Fiche du document numéro 27828

Num
27828
Date
Lundi 1er mars 2021
Amj
Auteur
Fichier
Taille
28681
Pages
2
Urlorg
Sur titre
Billet
Titre
France-Rwanda : ce «R» qui poursuit Hubert Védrine
Sous titre
Invité de l’émission «Une semaine d’actualité», samedi sur RFI, l’ancien secrétaire général de François Mitterrand est sorti de ses gonds lorsque le journaliste a insisté sur le rôle de la France durant le génocide des Tutsis, en 1994.
Nom cité
Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
« Arrêtez, ce n’est pas un interrogatoire !» s’énerve Hubert Védrine. Samedi, sur Radio France International (RFI), la tension est soudain montée d’un cran. L’ancien secrétaire général de François Mitterrand était venu présenter son Dictionnaire amoureux de la géopolitique. Avec 250 entrées et autant de sujets offerts à la discussion. Et un thème qui revient toujours dans les questions des journalistes, au risque d’agacer l’ex-diplomate. Ce sujet sulfureux, il l’évoque pourtant lui-même à la lettre « R » de son dictionnaire. « R », comme « Rwanda ».

Derrière cet « R »-là, il y a une petite musique entêtante qui ne cesse de hanter et interpeller les responsables français de l’époque. Sur le rôle de la France dans ce petit pays africain entre 1990 et 1994. Alors qu’elle soutient un régime qui se radicalise et va conduire au génocide de la minorité tutsi. Près d’un million de morts en trois mois. A cette époque, Védrine se trouve dans le cercle intime de Mitterrand, à l’Elysée. Depuis plus de vingt-cinq ans, on l’a souvent interrogé sur ce dossier « R ». Parfois avec timidité, parfois avec un peu plus de curiosité.

Climat de violences

Comme ce fut le cas sur RFI ce samedi. Le journaliste évoque un document accablant retrouvé récemment par un chercheur. Daté du 15 juillet 1994, il confirme que le Quai d’Orsay a donné l’ordre de ne pas arrêter les responsables du génocide alors en fuite, présents dans une zone sous contrôle militaire français. « Rien de nouveau dans cette accusation », balaye d’abord l’intéressé. Il a raison. D’ailleurs, on dispose depuis longtemps d’un autre document, où Védrine suggère la même chose : pas question d’arrêter les tueurs. On les a effectivement laissés filer de l’autre côté de la frontière. Reste que sur RFI, le journaliste insiste, exprime son trouble. Jusqu’à faire exploser son invité.

Dans son dictionnaire, Védrine affirme présenter « les deux thèses » : celle qui accuse la France, et celle qui rejette ces accusations. En réalité, il développe surtout la sienne : la France s’est engagée au Rwanda « pour éviter une guerre civile », à la suite de l’attaque du Front patriotique rwandais (FPR), qui surgit en 1990 à la frontière avec l’Ouganda. Mais ces rebelles sont en réalité les enfants de réfugiés tutsis, chassés du Rwanda suite à des massacres antérieurs. Rien dans cette lettre « R » sur le climat de violences et de propagande haineuse contre les Tutsis entre 1990 et 1994. Pas un mot non plus sur qui sont les responsables du génocide.

« Jusqu’à ce jour »

Il y a même quelques erreurs factuelles dans cette notice. En avril 1994, quand les massacres commencent, le FPR « pénètre dans le pays », écrit Védrine. C’est faux. Le FPR est déjà présent au Rwanda et même dans la capitale, puisque à ce moment-là, un accord de paix a été conclu. Le 6 avril 1994, l’avion du président Habyarimana est abattu, donnant le signal du début des massacres. Et réduisant à néant ces accords de paix, signés à Arusha en Tanzanie. Par ailleurs, ce soir-là, le Président ne rentre pas d’Arusha, comme l’affirme Védrine, mais d’une réunion à Dar es Salam, capitale de la Tanzanie. Ce n’est pas très sérieux pour un dictionnaire.

Après la mort du Président, le gouvernement génocidaire sera formé à l’ambassade de France. Ses représentants seront reçus à Paris, réclamant armes et conseils en plein génocide. En 2014, Védrine finira par reconnaître devant une commission parlementaire que les livraisons d’armes ont continué après le début des massacres. Il sait que le 22 mai 1994, le président du gouvernement génocidaire a envoyé une lettre à François Mitterrand. Pour le remercier de l’aide apportée par la France « jusqu’à ce jour ». Le Rwanda est alors un charnier à ciel ouvert.

Ce n’est pas une « thèse », ce sont des faits. Ils pourraient poursuivre longtemps ceux qui voudraient les ignorer.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024