Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Citation
14 Décembre 2020
INTERNATIONAL
EN ATTENDANT LE
RAPPORT DE LA
COMMISSION DUCLERT, LE
PROCÈS FAIT À LA FRANCE
Serge Dupuis
Alors que la « Commission Duclert » devrait remettre au printemps
prochain au président de la République son rapport, Serge Dupuis
rappelle les différents narratifs – et leurs caractéristiques –, ainsi que
leurs auteurs, mettant en cause le rôle de la France au Rwanda avant et
pendant le génocide de 1994.
Le 5 avril 2019, le président Macron chargeait l’historien Vincent Duclert,
précédemment placé à la tête d’une mission d’étude sur la recherche et
l’enseignement des génocides et crimes de masse, de présider une
Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et
au génocide des Tutsis. Les objectifs de la lettre de mission invitaient en
particulier la commission à analyser le rôle et l’engagement de la France au
Rwanda au cours de la période pré-génocidaire et du génocide proprement
dit.
PERMANENCE DE RÉCITS DÉNONCIATEURS
Les politiques menées par l’État français au Rwanda dans les années
précédant le génocide des Tutsis, de 1990 à 1993, et durant celui-ci, d’avril
à juillet 1994, ont donné lieu à des démarches accusatoires et un récit
dénonciateur qui se caractérisent à la fois par leur virulence, leur
ancienneté, leur permanence dans le temps ainsi que par la diversité des
acteurs qui sont intervenus. Ces démarches et ce récit prirent corps très tôt,
dès avant le génocide ou à l’époque de celui-ci, et ont perduré jusqu’à
aujourd’hui. Dès le début de l’année 1993, celui qui était alors le président
de l’association Survie, Jean Carbonare, invité à prendre part au journal
télévisé du soir d’Antenne 2 en tant que membre d’une commission
internationale d’enquête sur les violations des droits de l’homme au Rwanda,
donna un retentissement particulier au rapport livré par celle-ci en
soulignant ce qui était selon lui la responsabilité du gouvernement français
dans le développement d’une situation génocidaire dans ce pays. L’année
suivante, celle du génocide, le bulletin mensuel d’information de
l’association Survie, Billets d’Afrique, dans ses numéros des mois de juin et
juillet[1], mettait en cause le rôle de Paris au regard des tueries.
L’association elle-même publiait Rwanda, la France choisit le camp du
génocide[2], tandis que celui qui serait son président de 1995 à 2005,
François-Xavier Verschave, intitulait son pamphlet : Complicité de
génocide ? La politique de la France au Rwanda[3 ]. Pour sa part, le
journaliste Pascal Krop faisait paraître aux éditions Lattès Le génocide
franco-africain : faut-il juger les Mitterrand ?[4]
Au cours des deux décennies suivantes et jusqu’à aujourd’hui même, vingtsix ans après les événements, le procès fait aux responsables politiques et
militaires qui furent en charge des politiques menées au Rwanda dans la
première partie des années 1990 allait rester instruit avec pugnacité,
comme l’illustre l’ouvrage publié il y a peu par deux proches de Survie,
Raphaël Doridant et François Graner. Ces derniers assurent y exposer tous
les éléments qui, selon leurs propres termes, établiraient la complicité
française dans le génocide des Tutsis[5 ].
LA GALAXIE DES INTERVENANTS
Au fil des ans, s’étoffe une galaxie composite d’intervenants accusant
publiquement l’État français. Certains acteurs initiaux sont demeurés tandis
qu’à différentes périodes interviennent de nouveaux entrants de statuts
variés.
Survie
Il y eut donc, à l’origine de la démarche accusatoire, l’association Survie, qui
maintint ensuite, dans sa détermination à obtenir que l’État français rende
compte, y compris devant la justice, de ses actes passés au Rwanda, une
persistance[6 ] et une puissance médiatique remarquables. Outre des
actions judiciaires, Survie multiplia mobilisations et actions de rue,
interpellations de parlementaires, conférences et débats, publia tel ouvrage
inventoriant la complicité française présumée sous forme de quinze
questions[7], mais aussi, outre Billets d’Afrique, s’est depuis 2007 associée à
la publication annuelle, à la date anniversaire du génocide des Tutsis et
sous couvert d’un « collectif de citoyens », d’une revue, La Nuit rwandaise,
dont chaque numéro se propose de faire le point sur le progrès des
connaissances relatives à « l’implication française dans le dernier génocide
du XX e siècle »[8]. Davantage encore, l’association fut en 2004 la cheville
ouvrière d’une Commission d’enquête citoyenne (CEC) « sur l’implication de
la France au Rwanda », collectif créé en compagnie de trois autres
associations françaises et animé par un comité de pilotage placé sous la
présidence d’un professeur de droit, Géraud de la Pradelle. La commission
tint, du 22 au 26 mars 2004, des audiences publiques au cours desquelles
furent entendus des témoins rwandais et non-rwandais, des rescapés, des
journalistes, des experts, des acteurs liés au dossier. Il en résulta un
volumineux rapport, L’Horreur qui nous prend au visage, censé rendre
compte de « l’ampleur des complicités françaises au côté des concepteurs
et organisateurs du génocide »[9 ].
Les activistes ou publicistes
Dans le sillage de Survie, au sein de l’association ou à côté d’elle, se sont
inscrits un certain nombre d’activistes qui apportèrent leur contribution au
réquisitoire. Après Pascal Krop, le militant d’extrême gauche et membre de
Survie, Jean-Paul Gouteux, entreprit, entre 1997 et 2002, de décrire
l’implication française dans trois ouvrages : Un génocide sans importance,
Un génocide secret d’Etat : la France et le Rwanda, 1990-1997, et surtout La
Nuit rwandaise[10], que Survie présenta comme une « somme sur
l’implication française dans l’extermination des Tutsi du Rwanda »[11]. En
1997 également, l’éditeur Mehdi Ba, aujourd’hui journaliste à
l’hebdomadaire Jeune Afrique, convaincu d’avoir affaire à un « génocide
parrainé par l’État français »[12], publia Rwanda, un génocide français,
qualification que vint renforcer l’année suivante le livre du directeur de la
maison d’édition L’Esprit frappeur, co-fondateur de La Nuit Rwandaise et
ancien du Réseau Voltaire, Michel Sitbon, Un génocide sur la
conscience[13 ]. Quelques années plus tard, Michel Sitbon accusera
François Mitterrand d’avoir commandité l’attentat du 6 avril 2014 contre
l’avion du président Habyarimana[14].
Plus récemment, l’écrivain Serge Farnel, en 2012 (Rwanda, 13 mai 1994 : un
massacre français ?), et l’éditeur-journaliste Bruno Boudiguet, en 2014
(Vendredi 13 à Bisesero), tentèrent d’ouvrir une nouvelle piste impliquant
des militaires français dans l’extermination des Tutsis dès le mois de mai
1994[15 ], tandis que le publiciste François Graner, évoqué plus haut,
s’intéressait quant à lui à la complicité française présumée du point de vue
exclusif des responsables militaires en charge du dossier tant à Paris que
sur le terrain (Le sabre et la machette : officiers français et génocide
tutsi[16 ]). Enfin, il faut particulièrement retenir, pour cette période, l’effort de
documentation et d’analyse accompli par l’ingénieur Jacques Morel qui,
avec La France au cœur du génocide des Tutsi, a composé depuis 2010 et
continue de composer encore aujourd’hui une impressionnante somme,
disponible sur internet et visant à l’exhaustivité en matière de documents
d’archives et de sources[17].
Les journalistes
Les journalistes ont été présents au cœur même de cette démarche
accusatrice. La principale figure de par à la fois sa présence médiatique et
l’âpreté de son argumentaire aura été et est encore Patrick de Saint-
Exupéry, longtemps l’une des plumes du Figaro et co-fondateur de la revue
XXI. La série d’articles qu’il publia dans le premier en janvier 1998 sur
l’attitude de Paris face au génocide[18] fut l’un des facteurs à l’origine de la
mise en place, quelques mois plus tard, d’une mission d’information
parlementaire (MIP) visant à faire la lumière sur l’engagement français au
Rwanda. En 2004, parut L’Inavouable, qui sera réédité en 2009 sous le titre
Complices de l’inavouable et dans lequel Saint-Exupéry dénonçait le
« pacte »[19 ] qu’auraient noué à l’époque avec les autorités génocidaires
rwandaises certains responsables politiques et militaires réunis autour de
François Mitterrand. Le livre mettait en lumière l’épisode de Bisesero,
ouvrant une controverse durable sur ce moment particulier du génocide. En
2017, c’est de livraison d’armes aux forces du génocide en déroute que le
journaliste accusera les responsables français, dans le cadre d’un article de
la revue XXI[20].
Quatre autres journalistes ainsi qu’un site d’information ont été eux aussi des
acteurs notables du procès instruit à l’encontre de l’État français. Ces
journalistes, ce sont Maria Malagardis, dans les pages du quotidien
Libération, la collaboratrice de France Culture, Laure de Vulpian, enfin JeanFrançois Dupaquier et David Servenay. Le premier dénonce depuis des
années, aussi bien dans des entretiens radiophoniques ou télévisés que
dans les quotidiens nationaux ou sur le site Afrikarabia, ce qu’il décrit
comme le « consentement » que les responsables français, singulièrement
les militaires, auraient donné à la solution finale mise en œuvre par les
extrémistes hutus[21]. Le second, David Servenay, a co-publié deux
ouvrages, dont l’un, Une guerre noire[22], identifie la doctrine militaire
française de la « guerre révolutionnaire » comme l’une des origines du
génocide des Tutsis[23 ] et écrit des articles remarqués aussi bien dans le
journal Le Monde que sur le site d’information Mediapart[24]. Ce dernier a
été partie prenante de la démarche accusatoire initiée par Survie quasiment
dès sa création[25 ] et a depuis régulièrement poursuivi sur cette voie non
seulement par l’entremise des articles de David Servenay, mais aussi de
ceux d’autres journalistes[26 ]. Le jour même du vingtième anniversaire du
génocide des Tutsis, Edwy Plenel, directeur du site, mena une charge
violente contre le « déshonneur de la France » et ce qu’il décrivit comme
l’adhésion des responsables politiques et militaires de l’époque à
« l’idéologie raciste dite hamitique »[27].
Militaires et universitaires
Deux militaires intervinrent dans le procès fait aux autorités françaises. L’un,
Thierry Prungnaud, ancien du GIGN, accusa l’armée française d’avoir formé
les tueurs de la garde présidentielle, entraîné des miliciens au tir et
abandonné les rescapés tutsis de Bisesero durant le génocide. Il en
témoigna dans un livre co-écrit avec Laure de Vulpian. L’autre, Guillaume
Ancel, ancien officier et également acteur de Turquoise, accusa l’État
français d’avoir eu l’intention de rétablir au pouvoir le gouvernement qui était
en train d’accomplir un génocide[28]. Son livre fut préfacé par Stéphane
Audouin-Rouzeau, figure la plus connue d’une dernière catégorie
d’intervenants dans ce dossier, les universitaires. Audoin-Rouzeau a
récemment écrit un récit[29 ] dans lequel il dépeint l’attitude des autorités
françaises face au génocide comme marquée par la compromission et la
passivité. Douze ans auparavant, Géraud de la Pradelle avait publié
Imprescriptible, annonçant la fin de l’impunité pour ceux qui auraient rendu
la République française complice du génocide des Tutsis[3 0]. Enfin, une
autre juriste, Rafaëlle Maison, qui, il y a dix ans, commenta les archives de
l’Élysée sur le Rwanda[3 1], participant il y a peu à un colloque sur l’opération
Turquoise en relation avec l’épisode de Bisesero[3 2], y expliqua comment,
selon elle, la complicité française relevait d’une complicité intentionnelle[3 3 ].
UN RÉCIT BLOQUÉ
Ce récit de dénonciation dont nous avons constaté la persistance dans le
temps ainsi que la diversité de ses énonciateurs présente une
caractéristique frappante : c’est un récit bloqué. Il est vrai que sa base
documentaire est marquée par la rareté. C’est pourquoi les grandes lignes
de sa trame narrative et les éléments qui la documentent sont présents dès
l’origine et n’ont guère varié jusqu’à aujourd’hui. Certes, quelques épisodes
ou documents inédits viennent au fil des ans enrichir le récit, certains
intervenants peuvent se distinguer par la radicalité de leur critique tandis
que d’autres se montrent davantage enclins à la modération, mais ces
grandes lignes demeurent immuables, inlassablement étayées par les
mêmes éléments, ainsi que l’illustre la lecture de l’ouvrage de François
Graner et Raphaël Doridant publié il y a quelques mois évoqué plus
haut[3 4].
Ces grandes lignes, les voici. Dans les années précédant le génocide, l’État
français aurait, au nom de ses intérêts géostratégiques, soutenu
militairement, diplomatiquement et financièrement au Rwanda un régime
dont il savait qu’il était en train de planifier l’extermination de sa population
tutsie. C’est en toute connaissance de cause que Paris aurait fermé les yeux
sur les massacres pré-génocidaires qu’organisèrent les autorités
rwandaises entre 1990 et 1993 et aurait donné l’ordre à ses militaires
présents au Rwanda d’encadrer, de former et d’armer les futurs tueurs du
génocide, qu’il se soit agi des hommes des Forces armées rwandaises
(FAR) ou des miliciens Interahamwe. Au moment du déclenchement du
génocide, la France, par l’intermédiaire de son ambassadeur sur place,
aurait donné sa caution aux autorités qui allaient diriger ce génocide en
participant à la formation du GIR (gouvernement intérimaire rwandais) et en
accueillant au sein de l’ambassade l’essentiel de la nomenklatura extrémiste
hutue, en refusant de secourir non seulement les personnalités de
l’opposition hutue pourchassées mais tout civil tutsi lui demandant
protection. Durant les premières semaines du génocide, les autorités
françaises ne se seraient pas contentées de feindre d’ignorer la nature des
tueries qui se déroulaient au Rwanda. Elles auraient activement soutenu le
régime génocidaire, déployant des efforts diplomatiques en sa faveur,
recevant à Paris ses représentants, recherchant avec eux les moyens de les
assister dans leur action, leur fournissant du matériel militaire. Au moment
de l’opération Turquoise, qui aurait été lancée, non pour des motifs
humanitaires qui eussent consisté à mettre fin aux massacres mais afin de
faire barrage au Front patriotique rwandais (FPR) et de sauver le GIR, la
hiérarchie militaire aurait trompé les troupes en présentant le FPR comme
l’auteur du génocide et le camp gouvernemental hutu comme la victime de
celui-ci. Dans le secteur de Bisesero, haut-lieu de la résistance tutsie, l’ordre
aurait été donné, selon les uns, de laisser aux forces du génocide le temps
nécessaire pour achever l’anéantissement des derniers survivants, selon les
autres, de participer à cet anéantissement, ce qui aurait été fait. La
séquence des événements ayant rendu impossible de remettre le GIR en
selle, les responsables auraient, sur ordre de l’Élysée, mis tout en œuvre
pour porter assistance aux autorités génocidaires en déroute. Dans la zone
humanitaire sûre (ZHS), censément créée afin de protéger les populations
civiles des massacres et des combats entre les FAR et le FPR, les barrages
anti-tutsis n’auraient pas été démantelés, les miliciens et les militaires
génocidaires n’auraient pas été désarmés et auraient ainsi pu quitter le pays
avec armes et bagages, les autorités rwandaises auraient été accueillies
puis exfiltrées vers le Zaïre. Paris aurait ainsi posé les bases d’une future
tentative de reconquête, allant jusqu’à fournir des armes aux forces exilées.
L’ACCÈS AUX ARCHIVES
Il ne s’agit pas de considérer ce récit comme une pure forgerie. Il comporte
pour partie des faits dont la véracité n’est pas contestable. Ainsi ne peut-il
être remis en question, entre autres exemples, que l’État français soutint
militairement les autorités rwandaises jusqu’à « la limite de l’engagement
direct », pour reprendre les termes des rédacteurs de la MIP [3 5 ], que
l’ambassade de France ne chercha en aucune façon à protéger son
personnel tutsi, qu’à Bisesero il s’écoula trois jours avant que les rescapés
tutsis découverts le 27 juin par un petit détachement de la force Turquoise
ne fussent secourus, qu’en zone humanitaire sûre (ZHS) le désarmement
des miliciens et le démantèlement de leurs barrières ne furent pas
systématiques. Il reste que bien d’autres éléments avancés par des auteurs
de ce récit sont présentés comme incontestables alors qu’ils ne sont pas
fondés sur une documentation probante. De fait, ces versions des
engagements de la France au Rwanda produisent une histoire
intentionnaliste intégralement à charge : l’objectif est de révéler comment
une fraction de décideurs politiques et militaires, placés au sommet de
l’État, aurait noué une entente avec des politiciens rwandais extrémistes qui
menaçaient l’existence de la population tutsie rwandaise. En outre, une
finalité judiciaire est au cœur du récit : les divers responsables qu’il dénonce
doivent être traduits devant les tribunaux. Pour qui souhaiterait comprendre
comment, dans quels enchevêtrements de processus, a été déterminée la
politique de la France au Rwanda durant les années 1990-1994, cette
histoire partiale, unilatérale et finalement simplificatrice ne peut être
satisfaisante.
On comprend bien que l’accès aux archives ait fait l’objet de campagnes
réitérées depuis des années. Il reste qu’existe une tendance à considérer
les archives essentiellement comme un gisement de preuves irréfutables
permettant d’innocenter ou de déclarer coupable tel ou tel acteur ou de
révéler l’existence indubitable d’influences secrètes. Ainsi, en 2017, un des
participants au récit bloqué a-t-il publié un article où il affirmait que l’Élysée
aurait donné l’ordre, durant l’opération Turquoise, de réarmer les
génocidaires. Sur quoi se basait-il ? En avril 2015, l’Élysée avait annoncé la
déclassification des archives de la présidence et chargé deux
fonctionnaires de leur lecture. L’un de ces derniers aurait fait confidence, en
privé, qu’il avait découvert cette directive de réarmement confirmée par une
note manuscrite du secrétaire général de l’Élysée, à l’époque Hubert
Védrine. Il n’en fallait pas plus pour authentifier la thèse de l’implication des
autorités françaises dans le génocide. L’anecdote suggère comment les
tenants du récit dénonciateur peuvent envisager l’apport de l’accès aux
archives à leur thèse : tout document mis à jour paraissant s’inscrire dans la
logique de celle-ci sera brandi isolément en tant que preuve irréfutable.
C’est une dérive contre laquelle met en garde un passage de la note
intermédiaire produite par la Commission Duclert : « Le principe de la
révélation soudaine est un leurre[3 6 ]. »
Cette note intermédiaire, précisant que l’accès intégral aux archives a été
octroyé à la Commission et détaillant les modalités de ses consultations,
rappelle que les progrès de connaissance ne se focalisent pas sur telle ou
telle pièce sortie de son contexte mais se fondent sur le traitement de séries
entières d’archives. Pour la première fois, il est possible d’observer les
processus de décisions sans procéder à une sélection guidée par ce que
l’on sait de la suite de l’histoire : dans quel contexte sont-elles prises « à un
moment où l’on ignore la suite des événements »[3 7] ? C’est pourquoi le
contenu du rapport n’est aucunement prévisible. Souhaitons que sa
publication renouvelle de façon transparente les perspectives sur l’action au
Rwanda entre 1990 et 1994 de l’ensemble des pouvoirs politiques,
administratifs, diplomatiques et militaires français. Souhaitons enfin que le
rapport appelle à l’ouverture des archives pour d’autres chercheurs que les
membres de la Commission.
Afrique
Rwanda
Génocide
Politique étrangère
Mémoire
[1] Billets d’Afrique , n° 10, juin 1994, n° 11 juillet 1994.
[2] Survie, Rwanda, la France choisit le camp du génocide , Paris, L’Harmattan, 1994.
[3 ] François-Xavier Verschave, Complicité de génocide ? La politique de la France au
Rwanda , Paris, La Découverte, 1994.
[4] Pascal Krop, Le génocide franco-africain. Faut-il juger les Mitterrand ?, Paris, JeanClaude Lattès, 1994.
[5 ] Raphaël Doridant et François Graner, L’État français et le génocide des Tutsis au
Rwanda , Marseille, Agone, 2020.
[6 ] À titre d’exemple, le numéro 287 du mois de juillet 2019 de Billets d’Afrique, intitulé
« Trois jours de trop à Bisesero. Mémoires rwandaises, impunité française », témoigne de
cette persistance.
[7] Survie, La complicité de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda , Paris,
L’Harmattan, 2009.
[8] La Nuit rwandaise , n° 1, avril 2007, quatrième de couverture, Paris, Izuba
éditions/L’Esprit frappeur.
[9 ] Commission d’enquête citoyenne, L’horreur qui nous prend au visage : l’État français
et le génocide du Rwanda , Paris, Karthala, 2005.
[10] Jean-Paul Gouteux, Un génocide sans importance , Lyon, éditions Tahin Party, 1997 ;
Un génocide secret d’État : la France et le Rwanda, 1990-1997, Paris, Éditions sociales,
1998 ; La Nuit rwandaise : l’implication française dans le dernier génocide du siècle,
éditions Izuba/L’Esprit frappeur, 2002.
[11] La Nuit rwandaise, op. cit.
[12] Mehdi Ba, Rwanda, un génocide français, Paris, L’Esprit frappeur, 1997, p. 33.
[13 ] Michel Sitbon, Un génocide sur la conscience , Paris, L’Esprit frappeur, 1998.
[14] Rwanda, 6 avril 1994. Un attentat français ?, Paris, L’Esprit Frappeur, 2012.
[15 ] Serge Farnel, Rwanda, 13 mai 1994 : un massacre français ?, Paris, L’Esprit frappeur,
2012 ; Bruno Boudiguet, Vendredi 13 à Bisesero , la question de la participation française
dans le génocide des Tutsi rwandais, 15 avril-22 juin 1994 , Paris, Aviso, 2014.
[16 ] François Graner, Le sabre et la machette : officiers français et génocide tutsi , Mons,
éditions Tribord, 2014.
[17] Jacques Morel, La France au cœur du génocide des Tutsi, Paris, L’Esprit Frappeur,
2010.
[18] « France-Rwanda : un génocide sans importance », 12 janvier 1998 ; « Une
commande de huit millions de dollars », 12 janvier 1998 ; « France-Rwanda : le syndrome
de Fachoda », 13 janvier 1998 ; « France-Rwanda : des silences d’État, 14 janvier 1998 ;
« France-Rwanda : le temps de l’hypocrisie », 15 janvier 1998.
[19 ] Patrick de Saint-Exupéry, L’Inavouable , Paris, éditions des Arènes, 2004, p. 253.
[20] « Réarmez-les », XXI, n° 39, été 2017.
[21] Voir, par exemple : « Sur le Rwanda, la classe politique française nous désinforme
depuis vingt ans. C’est intolérable », Afrikarabia , 5 mai 2014.
[22] Gabriel Périès, David Servenay, Une guerre noire : enquête sur les origines du
génocide rwandais (1959-1994), Paris, La Découverte, 2007. Voir également :
Benoît Collombat, David Servenay, Au nom de la France : guerres secrètes au Rwanda ,
Paris, La Découverte, 2014.
[23 ] Ce thème est également évoqué par Patrick de Saint-Exupéry dans L’Inavouable (pp.
264-271).
[24] Notamment : « Rwanda: l’ère du mensonge », Mediapart, 24 mars 2019 ; « Opération
Turquoise »: les derniers secrets de la France aux deux visages au Rwanda », Mediapart,
18 mars 2019 ; « Génocide au Rwanda : chronique confidentielle d’un drame annoncé »,
Le Monde , 16 mars 2018 ; « Les secrets de la France au Rwanda : les ambiguïtés de
l’opération Turquoise », Le Monde , 15 mars 2018.
[25 ] Sylvain Bourmeau, Thomas Cantaloube, « Complices de l’inavouable , l’enquête de
Saint-Exupéry », 11 avril 2009.
[26 ] Voir, par exemple : Joseph Confavreux, « Rwanda: l’histoire face aux mensonges de
l’État français », 9 février 2014 ; Thomas Cantaloube, « Rwanda: la France est visée par
une plainte pour complicité de génocide », 3 novembre 2015 ; Fabrice Arfi, « Rwanda: les
preuves d’un mensonge français », 1 er décembre 2015.
[27] « Rwanda : le déshonneur de la France », 7 avril 2014.
[28] Laure de Vulpian, Thierry Prungnaud, Silence Turquoise , Villeneuve d’Ascq, Don
Quichotte éd., 2012 ; Guillaume Ancel, Rwanda, la fin du silence : témoignage d’un officier
français, Paris, Les Belles Lettres, 2018.
[29 ] Une initiation : Rwanda 1994-2016 , Paris, Seuil, janvier 2017.
[3 0] Imprescriptible : l’implication française dans le génocide tutsi portée devant les
tribunaux, Paris, Éditions des Arènes, 2005.
[3 1] Rafaëlle Maison, « Que disent les archives de l’Elysée ? », Esprit, mai 2010.
[3 2] Colloque : "Bisesero - L’opération Turquoise face au génocide des Tutsis du
Rwanda", 22 mai 2019, Survie.
[3 3 ] Le thème de la complicité française au Rwanda fit également des incursions dans le
domaine du cinéma et de la bande dessinée. Raphaël Glucksmann réalisa ainsi en 2004
« Tuez-les tous », Alain Tasma en 2007 « Opération Turquoise » et Jean-Christophe Klotz
en 2019 "Retour à Kigali, une affaire française ». Cécile Grenier publia deux BD, dont,
Rwanda 1994, le camp de la vie , Paris, Vent des Savanes, 2008.
[3 4] Cf. supra , p. 1.
[3 5 ] Assemblée nationale, Enquête sur la tragédie rwandaise (1990-1994), Tome I,
Rapport, 1998, p. 160.
[3 6 ] Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au
génocide des Tutsis (1990-1994), Note intermédiaire remise au président de la
République , 5 avril 2020, p. 17.
[3 7] Ibid., p. 16.