Le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 est le dernier massacre de masse du XXe siècle. Son déclenchement, son déroulement et ses conséquences sont associées à plusieurs rumeurs complotistes. La série de podcasts “Les Mécaniques du complotisme” revient sur cette épisode dramatique et complexe.
6 avril 1994, Kigali, capitale du Rwanda. Alors qu'il va se poser sur l'unique piste de l'aéroport, le Falcon Jet du président Juvénal Habyarimana est abattu par deux missiles sol-air. Il est 20h25 : le génocide des Tutsi peut commencer. En trois mois, il va faire un million de morts, un million de civils exécutés par les forces de l'ordre (soldats et gendarmes) mais surtout par les terribles miliciens Interahamwe. Au moins 150 000 personnes, sur un pays de 10 millions d'habitants grand comme la Bretagne, ont participé aux massacres.
Dès le lendemain matin, le 7 avril, une question émerge : qui sont les coupables de cette véritable opération militaire ? Une question et son flot de rumeurs, toutes plus invérifiables les unes que les autres. C'est là que débute le "complot" dont se seraient rendu coupables les Tutsi, mais aussi les Belges, en appuyant les rebelles du Front patriotique rwandais (FPR) qui contestent depuis plusieurs années le pouvoir hutu du président Habyarimana.
Le raisonnement est simple, il s'articule autour d'un faux néologisme. L'attentat est la cause du génocide puisqu'il a déclenché la fureur populaire des Hutu ulcérés par la mort brutale de leur chef, donc si on identifie les commanditaires de l'attentat, alors on pourra désigner les génocidaires. Ce principe de l'accusation en miroir est à la base de la mécanique du génocide, telle qu'elle fut expérimentée à plusieurs reprises, entre 1990 et 1993, au Rwanda, et dénoncée par des défenseurs des droits de l'homme comme Jean Carbonare, alors président de l'association Survie.
Ce raisonnement est réactivé, car il a déjà fait ses preuves. A plusieurs reprises, depuis le tournant de l'indépendance en 1960-61, les extrémistes hutus ont utilisé le complotisme pour justifier les violences commises à l'encontre des Tutsi. Nous allons donc expliquer comment ce principe de guerre psychologique s'appuie sur la mécanique du complotisme. Un complotisme utile pour les génocidaires, car leur crime doit être inavouable, donc intraçable.
Un podcast de David Servenay et Thomas Dutter. Mixage : Audrey Guellil.