1. Le MRND crée un groupe génocidaire dans la ville de Butare
Les partis MDR et PL ont publié un communiqué, dit spécial, le 14 mars 1992 qui dénonçait la création par le MRND, dans la ville de Butare, d’un groupe de criminels appelé “Front Commun contre les Inkotanyi” (FCCI) composé essentiellement d’étudiants de l’Université Nationale du Rwanda. Ce groupe avait comme mission de harceler les étudiants qui n’étaient pas membres du MRND, et particulièrement les Tutsi. Ce groupe a été créé par le Dr Jean-Berchmans Nshimyumuremyi qui était vice-recteur de l’Université et qui le présidait. Ces Interahamwe avaient le soutien de leurs leaders au niveau national, et certains de ceux-ci, tels Kajuga Robert, Mbonabaryi Léon, Mudahinyuka Jean-Marie-Vianney, Akingeneye Eugène et Rutaganda Georges, tenaient fréquemment des réunions à Butare avec les membres de ce groupe. Une de ces réunions s’est tenue le 12 mars 1992, après laquelle des étudiants Tutsi et d’autres qui étaient membres de partis d’opposition, furent attaqués et battus.
Ces évènements ont été précédés d’une réunion qui s’est tenue le 8 mars 1992, organisée par deux députés du MRND, originaires de Butare, Laurent Baravuga, originaire de Kigembe, et Bernadette Mukarurangwa, originaire de Ndora. Le 8 février 1992, Baravuga a organisé une réunion en Commune Kigembe, secteur Kigali, et a exhorté tous les participants à cette réunion de « prendre leurs machettes, leurs arcs et lances, et de traquer les personnes qui n’étaient pas membres du MRND, et de ne pas être impressionnés par les magasins et les véhicules ». Durant le génocide, ces députés ont eu une grande part dans l’incitation de la population à tuer les Tutsi.
Un autre communiqué du MDR du 10 mars 1992 dénonce les dirigeants du MRND qui dans Butare ont provoqué des troubles dans les localités où ils étaient influents, alors même que le MRND tenait des meetings dans de nombreuses communes semant des troubles au sein de la population. Ce communiquée stipule que ces actions ont commencé dans la commune Muganza sous la direction du président de ce parti à Butare, Amandin Rugira, qui disait que « le MDR s’est allié avec le PL. Ils accoucheront de mort-nés » ou que « Celui qui va brûler les chiendents, commence par les entasser ensemble ». Ceci pour semer la haine entre les Tutsi et les Hutu.
Ce communiqué stipulait également que “ Il est vraiment déplorable de voir certaines autorités de préfecture et de commune, dont le préfet Temahagali, continuer de pencher sur le même côté, et terroriser les membres des autres partis.” Le communiqué termine en avertissant Temahagari « qu’il doit apprendre que Butare de 1992 n’a rien en commun avec Gikongoro de 1963. » Ceci pour faire allusion à ce qu’en 1963, c’est Justin Temahagari qui a remplacé André Nkeramugaba au poste de préfet de Gikongoro, préfecture dans laquelle un génocide a été commis pendant le mois de décembre 1963.
2. Les mensonges du Gouvernement de Habyarimana sur les massacers de Tutsi
Lorsque le gouvernement de Habyarimana massacrait les Tutsi dans les préfectures de Ruhengeri et Gisenyi, personne n’était autorisé d’accéder aux lieux de ces massacres, à part les fonctionnaires des préfectures, les militaires et les agents des services de sécurité. Les journalistes eux aussi ne pouvaient pas y accéder, sauf ceux de Radio Rwanda et de Kangura. Ce qui explique pourquoi les massacres perpétrés par le Gouvernement de Habyarimana sont longtemps restés cachés.
Sur Radio Rwanda le 12 mars 1991, les autorités de la préfecture de Ruhengeri, ceux-là mêmes qui perpétraient ces massacres, ont déclaré qu’il n’y avait pas de problème d’ethnies dans cette préfecture. Le responsable des écoles primaires dans cette préfecture déclara que tous les enseignants étaient à leurs postes, qu’aucun d’entre eux ne manquait à l’appel. Et pourtant tous les enseignants Tutsi avaient été mis en prison pour complicité des Inkotanyi, pour être ensuite tués. Parce que leur mensonge venait d’être dévoilé, ceux qui étaient à la tête des massacres ont déclaré qu’il y avait effectivement eu des Tutsi qui avaient été tués, mais qu’ils l’avaient été parce que certains d’entre eux combattaient aux côtés des Inkotanyi, tandis que d’autres les avaient rejoint.
Ce mensonge a été utilisé par Habyarimana à l’adresse de la communauté internationale, comme il l’a fait dans sa lettre à la Commission des droits de l’homme de l’ONU. Mais quand bien même Habyarimana niait ces massacres, le Ministre de la Justice de l’époque affirmait quant à lui qu’il y en avait bel et bien eu et réclamait des enquêtes sur ces massacres. Il n’y a jamais eu d’enquête car le préfet de la préfecture de Ruhengeri, Nzabagereza Charles, a déclaré, au cours d’une réunion sur la sécurité, qu’aucune enquête ne devait être diligentée, car il n’y avait aucune raison de “déterrer des évènements qui n’étaient plus d’actualité et qui pourraient provoquer des troubles au sein de la population.”
3. L’Enquête d’associations rwandaises indépendantes de défense des droits de la personne signale que le Gouvernement a tuée plus de 300 Tutsi au Bugesera
Après les massacres de Tutsi au Bugesera dans la nuit du 4 au 5 mars 1992 cinq associations indépendantes de défense des droits de l’homme: ADL, LICHREDOR, ARDHO, Kanyarwanda et AVP, ont mené deux enquêtes approfondies sur ces massacres et ont découvert des choses bien tristes. Leur premier rapport, qui a été publié le 10 mars 1992, signalait la mort de plus de 300 Tutsi. Les uns avaient été jetés dans les rivières, les autres brûlés vifs dans leurs maisons.
Ce rapport notait aussi que les Tutsi déplacés atteignaient les 15.000 personnes et vivaient dans des conditions déplorables, surtout ceux qui s’étaient réfugiés à la paroisse et dans les écoles de Nyamata, Maranyundo, Ruhuha et Rilima. Le rapport dénonçait également la responsabilité des autorités qui avaient trempé dans ces massacres, notamment: le bourgmestre de Kanzenze, Fidèle Rwambuka, le sous-préfet de Kanazi, Faustin Sekagina, le premier substitut du procureur à Kanazi, Déogratias Ndimubanzi et le responsable du service de renseignements dans la sous-préfecture de Kanazi, Dominique Muhawenimana.
Le 30 mars 1993, ces associations ont de nouveau mené une enquête au Bugesera dans le but d’évaluer la sécurité, une année après les massacres de 1992. Dans leur rapport publié le 5 mars 1994, elles signalaient que de nombreux Tutsi déplacés n’avaient toujours pas réintégré leurs biens et étaient toujours menacés par les membres de la CDR. Le rapport précisait que des adolescentes avaient été violées par des militaires de Gako. Des personnes ont continué à être tuées sous prétexte d’être soupçonnées de vouloir rejoindre les rangs du FPR. Certaines victimes ont pu être identifiées, notamment Nyabyenda et Anastase qui travaillaient pour un haut fonctionnaire au MINECOFIN appelé Mbarute. Le nommé Butera a été tué par des militaires à Nyarurama (Commune Ngenda) le 06 mars 1993. De nombreuses personnes ont été battues et sont devenues invalides, comme le vieillard Mutabazi, battu le 21 février 1993 par des gendarmes et des policiers au bureau de la commune Kanzenze.
Le lieutenant-colonel Claudien Singirankabo, commandant du camp Gako, a justifié ces crimes comme étant une conséquence de la guerre qui leur était imposée par le FPR, et que même sa mère avait été tuée par le FPR à Ruhengeri.
4. Des ONG internationales de défense des droits de la personne dénoncent les massacres commis par le régime Habyarimana
Le 15 mars 1994 : les organisateurs de la Commission Internationale sur les violations des droits de l'Homme au Rwanda : Human Rights Watch, la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, le Centre International des Droits de la Personne et du Développement démocratique et l'Union interafricaine des Droits de l'Homme et des Peuples, publièrent avec Amnesty International, une déclaration dans laquelle ils déploraient la recrudescence de la violence au Rwanda, la distribution d'armes, le retard dans la mise en application des Accords d'Arusha et les tentatives du MRND d'obtenir une promesse d'amnistie pour ceux qui étaient impliqués dans des violations des droits humains perpétrées antérieurement.
5. Le Gouvernement de Habyarimana a fait assassiner des étrangers qui dénonçaient le plan du génocide contre les Tutsi
Planifier le génocide allait de pair avec le fait de faire taire tous ceux qui pourraient y faire obstacle. Beaucoup d’entre eux ont été assassinés, d’autres ont été jetés en prison, surtout les journalistes qui révélaient la vérité, par exemple Kameya André, le directeur du journal Rwanda Rushya. C’est dans ce cadre qu’Antonia Locatelli a été assassinée. Antonia Locatelli, de nationalité italienne, était directrice du Centre d’enseignement rural et artisanal intégré (CERAI) de Nyamata. Son assassinat est survenu dans la nuit du 9 au 10 mars 1992, abattue par le gendarme Ulimubenshi.
Cette volontaire italienne qui était éducatrice à Nyamata, avait accueilli des réfugiés tutsi qui fuyaient les tueurs et avait alerté plusieurs institutions, aussi bien publiques que privées, dont l’archidiocèse de Kigali dont dépendait le CERAI de Nyamata. Dans le cadre d’exposer l’ampleur des massacres commis contre les Tutsi, Antonia Locatelli avait également fourni des informations sur ces massacres à Radio France Internationale (RFI). Elle a été tuée immédiatement après la diffusion de son interview dans le journal du soir de RFI. Son bourreau n’a jamais été inquiété, signe que c’était un acte téléguidé et soutenu par le régime rwandais.
A part Antonia Locatelli, un autre étranger, le frère François Cardinal de nationalité canadienne, qui dirigeait le Centre de formation rurale de la jeunesse de Butamwa dans lequel des jeunes faisaient l’apprentissage de divers métiers, fut lui aussi assassiné. Il vivait dans ce centre avec trois autres confrères dont le canadien Paul La Traverse et les rwandais Karake Evariste et Rwibandira Pierre Servillien. Comme l’affirme la lettre du 2 décembre 1992 du Dr Iyamuremye Augustin, directeur général du service de renseignement, dans la nuit du 29 au 30 novembre 1992, le frère Cardinal, âgé de 50 ans, avait été assassiné par un groupe de près de 6 personnes qui portaient des uniformes militaires. Il a été abattu devant la chambre qu’il habitait. Ses assassins pénétrèrent ensuite dans sa chambre et y dérobèrent entre 200 et 400 mille francs rwandais. Dans cette lettre le directeur général du service de renseignement termine en affirmant que la population de la région se plaignait du mauvais fonctionnement des services de sécurité et de police judiciaire et soupçonnait que ces services étaient complices des criminels et autres malfaiteurs.
L’assassinat du frère Cardinal ne semble pas avoir surpris ceux qui le connaissaient, notamment les diplomates accrédités au Rwanda. Le 30 novembre 1992, le lendemain de son assassinat, le journal Kinyamateka s’est entretenu avec des diplomates qui s’étaient déplacés à Butamwa sur les lieux où le frère avait connu la mort la veille. Kinyamateka révèle que l’un de ces diplomates a affirmé que cet assassinat était prévisible du moment que le frère avait à plusieurs reprises été averti au téléphone qu’il sera tué, et que sa mort avait été téléguidée par le Colonel Elie Sagatwa, le beau-frère et conseiller particulier du président Habyarimana. Le génocide a eu lieu en 1994 avant que les assassins du Frère Cardinal ne soient poursuivis en justice, ce qui prouve que dans son article Kinyamateka avait vu juste en affirmant que des hautes autorités étaient responsables de son assassinat.
6. Le Gouvernement de Habyarimana a fortifié début 1994 le plan de guerre et du génocide
Le 10 mars 1994, a été révélé une liste d’armes Lourdes destinées à l’armée de Habyarimana. A cette date les services de renseignement belges ont affirmé que le nombre d’armes augmentait, aussi bien que le nombre de militaires. Dallaire qui commandait les forces de l’ONU a demandé l’autorisation de saisir les armes qui proliféraient dans la ville de Kigali, ce qui lui a été refusé par le Secrétaire général de l’ONU. Ceci a été révélé par le Ministre de la Défense belge qui, de retour de visite au Rwanda, a déclaré qu’il y avait un grand nombre d’armes dans Kigali, ce qui était contraire aux accords de paix d’Arusha.
La MINUAR a tenté de saisir des armes destinées à l’armée rwandaise et qui avaient été envoyées par les sociétés anglaise MIL-TEC et française DYL-INVEST. Cet état de fait montre que Habyarimana ne comptait pas sur l’accord de paix d’Arusha, car l’augmentation d’armes dans le pays avait comme seul objectif d’exterminer les Tutsi et ceux qui y étaient hostiles. La France a continué à soutenir le Gouvernement de Habyarimana en plaidant sa cause pour augmenter la fourniture d’armes et le nombre de militaires pour continuer les combats.
Le 11 mars 1992, le directeur en charge de l’Afrique et de Madagascar au Ministère des affaires étrangères français, Paul Dijoud, a conseillé au Ministre des affaires étrangères Roland Dumas, d’augmenter le soutien militaire de la France au Rwanda et d’y envoyer un conseiller militaire de haut rang auprès de l’Etat-major de l’armée rwandaise.
CONCLUSION
Le Gouvernement de Habyarimana a planifié le génocide commis contre les Tutsi, et a usé de toutes les astuces pour cacher ses intentions. Habyarimana a contrevenu aux accords de paix d’Arusha en distribuant des armes à la population et en semant la terreur dans tout le pays.