L'année 2003 et les premiers mois de 2004 nous lèguent un constat sans appel sur un phénomène croissant, souligne d'emblée le rapporteur, chiffrant à une vingtaine le nombre de pays où se pratique l'utilisation de mineurs dans un conflit armé. On recenserait aujourd'hui 300 000 enfants soldats à travers le monde, contre 200 000 en 1996 (évaluation alors rendue publique par les Nations unies). L'Afrique subsaharienne à elle seule compterait autour de 120 000 enfants soldats, principalement au Soudan, au Burundi, en République démocratique du Congo, en Côte d'Ivoire, au Liberia et en Somalie. L'Asie est également touchée : l'Afghanistan, les Philippines, Sri Lanka et surtout la Birmanie (où, selon Human Rights Watch, il y aurait 70 000 enfants soldats dans les seules troupes gouvernementales). Mais aussi la Colombie, où groupes armés d'opposition et milices pro-gouvernementales rivalisent de zèle en ce domaine. Le rapport précise que
l'Europe n'est pas épargnée par le drame: lors du conflit avec Belgrade, les
recruté de nombreux enfants, au Kosovo même, en Albanie, mais aussi en Macédoine.
caractère mondial du phénomène, force est de constater que c'est l'Afrique subsaharienne qui
offre depuis la fin de la guerre froide de nouveaux systèmes de conflits où combats riment avec enfants soldats. Systématiquement. Au point d'amener Henri Leblanc à parler de
lien consubstantiel entre les nouveaux conflits africains et le recours aux enfants soldats. Qu'il s'agisse du Soudan, de l'Afrique de l'Ouest ou de la région des Grands Lacs, ces guerres sont trop souvent et trop rapidement ramenées à des
haines ancestrales entre communautésalors que les divisions ethniques et religieuses servent à camoufler, habiller des objectifs de pouvoir absolu, de pillage ou d'accaparement des richesses locales : au Soudan, le traditionnel discours sur l'antagonisme entre musulmans du Nord et chrétiens animistes du Sud fournit le paravent à une lutte pour le contrôle des régions pétrolifères (que Karthoum a tenté de vider de leurs populations traditionnelles) ; en Ituri, à l'est de la RDC, ce fut à l'origine un conflit foncier qui a dégénéré en violences entre Lendus et Hemas avec, sous-jacente, une volonté de prédation des richesses naturelles de la zone (coltan, minerais précieux, bois) mettant en jeu des pays voisins comme l'Ouganda et le Rwanda, mais aussi d'autres appétits, localisés hors de la sous-région, voire du continent. L'
ethnismeest moins la cause de la guerre que sa caisse de résonance, une tactique d'instrumentalisation pour attirer dans son camp une fraction entière de la population, enfants compris.
volontaire, une réalité passe trop souvent inaperçue : les guerres modernes faisant l'essentiel de leurs victimes chez les civils, les combattants sont sinon protégés, du moins relativement moins vulnérables que le reste de la population. En Ituri, l'enfant milicien, indissociablement victime et bourreau, dispose de conditions de survie dont l'enfant
civilet sa famille sont privés. Lendus et Hemas confondus.
Enfants soldats, UNICEF France (3, rue Duguay-Trouin, 75006 Paris).
fgtquery v.1.9, 9 février 2024