C’est un physicien en poste au CNRS, membre de l’association Survie, François Graner, qui a dépouillé les archives de François Mitterrand déposée aux Archives nationales et qui livre ses premières découvertes sur ce que savait le président de la République et ses proches au moment du génocide des Tutsis. François Graner livre ses premières découvertes : pas de révélations sur la politique de la France au Rwanda à l’époque du génocide mais une attestation par ces archives inédites des scénarios déjà formulés par les chercheuses et les chercheurs depuis le milieu des années 1990.
Dans ces dernières découvertes, se trouvent des documents qui attestent du soutien aux extrémistes hutus de François Mitterrand et de quelques membres les plus proches de son état-major avant, pendant et après le génocide, des preuves supplémentaires qui amènent François Graner à l’accusation de « complicité de génocide » dans le but de maintenir le Rwanda dans la zone d’influence française comme dans d’autres pays d’Afrique d’ailleurs à la même époque, à la différence que l’on a ici un « cas extrême des conséquences de cette politique ».
Un soutien français avisé et informé, et des livraisons d’armes pendant les mois qui précèdent les massacres de près d’un million de personnes entre avril et juillet 1994. Et par la suite une assistance apportée au gouvernement responsable du génocide qui a pu fuir librement grâce à une instruction écrite du quai d’Orsay demandant l’évacuation de ses membres « sans attendre la décision de l’ONU à leur sujet ». Ces livraisons d’armes étaient pourtant proscrites après les accords de paix d’Arusha en 1993, et trois mois avant le génocide, les Nations Unies avaient saisi une livraison d’armes en provenance de la France alors que la démilitarisation de la zone de Kigali, épicentre du génocide, avait été décidée.
François Graner nomme aussi les zones d’ombres qui subsistent encore notamment sur le rôle de l’état-major et de mercenaires français comme Paul Barril et Bob Denard dans l’attentat du 6 avril 1994 contre le président rwandais Juvénal Habyarimana, un attentat prétexte au coup de force hutu et au génocide des Tutsis.
Cet accès aux archives du président Mitterrand, avant, pendant et après le génocide du Rwanda, ne s’est pas fait sans mal. François Graner l’avait finalement obtenu grâce à une décision du Conseil d’Etat en juin 2020, après cinq ans de procédure.
Un combat pour les chercheuses et les chercheurs
Une recherche sur les responsabilités au Rwanda qui se fait à deux vitesses pour établir des faits attendus puisqu’une commission dirigée par Vincent Duclert sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi est toujours à l’œuvre depuis 2019 à la demande d’Emmanuel Macron. Cette commission bénéficie de l’accès aux archives alors que les conditions de consultation des archives contemporaines ont été durcie encore récemment, ce que déplore plusieurs associations et collectifs qui dénoncent l’entrave induite pour la recherche sur des épisodes très sensibles à commencer par l’Occupation et les guerres coloniales. La recherche en histoire bénéficie toujours de la diversité des analystes qui se penchent dessus en fonction de leur spécialité mais ce principe d’accès aux sources reste fragile et constitue, en ce moment, un combat pour les chercheuses et les chercheurs privés de leur matériau essentiel à l’élaboration d’un travail d’histoire.