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Paul Kagame a eu raison de rendre hommage à la résilience, au courage de son peuple, de dire que dans son pays désormais plus personne n’est seul car les Rwandais réunis forment à nouveau une famille, raison de dire que si dans la nuit noire on se demandait hier où était Dieu, il est aujourd’hui revenu dormir au pays, comme l’assure le vieux proverbe. Et c’est à juste titre que les invités à ce 25e anniversaire ont salué la vision, le courage, la tenacité des Rwandais, cet incroyable miracle qui, en un quart de siècle, a changé le visage du pays et a fait de lui l’un des phares de l’Afrique.
Mais ce dimanche soir au stade, comme durant les jours précédents où on se préparait à cet anniversaire tragique, comme dans les cent jours de deuil national qui vont suivre, on mesurera aussi l’intensité de la douleur qui subsiste. Des dizaines de milliers de familles manqueront à l’appel, les femmes pleureront leur mari, les enfants, même s’ils ont pu étudier, se souviendront de leurs parents engloutis dans le flot de haine. On se rappellera que les survivants sont toujours à la recherche des corps des disparus tandis que les chiffres ne cessent de s’alourdir : cette semaine encore, des aveux incroyablement tardifs ont permis, à Kabuga, à la périphérie de Kigali, de découvrir une fosse qui contenait plusieurs des milliers de corps et aujourd’hui, les vêtements sont accrochés à des cordes, attendant que les familles viennent y reconnaître des indices !
Dans ce pays, rappelle Kagame, les survivants sont les seuls qui ont quelque chose à donner : le pardon. Mais qu’il est difficile d’apprivoiser tant de souffrance, de se résoudre à offrir la réconciliation, et de savoir que, même si la jeunesse rwandaise est éclatante, elle ne sera pas exempte du fardeau de la perte.
Tant de douleur, de courage, de volonté, donnent le frisson. Eveillent la crainte aussi, car il serait bien imprudent de croire que le danger est totalement écarté. On sait que la haine avait de longues racines, et que ses tentacules ont essaimé dans des sols étrangers. Des livres, des films, des discours, démontrent que le négationnisme (désormais légalement interdit en Belgique) sévit toujours, même si en Belgique ou en France, il a revêtu des habits neufs et recyclé sa rhétorique. Les amis du Rwanda, en Afrique ou ailleurs, ont le devoir de se montrer vigilants, car si, pour les survivants, vingt cinq ans, ce n’est rien au regard de leur chagrin, pour les tenants d’une idéologie mortifère qui s’est enracinée depuis les années 60, un quart de siècle ce n’est rien non plus.
Le Rwanda c’était hier ? Faisons en sorte que ce ne soit pas demain. Que ce ne soit pas ailleurs.