Fiche du document numéro 24842

Num
24842
Date
Vendredi 24 mai 2019
Amj
Auteur
Taille
0
Pages
0
Urlorg
Sur titre
La Marche de l'histoire
Titre
Le témoin du vendredi : Émilienne Mukansoro, thérapeute au Rwanda
Sous titre
Au Rwanda les ténèbres tombèrent en avril 1994 et durèrent jusqu’à la fin de juillet. Émilienne Mukansoro vécut ces mois terrée dans les herbes. Quand elle en sortit, il ne restait de sa famille que ses deux petites sœurs, son mari, ses filles. Comment dire adieu à tant de personnes en même temps ? Avec : Émilienne Mukansoro (rescapée du génocide des Tutsi du Rwanda, thérapeute spécialiste des violences sexuelles).
Nom cité
Source
Type
Émission de radio (son)
Langue
FR
Citation
Au Rwanda les ténèbres tombèrent en avril 1994 et durèrent jusqu’à la fin de juillet. Émilienne Mukansoro vécut ces mois terrée dans les herbes. Quand elle en sortit, il ne restait de sa famille que ses deux petites sœurs, son mari, ses filles. Comment dire adieu à tant de personnes en même temps ?

Notre invitée d’aujourd’hui rappelle à raison une année-clé, qui a annoncé le génocide de 1994 : en 1973-1974, eurent déjà lieu des massacres terribles qui se firent écho du Burundi voisin au Rwanda. A d’autres dates, antérieures, avaient déjà retenti des signaux d’alarme : 1959, 1964… En fait, dès avant l’indépendance de 1962, avait été mise en place une politique délibérément ethniciste dont la responsabilité incombe largement à l’Eglise catholique, toute puissante au Rwanda. Le souci, légitime, était de promouvoir la majorité des habitants mais il se trouvait que celle-ci était composée de hutus qu’on commença à opposer aux tutsi - une minorité accusée de cumuler les privilèges quand elle ne préparait pas au communisme. Leur apparence physique leur était particulièrement reprochée : il était dit d’eux qu’ils étaient trop grands, trop élancés, trop beaux – comme on disait des juifs d’Europe qu’ils étaient laids.

Émilienne Mukansoro dit néanmoins que la vie fut longtemps tranquille pour sa famille. Au début de 1994, elle enseignait, était mariée et avait deux filles.

Les ténèbres tombèrent en avril 1994 et durèrent jusqu’à la fin de juillet. C’était il y a vingt-cinq ans. Ce n’est pas une douleur d’il y a vingt-cinq ans, c’est une douleur de vingt-cinq ans.

Émilienne Mukansoro vécut ces mois terrée dans les herbes. Quand elle en sortit, il ne restait de sa famille que ses deux petites sœurs, son mari, ses filles. Comment dire adieu à tant de personnes en même temps ? Et pas un corps à enterrer.

Les survivants ne revivent pas s’ils restent seuls. Surtout dans un pays où la famille est si importante qu’on peut difficilement concevoir une veuve, un orphelin laissés à eux-mêmes.

Le pays des Mille Collines n’avait pas de psychiatres. Progressivement, Émilienne Mukansoro est devenue thérapeute. D’abord dans une pièce où elle recevait sur deux chaises placées côte à côte ou même sur une natte. Puis elle a fait naître des groupes de parole, sur le modèle défini par Naasson Munyadamutsa. Elle poursuit maintenant un travail dédié exclusivement aux femmes victimes de violences sexuelles. Elle chiffre le nombre des morts du génocide à un million – en cent jours ! Et elle estime celui des viols entre 200 et 500.000.

Bibliographie :



Hélène Dumas, Le Génocide au village. Le massacre des Tutsi au Rwanda, Le Seuil.

Jean Hatzfeld, Récits des marais rwandais, Le Seuil.

Jean Hatzfeld, Un papa de sang, Gallimard.

Laurent Larcher, Rwanda, ils parlent. Témoignages pour l'histoire, Le Seuil.

Revue Esprit, mai 2019, « J’habite un ailleurs dont il n’y a pas d’exil. Vingt-cinq ans après le génocide des Tutsi du Rwanda », par Amélie Faucheux et Émilienne Mukansoro.

Les invités



Émilienne Mukansoro, rescapée du génocide des Tutsi du Rwanda, thérapeute spécialiste des violences sexuelles.
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