Citation
Couverture du livre témoignage du colonel Jacques Hogard, vice-président de l'association France-Turquoise.
Ceux qui ont participé à l'opération « Turquoise » ont fondé une association pour «rétablir la vérité».
LES PASSIONS soulevées par la tragédie rwandaise sont loin de
s'apaiser. Accusés de complicité de génocide par six survivants
rwandais en février 2005, plainte validée depuis par la cour d'appel
de Paris, les officiers français de l'opération « Turquoise » viennent
de fonder une association pour « défendre les militaires » si ceux-ci
venaient à être cités à comparaître, mais aussi « rétablir la vérité »
et « lutter contre la désinformation » qui empoisonnerait selon eux le
dossier rwandais. Pour le général Jean-Claude Lafourcade, président de
l'association France-Turquoise et qui fut le commandant de cette
opération humanitaire menée par la France et quelques pays africains
entre juin et août 1994 dans le sud-ouest du Rwanda au cours des
dernières semaines du génocide, les accusations portées contre l'armée
française sont « effarantes », et les plaintes déposées sont «
intolérables ». « L'opération était mandatée par l'ONU, elle a sauvé
de nombreuses vies, même si on est arrivé très tard », a rappelé hier
le général français, lors de la première conférence de presse de cette
association, à l'Assemblée nationale.
« Ces accusations m'atteignent dans mon honneur de soldat », s'est
élevé le colonel Jacques Hogard, vice-président de l'association, qui
a récemment publié ses Mémoires de chef d'état-major de « Turquoise
». « Je suis fier de ce que nous avons fait au Rwanda », a affirmé
l'officier.
La création de cette association coïncide avec la publication du
rapport d'enquête du juge Bruguière sur l'attentat du 6 avril 1994
contre l'avion du président rwandais de l'époque, Juvénal Habyarimana,
événement considéré comme l'étincelle qui déclencha le génocide des
Tutsis par la majorité hutue. En mettant directement en cause dans
l'organisation de l'attentat Paul Kagamé, actuel président rwandais et
ancien chef rebelle tutsi, le rapport Bruguière n'a pas seulement
abouti à une rupture diplomatique entre Paris et Kigali. Il a aussi
donné le signal de la contre-attaque aux soldats français,
personnellement mis en cause dans la plus controversée des opérations
françaises en Afrique, qui se raccrochent à ces révélations comme si
la culpabilité de Paul Kagamé dans cet assassinat exonérait la France
de toutes critiques à son encontre.
Bouc émissaire
Car dans l'hystérie qui entoure depuis plusieurs années les débats sur
l'affaire rwandaise, qui va de l'instrumentalisation grossière du
génocide par Kigali jusqu'à la paranoïa des autorités françaises,
promptes à cacher leurs erreurs derrière un complot « anglo-saxon »
les militaires français de « Turquoise » se retrouvent dans la
position du bouc émissaire.
Envoyés dès 1990 à la rescousse d'un régime hutu qui dérivait déjà
dangereusement vers la « solution finale de la machette », engagés
dans des combats directs contre les rebelles tutsis anglophones venus
d'Ouganda comme s'il s'agissait de venger la colonne Marchand à
Fachoda, les militaires français ont dû ensuite pendant « Turquoise »
tenter de sauver ce qui pouvait encore l'être à la fin d'un des
épisodes les plus épouvantables de la fin du XXe siècle, auquel a
assisté sans rien faire l'ensemble de la communauté internationale.
Ils risquent d'être demain les seuls à répondre devant les tribunaux
des ambiguïtés et errements de la politique rwandaise de la France.