Fiche du document numéro 28078

Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Num
28078
Date
Samedi 10 août 2019
Amj
Fichier
Taille
294036
Pages
5
Titre
Judi Rever : « Le FPR a sacrifié les Tutsi de l’intérieur avant le génocide et a tué les Tutsi durant le génocide »
Nom cité
Nom cité
Mot-clé
Source
Type
Transcription d'une émission de radio
Langue
FR
Citation
Transcription de l’émission « Point de vue » diffusée le 10 août 2019 sur la radio Itahuka.

Lien :
https://www.youtube.com/watch?v=3J9Lyj712t8


*


JUDI REVER REND HOMMAGE A PIERRE PEAN SUR LA RADIO ITAHUKA, LE 10 AOUT 2019.


NB. – Les principaux bégaiements ont été supprimés.

[Jingle]

[Début de la transcription à 00’ 10’’]
Voix de Pierre Péan : J’ai écrit depuis 1969 – ça fait déjà donc un certain temps –, j’ai travaillé sur le KGB, j’ai travaillé sur les services secrets, j’ai travaillé sur des sources très, très délicates. Mais ce que j’ai vu en enquêtant sur le Rwanda dépasse tout ce que j’avais pu voir avant. Et le titre Blancs…, la partie peut-être la plus importante dans mon livre, c’est Blancs menteurs. Parce que toute cette histoire est – et Charles en a déjà parlé pas mal – c’est que… Je pense que, ce qui est de la tragédie rwandaise est peut-être déjà enseigné dans les écoles de guerre. Mais comment elle a été menée c’est quelque chose d’assez extraordinaire. Alors je vais aller très, très vite mais je suis obligé d’en parler parce qu’aujourd’hui la vérité – que ce soit au Rwanda ou dans les Grands Lacs, et donc surtout au Congo – ne peut pas arriver, ne peut pas émerger si on ne…, avec le tout le système de propagande qui a été imposé. Pour aller très vite, avant même le premier coup de feu de la rébellion tutsi, ils avaient compris qu’on avait…, qu’on était en train de changer d’ère et que la propagande était essentielle. Mais pas la propagande classique, la propagande faite auprès des ONG qui étaient…, qui devenaient des acteurs importants à un moment où les…, la puissance des Etats diminuait. Et donc ceux qui ont lancé la rébellion, avant même de donner le premier coup de feu, ont fait une opération que je trouve géniale – elle est diabolique mais elle est géniale en même temps –, c’est que…, arriver à se faire passer, donc avant le premier coup de feu, comme des victimes. Et d’imposer jusqu’à maintenant le fait que c’est eux qui ont agressé et c’est eux qui sont victimes ! Et donc…, et le mot « génocide » a été prononcé par ceux qui faisaient la propagande avant même le premier coup de feu. Si bien que quand la guerre a été enclenchée – donc grâce au soutien de l’Ouganda –, eh bien, il y a eu pourtant des massacres énormes dans le Nord du Rwanda, mais de façon aussi très habile jamais un journaliste n’a pu y aller. Les journalistes n’avaient le droit que d’aller dans le secteur Habyarimana si bien qu’au fil du déroulement de la guerre, le déroulement de cette tragédie, toute la…, les médias, les ONG, toutes les associations ont développé une histoire qui n’a strictement rien à voir avec la vérité. Mais grâce à l’imposition du mot « génocide » et du génocide que, donc, d’un côté, le génocide des Tutsi, eh bien ce mot-là empêche toute possibilité d’accéder à la vérité.

[03’ 36’’]

Présentateur : Bonjour chers auditeurs de la radio Itahuka. Je suis accompagné d’Axel Kalinijabo dans l’émission « Point de vue ». Et nous avons aussi l’honneur d’accueillir dans nos studios une personne très spéciale qui a fait un travail de titan à travers son livre intitulé In Praise of Blood. The crimes of the Rwandan Patriotic Front, où elle a publié ses travaux de recherche de plus de 20 ans sur ce qui s’est réellement passé au Rwanda durant la guerre de 1994. Ceci lui a valu de…, d’être traitée de tous les noms mais en journaliste respectable et honnête elle a tenu tête haute et a affirmé sans détour ce qu’elle a découvert. Vous l’aurez donc compris, nous avons aujourd’hui dans nos studios Judi Rever. Judi Rever, bonjour.

[04’ 21’’]

Judi Rever : Bonjour.

[04’ 24’’]

Présentateur : Merci d’avoir répondu à notre invitation. Je voudrais vous passer le micro pour saluer nos auditeurs qui nous écoutent de tous les coins du monde mais surtout en Afrique.

[04’ 36’’]

Judi Rever : Bonjour, comment allez-vous ?

[04’ 38’’]

Présentateur : Je vais bien, merci beaucoup. Judi Rever, si vous le permettez, je voudrais commencer par vous demander de nous parler un tout petit peu de votre confrère, le regretté Pierre Péan, qui nous a quittés il y a de cela trois semaines. C’était un écrivain rebelle et un journal d’enquête chevronné et vous l’avez certainement connu durant plusieurs années. Est-ce que vous pouvez un peu nous parler du souvenir que vous gardez de lui ?

[05’ 10’’]

Judi Rever : Oui, Pierre Péan était un très grand journaliste qui m’a beaucoup inspiré. Il était un modèle pour moi et d’autres personnes parce qu’il osait creuser les sujets profondément, que la plupart d’entre nous évite. Il creusait des sujets qui dérangent. Et il le faisait avec intégrité et honnêteté. C’était une personne, à mon avis, qui ne supportait pas de fausses prétentions. Il aimait dévoiler la face cachée de la société. Et en faisant ça, il nous éduquait et il nous montrait comment notre société fonctionnait réellement. Pour moi, il s’est toujours intéressé aux faits. Il était un maître pour avoir exposé la propagande occidentale, et rwandaise, du FPR. Il a été le premier journaliste avec le Québécois Yvan Patry et le Belge Peter Verlinden d’exposer la criminalité profonde du FPR. Et il en a subi des menaces judiciaires qui n’ont pas abouties, il faut dire. Mais tout cela, ce processus, était pénible pour lui. Il a souffert à cause de la pensée unique chez les médias français et les ONG françaises et occidentales. C’est très triste. Mais au point de vue personnel, je voulais juste dire ça : Pierre – avec qui j’ai échangé plus récemment l’an dernier et avant –, il était tout. C’était vraiment une personne gentille. Je comprenais pourquoi il faisait des scoops parce qu’il pouvait vraiment parler avec des gens de tous les niveaux [sociaux] et de toute nationalité. C’était une personne avec un esprit ouvert. Il soutenait mon travail et je me sentais une solidarité avec lui. Alors je…, c’était vraiment un coup… Enfin…, eh bien, il n’est plus là avec nous et c’est très triste. Mais je pense à lui et je reviens à son œuvre qui m’inspire.

[07’ 44’’]

Présentateur : Eh oui, vous le dites déjà, dans une enquête, il a publié un livre intitulé Noires fureurs, blancs menteurs. Ce livre lui a valu de nombreuses critiques et il a été qualifié de négationniste par les autorités de Kigali. Et d’ailleurs, après sa mort, le secrétaire d’Etat au ministère des Affaires étrangères du Rwanda a parlé de lui comme un négationniste de moins qui s’en va. Et vous savez, 25 après le génocide de 1994, il y a eu beaucoup de chercheurs qui ont fait des recherches très poussées en mettant en lumière des massacres qui se sont déroulés au Rwanda. Personne ne nie le génocide qui a été perpétré contre les Tutsi mais il y a aussi une autre partie de la population rwandaise qui a été massacrée par le FPR, comme Pierre Péan le dit – et vous l’avez dit vous-même dans votre livre. Mais à votre avis, pourquoi le monde…, pourquoi le monde s’entête à continuer à rester dans le narratif du FPR ? Est-ce que vous pouvez nous dire qui tire les ficelles depuis toutes ces années ?

[08’ 59’’]

Judi Rever : Bon, c’est…, pour plusieurs raisons, en fait. Moi, je trouve que le FPR a bien réussi dans les années fin 90 et…, fin 80 pardon, début 90 et après, de tisser les liens très forts avec les ONG et les organisations des droits de l’Homme et les gouvernements occidentaux. Alors ils ont réussi – en faisant des liens comme ça –, ils ont réussi à leur convaincre que leur mouvement était légitime. Eh bien, il faut dire aussi que la plateforme a été légitime et démocratique sur papier. Mais derrière tout ça, on trouve…, on a trouvé des mensonges et la criminalité. En 90, par exemple, le FPR a envahi le Rwanda avec l’appui, avec l’armée et les armes de l’Ouganda. Ce qui était une flagrante violation du droit international. Mais le monde, l’ONU, les ONG n’ont pas contesté ces actes. Ensuite, l’APR, l’armée de Kagame a poursuivi une campagne de terre brûlée contre le Rwanda – pendant trois ans, plus, avant le génocide – sans que la communauté internationale et les défenseurs des droits de l’Homme disent un mot, vraiment. Le FPR a maîtrisé la propagande. Et ils ont fait aussi avant le génocide et durant les faux-feux. Les Etats-Unis, l’Occident et les ONG aussi ont soutenu le narratif du…, le récit du FPR, ont laissé le FPR [commettre] des crimes sans que ces crimes ont été… enquêtés. En fait, il y avait cette pensée unique qui ont…, qui a diabolisé le régime de Habyarimana et presque diabolisé une ethnie, l’ethnie hutu, et ont refusé surtout d’enquêter sur le déclenchement du génocide. C’était, bon, évidemment l’attentat et l’assassinat du Président Habyarimana pour des raisons politiques et géopolitiques. Et vous allez me demander pourquoi ? Mais on voulait…, l’Occident voulait un changement de régime au Rwanda en 94. Et en Afrique centrale éventuellement. Alors Kagame – on a vu depuis – a ouvert le corridor en Afrique centrale pour des intérêts financiers pour qu’ils puissent avoir accès aux ressources stratégiques. Alors…, ce sont quelques raisons. Mais…, par rapport à la réaction des Rwandais, pourquoi on continue d’entendre ce narratif depuis, parce que le FPR continue à terroriser le peuple rwandais. Avant et durant le génocide et après, ils ont terrorisé les Tutsi et les Hutu qui sont réduits au silence. Les gens, depuis qui osaient et qui voulaient monter un challenge pour le régime, qui voulaient exposer la criminalité, ont été ciblés et assassinés. Alors, on…, cela explique pourquoi les Rwandais maintenant n’osent plus, plus ou moins, plus dire quoi que ce soit.

[12’ 51’’]

Présentateur : En parlant de ça, justement, je vais vous poser une question qui va peut-être être un peu gênante pour vous, mais… Il s’agit d’une fille courageuse, Mademoiselle Diane Rwigara, qui affirmait dans sa lettre ouverte adressée au Président Kagame que son régime continue de tuer un nombre important de rescapés du génocide des Tutsi alors que ce régime, comme vous venez de le dire, s’est fait savoir à la face du monde comme les sauveurs des Tutsi. Elle a annexé à sa lettre une liste de plus de 50 rescapés du génocide qui ont été massacrés, sous le regard complaisant des forces de l’ordre. Même son de cloche pour un autre groupe de rescapés du génocide vivant à l’étranger, qui ont adressé au Président Kagame une lettre similaire dans laquelle ils fustigent les discours incendiaires de certains cadres du régime qui veulent monter les rescapés les uns contre les autres. En tant que journaliste-chercheur, vous avez probablement une lecture à nous faire vis-à-vis de cette situation. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus Madame Judi Rever ?

[14’ 02’’]

Judi Rever : Bon, d’abord je…, je voulais dire que Diane Rwigara est une femme courageuse. Evidemment elle est au Rwanda, c’est très dangereux pour elles de faire ce qu’elle a fait mais elle l’a fait. Et c’est assez extraordinaire de le voir…, de voir cela. Elle a, comme vous dites, elle a nommé une cinquantaine de Tutsi de l’intérieur, de rescapés qui ont été ciblés, qui sont morts et puis… Ça, c’est vraiment une liste partielle…, ce n’est pas une liste complète. Et je vois aussi, j’ai entendu qu’il y a des efforts maintenant des Tutsi en exil, et peut-être à l’intérieur, de travailler ensemble, de convaincre le régime d’arrêter cette campagne de terreur contre les Tutsi, contre les rescapés. Et je trouve que ces gestes sont une…, sont très positifs pour le peuple. Il faut saluer, il faut vraiment dire cela, ça donne de l’inspiration. Mais par rapport à ce que le FPR fait, malheureusement les disparitions, les membres et les meurtres de Tutsi de l’intérieur font partie d’une longue et sale stratégie du FPR depuis le début. Le FPR a sacrifié les Tutsi de l’intérieur avant le génocide et ont tué les Tutsi durant le génocide. Et je dis dans mon livre que le FPR, les commandos ont infiltré les milices hutu et ont [inaudible], d’une manière sauvage, massacré les villageois tutsi dans les opérations de déception militaire. Et ils continuaient à tuer, menacer et réduire les…, la communauté au silence. Et pourquoi ils ont fait ça ? Parce qu’ils ont utilisé les Tutsi de l’intérieur comme victimes pour établir un système où les élites s’enrichissent. Ils les ont utilisés pour s’emparer du pouvoir. Ils voulaient aussi…, il faut dire que les Tutsi qui ont grandi dans la diaspora reviennent et ont accès à la terre aussi. Mais ils continuent à le faire, à menacer la…, cette communauté parce qu’ils veulent toujours les contrôler. Alors ils veulent que les Tutsi – et les Hutu d’ailleurs ! – ne disent pas, n’exposent pas la vérité sur le passé. Et ces gens-là, l’entourage proche de Kagame, il faut dire qu’ils ont peur maintenant et ils veulent rester au pouvoir. Alors, ce sont…, ça fait partie d’une longue stratégie malheureusement.

[17’ 27’’]

Présentateur : Pour terminer, je voudrais vous poser une question sur votre livre In Praise of Blood. The crimes of the Rwandan Patriotic Front. D’après les dernières nouvelles que nous avons eues, vous avez eu des difficultés à trouver une maison d’édition pour la version française. Je crois, d’ailleurs, que vous avez déposé une plainte contre l’une des maisons d’édition. Où en est ce dossier, Judi Rever ?

[17’ 52’’]

Judi Rever : Oui, j’avais initié une démarche judiciaire contre les éditions Fayard. Je m’attendais que…, enfin, j’avais signé un contrat avec les éditions Fayard et puis je m’attendais que le livre soit publié, en français, par Fayard pour…, en 2019, pour la commémoration du génocide, cette année. Mais cette maison d’édition a renoncé à publier mon livre en français. Alors il y a une rupture de contrat sans juste cause. Alors j’ai initié la démarche judiciaire contre eux et on essayait – c’était mise en demeure, un peu –, on essayait de négocier une entente. Mais je peux pas dire trop là-dessus. Mais dans la vie, je vois qu’il y a des gens qui ne sont pas de bonne foi [sourire]. C’est tout ce que je vais dire. Alors maintenant, j’ai un choix à faire : soit je lance des poursuites carrément, je lance un procès contre eux. Et je vais où ? Je vais aux médias avec des éléments très pertinents qui clarifient cette affaire. Pourquoi ils ont renoncé à publier un livre, et après avoir conclu un contrat avec moi ? Alors, bon, je vais décider ce que je vais faire. Pour…, et malheureusement, j’ai…, pour l’instant, je n’ai pas d’éditeur en France, au Québec, pour publier la version française. Alors ça va attendre un peu. J’ai un éditeur en tête éventuellement pour la version en kinyarwanda. Mais tout ça, ça prend du temps et c’est pour plus tard aussi.

[19’ 48’’]

Présentateur : Merci beaucoup, Judi Rever, d’avoir donné un peu de votre temps la radio Itahuka. Nous espérons vous revoir très bientôt. Et s’il vous plaît, faites-nous savoir quand votre livre dans la version française sera disponible. Nous nous ferons une joie de l’annoncer à nos auditeurs

[20’ 04’’]

Judi Rever : Bien sûr. Merci beaucoup.

[20’ 06’’]

Présentateur : Merci. Chers auditeurs, nous étions en compagnie de Judi Rever, une journaliste d’enquête canadienne qui a fait un travail de recherche remarquable sur les évènements du Rwanda de 1994. Et je vous invite à acheter son livre intitulé In Praise of Blood. The crimes of the Rwandan Patriotic Front, dont la version française sera probablement sur le marché dans les jours à venir. Quand on le saura, on vous le dira. Quant à moi, je vous donne rendez-vous très bientôt pour une nouvelle mission de « Point de vue ». Que dieu vous bénisse.

[Fin de la transcription à 20’ 37’’]

[Jingle]
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