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Dans le cadre du rapprochement diplomatique entre le Rwanda et la France, Emmanuel Macron doit se rendre ce jeudi 27 mai à Kigali. Présentée comme "l’étape finale de la normalisation des relations entre les deux pays", cette visite doit d’abord constituer un encouragement à faire toute la vérité sur le rôle de l’État français dans le génocide des Tutsis.
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Pour les rescapés et les familles des victimes du génocide des Tutsis de 1994, la portée symbolique de la visite du président français au mémorial de Gisozi est grande après de longues années de silence. Elle doit l’être également pour les citoyennes et les citoyens français. De toute évidence, Emmanuel Macron souhaite utiliser ce déplacement pour clore définitivement ce douloureux dossier alors qu’il subsiste encore de trop nombreuses zones d’ombre sur le rôle joué par la France au Rwanda dans les années 1990, même après la publication du rapport Duclert, pour qu’il soit définitivement refermé [1].
La réconciliation entre la France et le Rwanda passe par l’établissement complet des faits. Elle doit également s’accompagner d’une reconnaissance officielle de ce qui est connu depuis longtemps : en voulant arrimer le Rwanda à la zone d’influence française, les responsables politiques de l’époque – même s’ils n’avaient pas d’intention génocidaire – ont soutenu les extrémistes hutus avant, pendant et même après le génocide des Tutsis. Ce soutien français a été actif, informé en temps réel, et a eu pour conséquence de favoriser l’exécution du génocide [2]. En cette occasion unique, Emmanuel Macron peut et doit reconnaître officiellement la complicité de l’État français.
Pour Patrice Garesio, co-président de l’association Survie : « S’il est essentiel, lors de cette visite présidentielle, que la France reconnaisse sa complicité dans le génocide des Tutsis, il est tout aussi essentiel de mettre fin au néocolonialisme de la France en Afrique, qui depuis 1994 a changé sur la forme mais pas sur le fond ».
Emmanuel Macron entend se donner le rôle de grand réformateur des relations franco-africaines. Mais dans le fond, comme l’a tristement démontré son dernier déplacement au Tchad, rien n’a véritablement changé. Les mécanismes institutionnels qui ont permis à quelques personnes de décider et faire exécuter une politique désastreuse perdurent. Il est essentiel de repenser le fonctionnement d’une Cinquième République encore plus présidentialiste aujourd’hui qu’en 1994.
[Notes :]
[1] En effet, toute la vérité n’a pas été établie dans l’affaire de l’attentat contre l’avion du président Habyarimana. Ni sur la présence de militaires français aux côtés des Forces armées rwandaises, d’avril à juin 1994, à une période où officiellement aucun militaire français n’est présent. Pas plus que sur les liens entre Paris et les Forces armées rwandaises pendant le génocide et pendant l’opération Turquoise. Et encore moins sur l’aide apportée aux génocidaires dans leur tentative de reconquête du Rwanda après leur déroute et leur fuite au Zaïre, ce qui a contribué à faire basculer toute la région dans la violence. Par ailleurs, plusieurs plaintes pour complicité de génocide contre des responsables français de l’époque sont encore en cours d’examen par la justice. Voir https://survie.org/themes/genocide-des-tutsis-au-rwanda/nos-actions-en-justice/
[2] Raphaël Doridant, François Graner, L’Etat français et le génocide des Tutsis au Rwanda, Agone-Survie, Marseille, 2020.