Mis en cause dans le trafic des armes obtenues par Amedy Coulibaly, Claude Hermant, indicateur de la gendarmerie, a jugé devant la cour d’assises spéciale que les attentats auraient pu être évités. Les policiers et les gendarmes entendus eux aussi ont nié toute défaillance.
Il n’était pas prévu au programme, et en plus il arrive en retard. Jeudi matin, la moutarde est montée au nez du président de la cour d’assises spéciale Régis de Jorna qui examine l’affaire des attentats de janvier 2015. Le premier témoin du jour, Claude Hermant, l’homme qui a mis en circulation les armes utilisées par Amedy Coulibaly, a fait savoir au greffe qu’il était coincé dans les embouteillages. Il vient de Lille. «
La cour va devoir attendre », annonce-t-il, avant de suspendre l’audience. Il est 10 h 42 quand le témoin se présente dans la salle.
«
Il est onze heures moins le quart. Ça ne vous gêne pas de vous présenter devant la cour d’assises avec une heure quinze de retard ? C’est à la cour d’assises de vous attendre ? »
Crâne rasé, et lunettes remontées sur la tête, le colosse en tee-shirt qui lui fait face répond avec aplomb.
«
Je suis parti à 5 h 30 de Lille. J’avais pris mes dispositions mais… Je vous présente mes excuses », dit-il.
Une enquêtrice de la sous-direction anti-terroriste (Sdat) entendue la veille avait averti le président au sujet de ces témoins convoqués à la demande de la défense. «
Alors, il faut savoir qu’on est en présence d’individus au profil de droit commun, a-t-elle dit.
C’est des gros morceaux, si la cour me permet, en matière de droit commun. » Elle avait ajouté au sujet de Hermant, «
Vous verrez le personnage quand il viendra... C’est un personnage... »
En 2017, Claude Hermant a en effet pris 7 ans pour trafic d’armes – portés à 8 ans en appel – à Lille, aux côtés de Christophe Dubroeucq, condamné à 4 ans. D’autres mis en cause doivent venir, mais plus tard. Antoine Denevi, un trafiquant devenu le rival de Hermant, a pris 3 ans à Lille. L’acheteur des armes, Samir Ladjali, 5 ans – réduits à 4 ans en appel – n’a pas été localisé. Et enfin, un autre trafiquant présumé, le Belge Patrick Halluent sur lequel l’enquête se poursuit en Belgique, a fait savoir à la cour qu’il ne viendrait pas à cause du Covid.
Alors que de nombreux mystères restent à éclaircir sur le cheminement des armes jusqu’à Coulibaly, ni la cour ni le parquet n’avaient mis les armes du « volet lillois » dans le calendrier des débats. L’origine des armes du tueur de l’Hyper Cacher et de Montrouge n’a pas été une priorité de l’instruction antiterroriste jusqu’à la découverte de l’ADN d’une nièce de Samir Ladjali sur l’un des pistolets automatiques de Coulibaly. Jusqu’alors, un lien avait été fait entre Hermant et Ladjali. Mais la plupart des acteurs du trafic n’avaient été entendus qu’en 2017, plus de deux ans après les faits. Un délai justifié, selon l’enquêtrice de la Sdat, par le surcroît de travail occasionné par la vague d’attentats qui avait suivi les attaques meurtrières de janvier 2015. En 2018, l’identification de l’ADN de la nièce de Ladjali a provoqué des aveux en cascade, et révélé des remises d’armes à des Parisiens proches de Coulibaly.
Le président de Jorna rappelle que le « traçage » des armes qui correspondent aux assassinats de quatre personnes à l’Hyper Cacher et la policière de Montrouge a permis dès 2015 de remonter jusqu’à Hermant. «
Ces armes, les fusils d’assaut et les pistolets Tokarev, sont passées entre vos mains », expose-t-il d’entrée.
«
Vous êtes un trafiquant d’armes mais là n’est pas le problème, enchaîne-t-il. Ça vous fait quoi d’être devant cette cour d’assises sachant que ces armes ont fini entre les mains de terroristes qui ont tué des personnes ? Quel est votre sentiment ? »
«
Il n’y a pas une nuit sans que j’y pense, répond Hermant.
C’est un énorme loupé. »
«
En quoi ? »
«
Il y avait la possibilité d’arrêter ces attentats. Les services étaient dessus. Je ne comprends pas comment ces attentats ont pu arriver. »
C’est le sujet du jour, évoqué moult fois par Hermant lors de l’instruction. Il était l’informateur des gendarmes, et les avait tenus au courant de ces ventes d’armes susceptibles de faire tomber un nouveau réseau. À la demande de la défense, on attend à la barre quelques représentants des services de l’État : les gendarmes qui ont immatriculé Hermant, les policiers qui l’ont surveillé. Étaient-ils au courant ? Que savaient-ils ? N’y a-t-il pas quelque chose qui leur a échappé ? C’est une histoire que la cour n’a pas très envie d’entendre.
Le président de Jorna élude la référence aux « services », et préfère engager une digression sur le danger des armes à feu.
«
Pourquoi on vend des armes ? », rebondit-il.
«
Je ne vends pas que des armes, je vends des duvets, des gamelles… »
«
À quoi ça sert les armes, insiste le président. Quel est le but final ? »
«
Ça dépend de qui les possède… »
«
Un fusil d’assaut, un Tokarev, est-ce que vous êtes conscient, qu’avec ces armes-là, on peut tuer ? »
«
Malheureusement, en terme de terrorisme on peut se servir de tout. »
Le président de Jorna prévient qu’il ne veut pas refaire le procès du trafic d’armes, mais il revient sur toutes les contradictions du dossier lillois. La version du vendeur contre celle de l’acheteur. La neutralisation et remilitarisation des armes slovaques que Hermant s’est procurées. Il se trompe sur la quantité d’armes. Insiste sur les prix de vente et la marge réalisée. Il questionne Hermant sur ses stages de survivalisme, sur son activisme à l’extrême droite, et la maison flamande qu’il a animée…
«
Ce qui nous intéresse, ce sont les huit armes qui sont retrouvées à l’Hyper Cacher et l’appartement de Gentilly », dit-il quand même.
«
Nous étions sous surveillance de cinq services de police ou de gendarmerie pendant quatorze mois…, riposte Hermant.
Soit je suis très bon, soit ils sont très, très cons. Ils ont fait des croisements de téléphone, le bornage, la géolocalisation, les filatures. Quatorze mois de surveillance pour rien ! »
Hermant faisait en effet l’objet d’une enquête de police ouverte en décembre 2013, et alimentée au printemps par les dépositions contre lui de Christophe Dubroeucq et Antoine Denevi, qui importaient déjà des armes slovaques. Mais rien n’avait été encore retenu contre lui. Peu après les attentats, Hermant avait revu Ladjali pour lui demander s’il avait «
quelque chose à voir avec ça ». « Il m’a répondu “non, mais vu les événements, je me mets au vert”. Pour quelqu’un qui n’a rien à voir ça pose question… »
« Les procédures séparées ont eu pour objectif de cacher la vérité »
«
Pourquoi faites-vous la relation ? », questionne le président.
«
Quand j’ai vu la vidéo posthume d’Amedy Coulibaly, il y a deux choses qui me frappent. D’abord son gilet pare-éclats, allemand. Ce sont des gilets que j’avais dans mon container qui m’ont été volés dans un cambriolage par Antoine Denevi [un autre trafiquant lillois – ndlr].
Et je repère l’arme qui est à côté de Coulibaly. C’est un modèle très spécifique de Kalachnikov. Ça ne fait pas plus de 45 cm. M. Ladjali en avait pris quelques-uns. Voilà pourquoi je lui ai posé la question. »
«
Quand vous voyez cette vidéo, vous ne vous dites pas il faut que je collabore ? »
«
Je n’ai pas eu temps, j’ai été arrêté dans la foulée », répond le témoin.
«
Vous faites tout ça pour favoriser l’interpellation de criminels ? », résume le président.
«
Oui. »
S’il avait été un trafiquant pur et dur, aurait-il été «
assez bête pour laisser des numéros de série sur des armes », «
payées par facture », avance-t-il.
«
Entre parenthèses, ça vous rapporte de l’argent… Vous faites ça en tant que bénévole ? Vous ne dites pas que c’est philanthropique… Vous dites que vous faites de l’infiltration pour arrêter les criminels, mais quand ils ne sont pas arrêtés, ça fait des Coulibaly quand même. Et ça fait des massacres. Avec les armes des frères Kouachi, cela fait 17 morts en deux jours… Ça ne vous a pas effleuré l’esprit ? »
Sans se démonter, l’indic rétorque avec une froideur un peu militaire que les terroristes n’appliquent pas de règles et qu’il faut donc des «
sources humaines » contre eux. Quant à ses revenus d’informateur, ils se sont élevés en tout et pour tout à 2000 euros de prime versés par la gendarmerie pour un dossier finalisé. Pour savoir où il allait, il avait «
la SR [Section de recherche de la gendarmerie – ndlr]
qui lui donnait des ordres », qui faisait sa «
petite enquête » sur les cibles et lui disait «
si c’était bon ou pas ». Dans le lot, il y avait des braqueurs. Et la gendarmerie disait « OK ». Les livraisons étaient effectuées dans des lieux prévus avec les gendarmes, souvent 24 heures à l’avance, pour leur permettre de mettre en place la surveillance.
«
Vous savez que ça peut tourner mal », insiste encore le président.
«
M. le président, tous les soirs, je me couche avec ça en tête. Pourquoi c’est arrivé alors que tout ça était sous surveillance ? Pourquoi et comment ? Quel service de police pourrait assumer une merde comme ça ? Il fallait un fusible… Vous l’avez devant vous. »
L’un des prévenus, Ali Riza Polat, soudain explose, s’adressant à Hermant : «
T’es un fou, toi, tu viens faire ton cinéma ici. » On le fait taire.
«
C’est un monde borderline, poursuit Hermant.
Il faut en accepter le jeu. Si vous vous faites prendre, vous devez assumer. Bien sûr qu’il devait y avoir des condamnations. »
Une avocate intervient. Elle représente la famille de Michel Saada tué de trois balles dans le dos, et de Yoav Hattab, assassiné à bout portant par un tir de Tokarev, dans l’Hyper Cacher.
«
Pensez-vous que ce soient vraiment des loupés », dit-elle.
«
Non, le mot n’est pas approprié, c’est une horreur, c’est innommable », rectifie le témoin.
À la suite du président, les avocats de la défense se succèdent pour lire des pièces, des extraits de courriels, ou d’échanges avec les gendarmes. L’avocate de Polat, M
e Isabelle Coutant-Peyre s’interroge sur l’absence de Hermant dans la procédure de l’attentat. Le témoin l’approuve.
«
Le fait que ça a été disjoint, ça a créé des zones d’ombre, dit-il.
Les procédures séparées ont eu pour objectif de cacher la vérité. La justice a décidé comme ça. Moi j’ai réclamé des pièces à cor et à cri. »
Alors que s’achève l’audition, M
e Safya Akorri, l’avocate d’un des prévenus, s’adresse soudain au témoin.
«
M. Hermant, vous vous souvenez comment a commencé votre interrogatoire ? »
«
Heu, j’étais en retard et puis… le président m’a posé des questions… »
L’avocate relève que le témoin «
n’a pas pu déposer librement ». En vertu de l’article 331 du code de procédure pénale, le président aurait dû lui donner la parole et le laisser déposer, au lieu de quoi il a gardé la parole, et l’a interrogé. Les avocats y voient un sérieux incident. Le président tente de rattraper sa bévue :
«
C’est tout ce que vous avez à dire, spontanément ? »
Il approuve. «
Je ne connaissais pas les règles », s’excuse-t-il.
Après une longue pause, la cour branche son dispositif de vidéoconférence. Un gendarme en uniforme apparaît à l’écran, la mine sévère. «
M. Bricard est derrière le panneau, je suis là pour certifier que c’est bien lui », dit-il. On distingue une ombre derrière un panneau translucide. «
Je vous entend, M. le président », lance l’adjudant-chef Bricard, l’ancien officier traitant de Claude Hermant à la SR. Son bras s’élève. Il prête serment. Régis de Jorna lui annonce que Claude Hermant vient d’être interrogé par la cour.
«
Est-ce que ce nom vous dit quelque chose ? », questionne le président.
«
Oui, je le connais, il a été mon informateur. Le dernier contact avec lui date de novembre 2014 », répond le gendarme.
«
Est-ce que vous avez d’autres choses à nous dire ? »
«
Non, rien de particulier. J’attends vos questions. La gestion des sources est classée “confidentiel défense”, je ne sais pas ce que je peux vous dire. »
« Vous m’opposez le secret défense dans une affaire où il y a eu des morts »
Ça tombe bien, la cour n’a «
pas de questions ». Le parquet n’en a pas non plus. Les services de l’État, sans cesse sollicités par la cour pour raconter leur enquête et les charges qui pèsent sur les prévenus, ne sont pas là pour les questions qui fâchent. On les leur épargne. Mercredi déjà, l’enquêtrice de la Sdat a remercié la PJ lilloise pour son travail, et balayé les questions sur la gendarmerie. Elle a même semblé douter des charges pesant sur le douanier poursuivi dans l’affaire.
Face à cet esprit de corps, c’est à la défense, et à elle seule, de faire parler le témoin Bricard. Évidemment, c’est compliqué. Hermant l’aurait-il informé qu’il était sur une grosse demande d’armes lourdes ? «
Pas du tout. » N’a-t-il pas eu de nombreux échanges de courriels avec Hermant ? «
Il y a eu des échanges de mails » avec lui, «
mais très, très généralistes », et qui «
n’ont pas permis d’aboutir à l’ouverture d’une enquête ». Il y a bien «
un mail disant que sur Lille-Sud on recherchait des armes », mais «
je défie n’importe quel magistrat d’ouvrir une enquête avec ça », annonce l’adjudant.
«
Vous m’opposez le secret défense dans une affaire où il y a eu des morts », s’indigne M
e Coutant-Peyre.
L’adjudant Bricard conteste avoir mis en place les dispositifs de surveillance des livraisons d’armes évoqués par Hermant. «
C’est faux, madame », dit-il.
«
Vous êtes son officier traitant, ses armes ont servi à tuer des gens... », insiste l’avocate.
«
Vous voulez que je vous dise quoi ?, répond le gendarme.
Moi je n’ai rien à dire. On n’est pas responsable. Je n’ai pas de point de vue sur Claude Hermant. »
Un autre avocat, Laurent Simeray, pointe des échanges de courriels entre les gendarmes et leur source. Ne leur a-t-il pas dit qu’il avait «
mis le nez » où il ne fallait pas ? Ne leur a-t-il pas parlé de la société slovaque ? Il ne sait pas, ne se souvient pas.
«
Est-ce que vous diriez que M. Hermant vous a échappé ? », questionne encore M
e Daphné Pugliesi.
«
Quand on a un informateur, on ne vit pas avec “H24”. »
«
Est-ce qu’il a dérapé ? »
«
Je ne peux pas dire s’il a dérapé ou pas dérapé », conclut l’adjudant-chef.
Un second agent traitant, le gendarme Joël Ameloot, prend place derrière le panneau translucide et prête serment. Il reconnaît que Hermant a «
apporté des informations utiles ». «
Il nous a apporté des informations qui nous ont permis de démanteler un réseau de trafiquants d’armes de collection entre 2013 et 2014 », relate-t-il. Il reconnaît aussi que Hermant leur avait «
parlé de temps en temps » de l’importateur slovaque AFG. Il n’avait pas compris non plus le message, lorsque Hermant leur a écrit qu’il était en train de prendre des risques. «
Vous ne lui avez pas demandé ? C’est malheureux, parce que vous avez vu les dégâts après », lui objecte M
e Coutant-Peyre.
«
Une source, on n’est pas derrière elle 24 heures sur 24, déclare le gendarme, en parfait écho de son collègue. S’il fait des infractions, il en prend la responsabilité. »
C’est au tour du commissaire divisionnaire Philippe Patisson de se présenter devant la cour, en costume bleu tiré à quatre épingles, cravate à pois, et pochette rouge. Ex-coordinateur français du centre de coordination policière et douanière (CCPD) de Tournai, aujourd’hui en poste en Afrique, il a fait la connaissance de Hermant à la fin des années 2000, lorsqu’il dirigeait les renseignements généraux lillois. Il avait «
des échanges très ouverts avec lui », en particulier sur l’extrême droite radicale, mais Hermant n’a jamais été pour autant «
un indicateur au sens strict ».
«
À l’époque, je suis amené à rencontrer Hermant qui est responsable de la maison flamande, et Christophe Dubroeucq qui est son factotum, rapporte le policier. Ma présence ici est due aux échanges que j’ai eus avec eux sur le trafic d’armes. […]
Dubroeucq m’explique que des armes reviennent de Tchéquie, sont remilitarisées, et qu’elles sont stockées sous la friterie [le commerce de Claude Hermant – ndlr],
et que chaque semaine des acheteurs viennent chercher des armes. »
Patisson est en poste à Tournai, mais il informe aussitôt le patron de la PJ de Lille des confidences de Dubroeucq. «
Mon collègue m’apprend qu’il y a déjà une enquête, poursuit-il. Je fais remonter l’information. Dubroeucq ne m’a pas donné l’information pour me faire plaisir mais pour neutraliser Hermant, et prendre sa place dans le trafic d’armes. C’est sa volonté de récupérer à son profit le trafic d’armes. »
La suite des investigations, il n’avait «
pas à en connaître », fait-il remarquer. Les gendarmes n’ont-ils pas été défaillants par rapport à leur source ?
«
Je suis policier, je n’ai pas à m’exprimer sur le sujet de l’organisation de l’enquête chez les gendarmes », tranche le commissaire.
L’enquête de police n’a pas abouti à grand-chose. C’est pourtant elle qui aurait pu in fine empêcher l’approvisionnement en armes de Coulibaly. Un ancien de la PJ de Lille, Olivier Merai, le reconnaîtra à son tour à l’audience : c’est un échec. «
Très peu de choses sortent des interceptions. » «
On n’a pas de preuves matérielles, on est sec, on n’a rien du tout », résumera le policier, qui explique aussi que l’interception douanière du 19 janvier 2015 qui permet la saisie d’armes commandées par Internet par la société de Hermant relève «
du hasard ».
«
C’était très difficile de travailler avec M. Dubroeucq, ça partait dans tous les sens », résume-t-il. D’autant plus difficile, probablement, qu’il était lui-même impliqué dans le trafic… tout en étant la source enregistrée des policiers.
Comme la cour l’a signalé, Christophe Dubroeucq est arrivé au tribunal dans la même voiture que Claude Hermant dans les embouteillages de la matinée.
Le crâne rasé lui aussi, il s’approche lourdement de la barre, la cage thoracique boudinée dans un tee-shirt rouge déteint. On l’appelle « Monstro », mais il a l’allure d’un « Monsieur Propre » qui aurait pris un coup de vieux, et du ventre. Invité à parler, il dit qu’il préfère répondre aux questions, et lorsque les questions arrivent, il ne fait que répondre par oui ou par non. Ou encore «
Ça fait longtemps ». Il conteste les surnoms qu’on lui prête – « Tof » et « Gégé ». Il prétend qu’il n’a pas reconnu Samir Ladjali, l’acheteur identifié des armes du réseau, qu’il ignorait son nom, que les policiers ont répondu à sa place. Il conteste bien sûr avoir lui-même remis des armes à des Parisiens venus à Lille. Il ne connaît plus personne.
«
Finalement vous savez quoi ? », lui demande le président.
Il se tait.
À la fin de l'audience, M
e Antoine Comte intervient pour réclamer au nom de plusieurs parties civiles l’audition de l’ancien ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve pour évoquer, cette fois, sans aucun esprit polémique, les prémices de l’attentat et les conditions de la levée de la protection de Charlie Hebdo.
Prolonger