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Voici le texte que nous a fait parvenir le docteur Annie Faure, représentante en France de trois femmes Tutsi qui accusent des militaires français de les avoir systématiquement violées en 1994, dans lequel elle revient sur certains aspects de notre article consacré à ce sujet.
Citation
Rwanda : une réaction à un article du Nouvel Observateur
Par L’Obs, le 23 juillet 2011
Voici le texte que nous a fait parvenir le docteur Annie Faure, représentante en
France de trois femmes Tutsi qui accusent des militaires français de les avoir
systématiquement violées en 1994, dans lequel elle revient sur certains aspects
de notre article consacré à ce sujet.
J’ai lu avec attention l’article consacré aux plaintes des 3 femmes Tutsi, « Françoise »,
« Diane » et « Olive ». En tant que représentante en France de ces trois Rwandaises, certains
points m’étonnent et me choquent.
Tout d’abord, le chapeau de l’article est absurde et tendancieux. Absurde : le génocide Hutu est
un non-sens. Tendancieux : la question : info ou intox ? avec son air de ne pas y toucher,
discrédite d’emblée les 3 plaintes.
Au cœur de l’article, il est affirmé à partir des « documents » (???) qu’il n’y avait finalement
rien dans les plaintes de 2004 qui évoquaient la systématisation des viols sur les femmes Tutsi.
Dans ce cas, pour quelles raisons la juge Florence Michon aurait initié en avril 2010 une
instruction pour « Crime contre l’Humanité » et pour « Participation à une association de
malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime contre l’Humanité » ?
Pour quelles raisons, la Chambre d’Instruction ce 13 septembre 2010 aurait rejeté l’appel du
Parquet en mai 2010 qui réclamait justement une nouvelle qualification du crime, c’est à dire
une qualification de « viol simple » et non en « crime contre l’humanité » les grossièretés
sexuelles des soldats. Pourquoi avoir omis d’informer les lecteurs de cet appel du Parquet et
son rejet ?
Pour quelles raisons me battrais-je depuis 7 ans si je n’étais pas convaincue par la séméiologie
des plaintes et la crédibilité de ces femmes ?
Pourquoi ce discrédit jeté sur les témoins en les qualifiant de « sujets à caution ». Ce ne sont
pas « des miliciens qui attendaient leur jugement », mais des militaires qui purgeaient leur peine
et un réfugié des camps, témoin accablé des viols et des réquisitions des femmes. Ces
témoignages sont factuels, détaillés et concordants.
Le terme « amplification fantasmatique du traumatisme » est gratuit et insultant : le point
d’interrogation n’enlève pas son caractère diffamatoire. Comment peut-t-on traiter ces femmes
de la sorte ? Pourquoi une telle dérive machiste ?
Je n’ai pas au Rwanda recueilli « des témoignages qui ont servi de base aux plaintes ». J’ai
recueilli des plaintes, tout simplement, des plaintes de femmes Tutsi brisées, en quête de justice,
des plaintes destinées à leur avocat Maître Antoine Comte.
Enfin, il est affirmé que « cette affaire dégoupille une grenade de plus dans les relations déjà
minées entre Paris et Kigali ». C’est faux. La grenade dégoupillée, c’est le silence, c’est
l’omerta sur la complicité de la France au génocide des Tutsi. Ce n’est pas la vérité – si cruelle
soit elle – pour notre armée et ses dirigeants.
Quant à l’Universitaire Gérard Prunier – avec tout le respect que je lui dois – il ne s’est intéressé
à ma connaissance depuis 2004 ni de près ni de loin à ces plaintes.
Les inepties du chapeau ont contaminé l’article : celui-ci hésite, troque d’un paragraphe l’autre
un habit de journaliste contre une robe du juge puis de l’avocat de l’armée française. On dirait
que la journaliste danse d’un pied sur l’autre. Qui au Nouvel Observateur fait valser la vérité ?
Annie Faure, médecin humanitaire au Rwanda en 1994. Auteur de Blessures
d’humanitaire.