Citation
Rwandais, Rwandaises, chers partisans du MDR, soyez imprégnés de démocratie dans notre République.
Il m’a été demandé de dire un mot, j’accepte volontiers.
Vous avez entendu à la radio nationale, des informations qui disaient que la faute que j’ai commise est celle d’avoir signé. Serais-je condamné parce que j’ai signé. Le président de la République m’empêche de signer. Quand m’a-t-il autorisé à signer ?
Le problème, tel que certains me l’ont expliqué, résiderait dans le partage des postes ministériels entre le Gouvernement rwandais et le FPR notamment le Ministère de l’Intérieur qui pourrait être octroyé au FPR. Le MRND qui a tant de choses à se reprocher appréhende d’être dissout si ce ministère lui filait d’entre les mains. Pourquoi ne se décide-il pas à respecter la loi tant qu’il en est encore temps. On a aussi parlé des divergences d’opinions qui ont marqué la délégation du gouvernement rwandais à Arusha. Certains délégués suggéraient que le Ministère de la Défense soit géré par le FPR et que le Ministère de l’Intérieur reste sous la gestion du MRND. A Arusha, j’étais avec quelques hauts gradés de l’Armée Rwandaise. Ceux-ci ont écrit au Chef de l’Etat pour lui demander de laisser partir le Ministère de la Défense. Imaginez-vous les militaires qui ont combattu pour le pays …? Ceci est véridique, ils ont écrit, la lettre existe.
J’en ai parlé aux députés, eux qui sont les représentants du peuple rwandais. Mais la radio nationale n’a pas répercuté cette information. Je leur ai demandé pourquoi ils discutent d’une catégorie de courrier qui vient d’Arusha et taisent une autre catégorie. Je leur ai encore demandé de m’expliquer l’attitude d’un haut militaire qui entraîne ses subordonnés à signer en cachette un document suggérant d’octroyer le Ministère de la Défense au FPR et en signer officiellement un autre qui prône le contraire ! Où est la logique ?
Savez-vous qu’à un moment donné, le médiateur (le Président tanzanien) en est venu à nous dire ceci ? « Si vous arrivez au 6 avril sans Accord, rentrez chez vous, et réfléchissez. » ? Certains membres de notre délégation étaient contents, ceux-là mêmes qui signent sans que le gouvernement ne soit au courant. Je vous l’affirme, il y a, dans ce pays, des gens qui ne veulent pas la paix. Et ceux qui ne veulent pas la paix sont les mêmes que ceux qui ne veulent pas la démocratie !
Le ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération est l’un des ministères qui doivent travailler en étroite collaboration avec la Présidence de la République. J’ai dit au Chef de l’Etat que la concertation était nécessaire surtout en ce qui concerne la nomination des diplomates rwandais à l’étranger et la composition de la délégation rwandaise aux Négociations de Paix à Arusha. Je lui encore dit que le pays commençait à perdre sa crédibilité auprès de la communauté internationale parce que les délégations des chefs d’Etats qui viennent chez nous ne sont pas bien accueillies. Cela s’est produit avec la délégation envoyée par le président Babangida, nous avons même craint que celui-ci ne reprenne ses soldats qui faisaient parties du GOMN. Au lieu que nous allions nous-mêmes lui présenter nos excuses, quelqu’un a choisi d’envoyer le Général Opaleye le faire à notre place !
Je le dis et je le répète. Les temps sont durs. Il est nécessaire que, ceux qui veulent que la paix reviennent et qui veulent la démocratie, acceptent d’être des martyrs, ceci a été déjà évoqué. Ce que je voudrais, c’est que le MDR continue son projet coûte que coûte, parce que ce pays ne peut arriver ni à la paix, ni à la démocratie, sans que cela ne vienne du MDR.
Lorsque nous avons signé les Accords sur le cessez-le-feu, il y a des principes dont nous nous sommes convenus. Le premier était, faire de ce pays un Etat de droit ; le deuxième, de partager le pouvoir ; le troisième, de fusionner les armées.
Sur le principe du partage de pouvoir, je n’ai jamais eu la certitude que le Président Habyarimana l’ait vraiment accepté. Il a même été dit que l’accepter, c’était violer les accords conclus entre les différents partis politiques de l’intérieur du pays. Au mois d’août, nous avons signé le Protocole d’Entente sur l’Etat de Droit. Cela ne s’est pas passé sans grande divergence, les gens s’en sont réjouis. Mais quand nous sommes rentrés au pays, il y a eu des émeutes à Kibuye : des massacres à la machette, des habitations brûlées... Ceux qui affirment que les Accords signés sont la cause de ces meurtres et agressions, ils se trompent. Le problème est ailleurs : le refus de partager le pouvoir, le rejet de la démocratie et de la paix.
Ils récriminent en disant que le FPR va rentrer dans le gouvernement alors qu’il est entré dans le pays par les armes. Je réponds en disant que nous avons signé des Accords sur l’Etat de Droit avec le FPR, que celui-ci arrêterait les combats si le pays respectait cet accord. Tous les Rwandais, que ce soit les Hutu, les Twa et les Tutsi auraient les mêmes droits.
Ces crimes commis par le MRND et le CDR, finiront par quel genre de gouvernance ? C’est d’ailleurs le problème qui se pose sur le parti CDR. Ceux qui suivent de près cette guerre, ils se demandent si l’attitude du CDR n’est pas l’une des causes de celle-ci. Et si cette attitude persiste, comment cette guerre pourrait-elle se terminer ? Ils disent que les partis qui rentreront dans le futur gouvernement devront signer un code de bonne conduite, pourquoi ne commenceraient-ils pas à bien se comporter avant d’entrer dans le gouvernement ? Il y a des partis qui ne veulent pas comprendre cela, mais j’espère que le MDR ne dérogera pas à ces principes et continuera à veiller sur le pays.
En ce qui concerne la suite des Négociations de Paix, il est évident que n’importe quelle délégation qui irait à Arusha, sans consensus préalable entre le Gouvernement et le Président de la République, ne pourrait pas mener à bonne fin ces négociations. Ceci dit nous pouvons arriver à des Accords avec le FPR alors que nous sommes en guerre, pourquoi n’arrivons-nous pas à nous entendre à l’intérieur du pays, alors que…. ! J’allais dire « alors que nous ne nous tirons pas dessus », mais il me semble que cela a déjà commencé !
Dire que le chef de délégation choisi par le Président est celui qui doit partir, pour essayer et voir et que si cela ne marche, l’ancien pourra y retourner, c’est se moquer des Rwandais et se jouer de la communauté internationale.
Ce que le MRND recherche me rappelle le procès de Salomon qui devait trancher un conflit entre deux femmes que se réclamaient, chacune, être la mère du même enfant. L’une d’entre elle dit : « J’accepte que cet enfant soit partagé en deux ». Dire que le Ministre de la Défense devrait partir et essayer de négocier, revient à dire : « Découpons cet enfant en deux pour voir, nous débattrons du problème par la suite». Et pourtant ce qui arrivera à l’enfant se sait avant qu’il ne soit découpé en deux. Autrement dit, celui qui veut que ce soit le Ministre de la Défense qui aille négocier avec le FPR, ne souhaite pas que la paix revienne dans ce pays.
Si le Gouvernement décidait de déléguer le Ministre de la Défense qui d’ailleurs fait partie de ce même gouvernement, il y aurait des négociations crédibles, appuyées par la Communauté internationale. Et cela marcherait. C’est aussi pour cette raison que la délégation Rwandaise ne peut pas aller à Arusha et réussir sa mission tant que le Président refuse de s’entendre avec le Gouvernement sur la délégation qui doit le représenter à Arusha.
Je suis rentré au Rwanda après le 30 octobre. Le Président de la République est resté silencieux. Il ne m’a pas convoqué pour que je sache ce qu’il pense du Protocole d’Entente que nous venions de signer à Arusha. J’ai compris l’opinion qu’il s’en faisait lors d’un discours prononcé par lui-même à Ruhengeri, en tant que Président du MRND. Dans ce discours, il disait que je traficouillais. Pourtant il n’y a pas de traficouillage. Et d’ailleurs, moi je pense que si traficouillage il y avait, les Rwandais préféreraient celui qui traficouille la paix à celui qui traficouille la guerre.
Je suis donc reparti à Arusha sans l’avoir rencontré. Je viens de rentrer, je l’ai à nouveau contacté pour lui faire un rapport. J’attends qu’il m’accorde une audience.
Pourtant, comme la radio nationale l’a relaté, ce qui se passe à Arusha est journellement rapporté au Président de la République. Ceci veut dire que tout ce que le FPR dit et tout ce que je dis lors des négociations, est archivé dans ce pays et ceux qui voudront écrire l’histoire et des négociations auront une documentation de référence. Cette documentation dépassait 80 pages lors des négociations passées. Il paraît néanmoins, que nous ne faisons pas de compte-rendu aux Hauts Dignitaires !
De plus, je l’ai déjà mentionné, le Président de la République a un rôle important dans le processus des Négociations de Paix. Nous pensons que c’est lui qui mettra la signature sur les Accords qui mettront fin à cette guerre. Mais s’il refuse, il y aura bien quelqu’un d’autre pour signer à sa place !
Nous avons convenu que s’il y a des lacunes dans les Protocoles d’Entente, le président aura la possibilité de les corriger au moment de la signature de l’Accord final. Mais j’espère que dans ce cas, il dira aux Rwandais où sont les lacunes et les corrections à y apporter. C’est sans doute ce rôle qu’il a refusé mais personne ne le lui a enlevé.
Quand je suis allé voir les députés, eux qui ont l’habitude d’étudier des accords conclus par le pays au niveau international, je leur ai demandé s’ils avaient déjà débattu des accords non signés. Cela n’existe pas. Quand il n’y a pas de signature, il n’y a pas d’accords. Je leur ai demandé de me dire s’il y aurait une autre façon de conclure des accords sans apposer de signature ! Quoi qu’il en soit, je pense que le pays ne m’a pas délégué pour tisser des liens d’amitié avec le FPR (guca ku nda) plutôt que d’avoir des accords écrits et signés. Cela ne serait d’ailleurs pas possible !
Je ne voudrais pas vous ennuyer avec un long discours, mais je vous demander de continuer à croire que cette guerre doit prendre fin en dépit de ceux qui veulent la prolonger. Il ne reste qu’un mois par rapport au timing que les partis politiques avaient fixé, d’un commun accord, pour que les négociations soient menées à bonne fin. Si ce délai expire sans Accord de Paix, ceux qui sont contre les négociations diront que ce Gouvernement est incompétent et exigeront sa démission. Ne serait-il pas plus juste que partent plutôt, ceux qui ne cessent de lui mettre les bâtons dans les roues ? Nous n’accepterons pas de partir. Nous ne pouvons l’accepter.
Pour conclure : je dis que ce pays doit être dirigé par ceux qui lui veulent la paix, ceux qui veulent la guerre doivent en sortir. Qu’il soit dirigé par ceux qui veulent la paix et que ceux qui veulent la guerre partent.
Je vous remercie.