Sous titre
La Haute Cour de Kigali pour les crimes internationaux et transfrontaliers a poursuivi jeudi le procès de 21 accusés de terrorisme, pour des attaques qui ont fait 9 morts en 2018 et 2019. Parmi eux figure Paul Rusesabagina – présenté comme un héros dans le film hollywoodien “Hotel Rwanda” – qui dirigeait la coalition d’opposition MRCD, comprenant deux mouvements armés.
Citation
Témoin contesté
Le parquet a poursuivi l’exposé de son accusation, selon laquelle le désir de Paul Rusesabagina d’avoir une aile armée remonte à une dizaine d’années. Mercredi a témoigné en ce sens une universitaire américaine, Michelle Martin, professeur à l’Université de Californie, qui a travaillé pour la Hotel Rwanda Rusesabagina Foundation à partir de 2009. Elle a produit pour la Cour des E-mails montrant comment le parti PDR de Rusesabagina et sa fondation, sous couvert d’activités caritatives, ont recueilli des fonds dont ils ont envoyé une partie aux FDLR. Les FDLR sont un groupe armé issu des génocidaires rwandais, qui sévit au Congo.
Le témoin avait déclaré avoir travaillé pour le gouvernement rwandais en 2012. La fille de l’accusé a publié sur Twitter un document indiquant que Mme Martin avait été payée 5000 dollars/mois entre 2012 et 2013 pour des consultances et des recherches sur la diaspora rwandaise. Elle est donc “un agent de Kigali”, accuse la fille de l’accusé, Carine Kanimba.
Arrêté au Burundi
Jeudi, l’accusation a produit un autre témoin, Noël Habiyaremye. Il avait été arrêté en 2009 avec un compagnon, alors qu’ils étaient en mission au Burundi pour Paul Rusesabagina, afin de demander au patron des services de renseignements burundais, le général Adolphe Nshimirimana, une aide militaire et en renseignements. Noël Habiyaremye devait aussi acheter à Bujumbura des téléphones satellitaires (utilisables en brousse même lorsqu’il n’y a pas de réseau) avec 2700 dollars envoyés par Rusesabagina au travers d’Apollinaire Minani, à Bruxelles.
Etre en position de force
C’est cet Apollinaire Minani qui avait pris contact avec le témoin en l’appelant par téléphone au Congo, fin 2008; il lui avait donné le numéro de Paul Rusesabagina, qui cherchait à constituer une aile armée pour son mouvement politique, afin d’être en position de force pour négocier avec Kigali.
Le témoin et Paul Rusesabagina s’étaient parlé au téléphone et ils s’étaient trouvés d’accord sur le besoin de mener des attaques contre le Rwanda et par où pénétrer en territoire rwandais.
Noël Habyaremye avait accepté de recruter des soldats pour Rusesabagina et pris des contacts avec des officiers FDLR. Il avait reçu quelque 5000 dollars de son commanditaire pour se faire soigner en Zambie (où il rencontrera Minani) et effectuer des achats en faveur du recrutement de combattants au sein des FDLR, des soldats aguerris.
Interrogé par les juges, les parties civiles, des avocats de la défense et même des détenus, Noël Habiyaremye s’est vu notamment demander comment il savait que l’argent venait de Rusesabagina. “Parce que c’est lui qui me donnait les indications pour récupérer l’argent”, a-t-il répondu.
Mais le général burundais avait fait arrêter les deux envoyés de l’accusé peu après les avoir reçus, puis les avait livrés au Rwanda, où le témoin a été condamné et a purgé trois ans et demi de prison; il vit maintenant dans sa région natale.