Fiche du document numéro 28579

Num
28579
Date
Janvier 1997
Amj
Auteur
Fichier
Taille
541467
Pages
2
Sur titre
« Terreur africaine », de Colette Braeckman
Titre
Les pyromanes des Grands Lacs
Nom cité
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Lieu cité
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Mot-clé
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Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
COMPRENDRE, une fois encore… Dans sa quête inlassable d'une Afrique centrale enfin réconciliée avec elle-même, Colette Braeckman apporte, dans son dernier livre, Terreur africaine (1), des clés essentielles à toute interprétation de ce qui se joue dans la région des Grands Lacs. Quel y fut, tout dernièrement encore, le rôle des boutefeux qui continuent de voir en l'Afrique le champ clos de leurs rivalités ? Comment ont évolué, depuis le génocide de 1994, le Rwanda et le Burundi, puis le Zaïre, bateau ivre menacé de toutes parts ? L'ouvrage de Colette Braeckman éclaire d'une lumière vive, acérée, tous les éléments qui permettent de comprendre ce qui se joue en ce moment dans les Grands Lacs.

C'est au Kivu, épicentre de la crise actuelle, que tout, cette fois, s'est noué. Le Kivu, considéré par les Rwandais eux-mêmes, puis par les colons, comme la terre d'expansion « naturelle » d'un Rwanda surpeuplé. Depuis des siècles, Hutus et Tutsis n'avaient cessé de s'y fixer, en provenance du petit royaume voisin, jusqu'à prendre le pas sur les populations locales, et ce, curieusement, dans la période récente, avec l'appui du pouvoir de M. Mobutu Sese Seko. Les troubles y éclatent entre migrants et autochtones, se transformant, en 1993, en véritables massacres.

En avril 1994 survient le génocide au Rwanda. En juillet de la même année, des centaines de milliers de Hutus rwandais, civils et militaires confondus, se fixent en masse dans un Kivu encore ensanglanté par les massacres de 1993. Dans ces camps, « chaudrons de la haine » comme les appelle l'auteur, les restes de l'armée défaite préparent la reconquête, reçoivent des armes de toutes parts, interdisent aux civils - qu'ils utilisent comme boucliers - tout retour dans leur pays.

De là ils multiplient aussi les incursions en territoire rwandais, puisqu'il faudra tôt ou tard, disent les chantres de la revanche, « achever le travail », c'est- à-dire poursuivre l'extermination des Tutsis. Ils sèment aussi la terreur parmi la population zaïroise autochtone - que leur propre armée ne défend pas -, montrant ainsi qu'ils sont « bien décidés à s'implanter enfin dans cette région idyllique qui leur avait été promise de longue date ». Tout se passe comme si cette partie du Kivu, le Masisi, avait été choisie pour devenir une sorte de « Hutuland ».

Dans le sud du Kivu, la tâche des militaires défaits de l'ancien régime rwandais se heurte à une résistance imprévue, celle des Tutsis établis depuis des siècles dans la région de Bukavu, les Banyamulengés, qui, eux, résistent.

La suite se déroule sous nos yeux, notamment au Zaïre, pays livré à un petit groupe de pillards resserrés autour d'un président à l'agonie, pays où plus rien ne fonctionne, où l'Etat lui-même émet de la fausse monnaie et où tous les indicateurs - mortalité, espérance de vie, nutrition, scolarisation - rejoignent, malgré son immense richesse, ceux… de la famélique Ethiopie.

QUANT au jeu des « puissances » dans cette région en feu, il n'est guère animé, écrit Colette Braeckman, que par leurs propres réflexes identitaires : la Belgique, en proie elle-même à une profonde fracture, a transporté dans cette partie du monde sa vision binaire et conflictuelle de la vie en commun ; la France, obsédée par le spectre de sa perte d'influence sur le continent, ne cesse d'y souffler sur les braises pour maintenir des positions menacées ; les Etats-Unis, soucieux de protéger le mobutisme finissant, poussent les pions d'un expansionnisme désormais sans limites.

Pourtant, est-ce pécher par optimisme, se demande Colette Braeckman, que d'espérer « le temps où les pyromanes seront mis hors jeu, et où les peuples, cessant d'être manipulés, auront le dernier mot » ?

CLAIRE BRISSET
* Membre du Haut Conseil de la population et de la famille, ancienne défenseure des enfants (2000-2006).

(1) Colette Braeckman, Terreur africaine. Burundi, Rwanda, Zaïre, les racines de la violence, Fayard, Paris, 1996, 347 pages, 130 F.
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