Alors que le génocide est presque terminé fin juin 1994, après trois mois de massacres intensifs, l'ancien chef adjoint du GIGN intervient spectaculairement sur la scène médiatique pour affirmer avec force (mais sans la moindre preuve) qu'il a résolu l'énigme de la responsabilité de l'attentat contre le Falcon Jet du président Habyarimana. Paul Barril prétend dévoiler qui sont les forces à l'oeuvre derrière les massacres... en se basant sur une question simple "A qui profite le crime ? Réponse : à ceux qui sont en train de gagner la guerre".
Problème : ces pseudo-révélations sont relayés par deux médias influents, le quotidien Le Monde et la télévision publique France 2, qui leur offrent un certain crédit. Et ce, malgré des démentis dès le lendemain de cette sortie médiatique. Second problème : le "clown", ainsi qu'il est surnommé, va resurgir dans les médias régulièrement dans les années suivantes. En novembre 2000 d'abord, puis à l'occasion de chaque anniversaire jusqu'en 2014 où Paul Barril continue de réciter le même credo sans apporter la moindre preuve.
Ce "révisionnisme populaire" n'est pas sans cause, ni sans conséquences. Il puise son inspiration directement auprès des génocidaires qui, très tôt, ont compris l'utilité de construire un argumentaire négationniste, parce qu'ils espèrent ainsi pouvoir échapper aux condamnations judiciaires. Le témoignage du colonel Théoneste Bagosora, en septembre 1994 dans les camps de réfugiés de Goma (Zaïre), en est un exemple flagrant.
Mais ces manipulations s'étendent aussi au terrain judiciaire français, puisque Paul Barril va réussir à introduire comme interprète auprès du juge Jean-Louis Bruguière (le magistrat chargé d'enquêter sur l'attentat du Falcon) un ancien espion rwandais, membre du premier cercle des extrémistes hutus. Ou comment un vrai complot peut s'insérer dans du complotisme de bas étage.
Un podcast de David Servenay et Thomas Dutter. Mixage : Audrey Guellil.