Fiche du document numéro 26694

Num
26694
Date
Mardi 16 juin 2020
Amj
Auteur
Fichier
Taille
113998
Pages
3
Urlorg
Titre
Rwanda : ce que change l’ouverture aux chercheurs des archives Mitterrand
Sous titre
Explication Le chercheur François Graner a obtenu gain de cause devant le Conseil d’État. Celui-ci a estimé que la consultation des archives de l’ancien président français par les chercheurs était d’intérêt public. L’enjeu est de comprendre le rôle de la France avant, pendant et après le génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda.
Nom cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation

En quoi cette décision est-elle un tournant ?



Composé des notes des conseillers diplomatiques et militaires de l’Élysée, des comptes rendus de conseils restreints de défense ou de réunions ministérielles, l’accès à la totalité des archives de la présidence de François Mitterrand sur le dossier rwandais n’est plus soumis à l’autorisation de sa mandataire privée, l’ancienne ministre Dominique Bertinotti, accusée par nombre de spécialistes de faire obstruction à la consultation de ce fonds.



Parmi ces derniers, le chercheur François Graner. « On m’a refusé, par exemple, de me communiquer le dossier entier des archives de Bruno Delaye, le conseiller Afrique de François Mitterrand de 1992 à 1995, car elles étaient protégées par le “secret-défense” ».

Un motif qu’il a contesté devant les tribunaux. Après cinq années de procédures, le Conseil d’État a tranché en sa faveur au motif que « la protection des secrets de l’État doit être mise en balance avec l’intérêt d’informer le public sur ces événements historiques ».

Il est reconnu au chercheur François Graner « un intérêt légitime à consulter ces archives pour nourrir ses recherches historiques et éclairer ainsi le débat sur une question d’intérêt public ».

À ce jour, les historiens de la commission Duclert avaient obtenu l’autorisation d’accéder à la totalité de ce fonds en vue de leur rapport sur le rôle de la France au Rwanda entre 1990 et 1994, commandé par l’Élysée pour le printemps 2022.

Mais ces historiens ne sont pas des spécialistes du Rwanda, et ils ont été accrédités par l’État pour ce travail. À la différence de François Graner, auteur d’un certain nombre d’ouvrages sur le sujet, dont le dernier L’État français et le génocide des Tutsis du Rwanda (Éditions Agone, 2020) est un travail implacable sur les liens entre les autorités françaises et le régime qui a commis le génocide au Rwanda : entre 800 000 et un million de morts, essentiellement des Tutsis pour la seule raison qu’ils étaient Tutsi.

« La rapporteuse a elle-même soutenu que l’accès aux archives ne doit pas être réservé aux seuls historiens choisis par le pouvoir », se réjouit François Graner, qui est aussi proche de l’association Survie. « Le fait que je sois considéré comme un chercheur critique du rôle de la France au Rwanda, loin d’être un problème, lui a paru bénéfique pour la qualité du débat. C’est un moyen d’échapper au récit hagiographique -- c’est son mot -- des historiens sélectionnés par le pouvoir. »

Faut-il attendre des révélations dans ces archives ?



Le soutien de la France au régime qui va commettre le génocide perpétré contre les Tutsis en 1994 est avéré depuis longtemps. Il est l’objet du dernier livre de François Graner. « Je n’attends pas de révélations explosives, ce qui est avéré est déjà explosif. Mais plutôt des confirmations ou des nuances sur la manière dont les décideurs ont pris le parti des génocidaires », explique-t-il.

Parmi les points qu’il espère encore plus documentés, la question de l’attentat contre l’avion du président Habyarimana, le 6 avril 1994 : « j’aimerais voir les échanges entre l’ambassade de Kigali et Paris avant et après cet attentat ». Mais aussi, dit-il « la préparation de l’opération Turquoise, la question de l’armement et le soutien des génocidaires, pendant et après que génocide. »

Quels documents François Graner va-t-il pouvoir consulter ?



François Graner avait déjà obtenu l’autorisation de consulter les fonds Hubert Védrine, Dominique Pin et une partie de ceux de Bruno Delaye. « Je m’en suis servi pour écrire mon dernier livre. Avec ces documents, déjà, on voit bien comment les grands décideurs ont pris parti, à partir de février 1993, pour les plus extrémistes. Le président Habyarimana leur apparaissait trop faible pour éviter la chute du Rwanda. Désormais, je vais pouvoir consulter tout le dossier de Bruno Delaye. »

Et le fonds Françoise Carle : à l’époque, collaboratrice de François Mitterrand à l’Élysée, elle avait sélectionné des notes et des documents sur le sujet. Un fonds publié pour l’essentiel dans le livre Rwanda : les archives secrètes de Mitterrand, en 2012. Désormais, il sera entièrement consultable par François Graner.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024