurs de son prédécesseur. Attendons les résultats.

-Le cas de l’abbé Athanase Seromba est connu de tous.

c) Les prêtres rwandais condamnés par contumace dans les tribunaux rwandais

Les cas sont nombreux, mais ceux qui sont à notre portée sont :

-Wenceslas Munyeshyaka du diocèse de Kigali est refugié en France. Non seulement il est signataire de la lettre adressée au pape Jean Paul II le 2 août 1994 à partir de Goma,- lettre plaidant pour le double génocide-, mais il est également coupable de beaucoup de délits à la paroisse Sainte Famille, dont les cas de viol. Endossé de gilet anti-balles et armé de pistolet pendant le génocide, il était surnommé prêtre soldat. En France, tantôt il comparaît au tribunal, tantôt il est libéré, tantôt il bénéficie de non-lieu….On ne sait pas comment son cas finira.

Evergiste Rukebesha du diocèse de Kabwayi est en Italie. Il reste à voir ses relations avec son diocèse de provenance et son diocèse d’accueil. Ce dernier est-il informé de la situation juridique du prêtre qu’il a accueilli? Qui peut l’en informer si ce n’est son évêque ?

-Emmanuel Uwayezu du diocèse de Gikongoro dirigeait l’Ecole Marie Merci de Kibeho. Il porte une grande responsabilité dans la mort de ses élèves et d’autres Tutsi du lieu. Il est en Italie avec un statut particulier, avec des documents provisoires.

Il y en a encore beaucoup d’autres jugés au Rwanda par contumace. Il est difficile de les énumérer tous. Mais s’il était besoin de leur liste, cela ne coûterait rien. Ces prêtres ont toujours bénéficié de l’autorisation de leurs évêques pour faire les études dans les Universités pontificales de Rome ou ailleurs, et d’exercer dans les diocèses français, américains, italiens et suisses….L’abbé Athanase recevait même ces documents sous le pseudonyme de don Atanasio Sumbabula pris dans l’ex-Zaïre et qui ne figure nulle part dans les registres rwandais. Sous quels noms son ex-évêque de Nyundo, Alexis Habiyambere, lui renouvelait-il les documents exigés par le diocèse italien qui l’a caché si longtemps avant son expédition à Arusha à bord d’un avion militaire, avec une lettre de demande d’accusé de réception? Quelles relations a Seromba avec son diocèse rwandais et le diocèse italien qui l’a si longtemps hébergé ?

Les évêques rwandais qui accordaient ces documents à leurs prêtres sont connus, et certains sont encore en vie. Y a-t-il pire négationnisme que celui-là ? Maintenant qu’ils ont osé parler de génocide, même à charge de l’abbé Seromba, sont-ils sincères ou le font-ils par résignation, par pis-aller ou par complaisance vis-à-vis de l’Etat rwandais ? Aux évêques rwandais de se raviser.

Conclusion



1.Quelle différence y-t-il entre les clercs, les religieux (ses) et les fidèles laïcs ?

Tous les citoyens de tous les pays sont régis par la législation de leurs Etats. Tous les baptisés sont, en plus, tenus à respecter la législation des Eglises de leur ressort. Les fidèles catholiques sont tenus à respecter la législation canonique. Les religieux (ses) sont tenus à respecter les règles de leurs Instituts. Les clercs ont des articles spécifiques du Droit canon qui régissent leur conduite. Ce sont ces mêmes clercs qui administrent les sacrements aux autres fidêles, religieux et clercs confondus. Comment est-ce que les clercs qui ont trahi leur serment, qui ont tué ou fait tuer leurs ouailles peuvent encore leur administrer les sacrements ?

Pourquoi est-ce que les évêques ne font pas ces distinctions ? Pourquoi, dans leur demande de pardon de 2016, les évêques rwandais ne font-ils pas la distinction entre les fidèles et leurs pasteurs, et même entre eux et leurs sujets, et même avec l’Institution ? A quoi sert le serment que font les clercs et les religieux lors de leur engagement ?

Si les évêques rwandais comprennent que le génocide est un délit plus grave que l’adultère, la pédophilie et l’homosexualité, quand est-ce qu’ils puniront les clercs coupables de délit de génocide ? Quand est-ce que l’Eglise mettra en application sa propre législation ? Et les Instituts religieux ? Certes, l’Eglise n’avait pas prévu le délit de génocide dans sa législation. Non plus la législation rwandaise ne l’avait pas prévu. Mais toutes les deux prévoient dans leurs législations le péché d’homicide ou de meurtre, et de complicité dans les deux. Toutefois, après le génocide, pour pouvoir juger le délit de génocide, la législation rwandaise a fait une loi spéciale pour cela.

A l’Eglise catholique d’ajuster ses lois. Voilà ci-dessous ce que la législation canonique prévoit pour l’homicide et le meurtre de la part des clercs. A l’Eglise catholique de faire sa loi spéciale dans ce domaine. Mais entretemps l’Eglise catholique du Rwanda doit prendre ses dispositions sans attendre un nouveau code de droit canon.

2.Dispositions canoniques à propos des clercs coupables de meurtre

Sur les 7 livres du Code de Droit canon en cours, qui date de 1983, c’est le sixième qui parle des sanctions dans l’Eglise, tandis que le septième parle des procès. Aucun des deux ne parle de génocide, tout comme la Constitution rwandaise n’en parle. Mais cela n’a pas empêché au Rwanda de faire valablement face à ce délit inédit dans son histoire. Il a fait une loi spéciale pour juger les coupables du crime de génocide, et cela a vite été mis en application.

Donc le Droit Canon parle d’homicide et des peines réservées aux clercs responsables de ce crime. Or le génocide est le délit le plus grave de l’homicide ! Il est question de l’homicide au canon 1397 du code actuel en vigueur depuis 1983 dans toute l’Eglise catholique. Quant aux sanctions y relatives, elles sont mentionnées dans le canon 1336 qui énumère les peines expiatoires suivantes pour le clerc coupable de ce crime. Ces peines sont appelées ferendae sententiae en latin parce qu’elles doivent être prouvées par un procès. Or l’Etat rwandais a fait ses procès. Si l’Eglise catholique n’admet pas ces procès tenus par les instances civiles, qu’elle tienne les siens, puisque son code le prévoit. Voici ces sanctions :

-l’interdiction ou l’ordre de demeurer dans un lieu ou un territoire donné (canon 1336, & 1, 1) ;

-la privation d’un pouvoir, d’un office, d’une charge, d’un droit, d’un privilège, d’une faculté, d’une faveur, d’un titre, d’une marque de distinction même purement honorifique (canon 1336, & 1, 2) ;

-le transfert pénal à un autre office (canon 1336, & 1, 4) ;

–le renvoi de l’état clérical (1336, & 1, 5).

L’Eglise catholique sait pertinemment que la législation civile ne remplace pas le doit canon. Si elle n’a pas tenu ses propres procès, cela peut signifier qu’elle accepte les décisions des instances civiles. Qu’elle ratifie alors les verdicts de la législation rwandaise et les mette en pratique, mais sans oublier qu’elle est liée par les sanctions canoniques prévues par sa propre législation.



*À l’occasion de la 25ème Commémoration du Génocide perpétré contre les Tutsi.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024