Citation
L'envoyé spécial de l'Humanité, Jean Chatain, auteur de Paysage après
génocide (1), pointait dès le début les responsabilités.
« À Kigali, en 1993-1994, la possibilité d'un génocide était
ouvertement discutée et un magazine, la Médaille Nyiramacibiri,
titrait froidement, dès février 1994 : Au fait, la race tutsie
pourrait être éliminée
.
Dans la nuit du 3 avril, RTLM, surnommée par
les opposants radiotélé la mort
, prophétisait : Les 3, 4 et 5, les
esprits vont s'échauffer. Le 6 avril, il y aura un répit, mais 'une
petite chose' pourrait se produire. Puis le 7 et le 8 et les autres
jours d'avril, vous verrez quelque chose.
Enfin, la
quasi-simultanéité de la mort du président et des massacres suffit à
prouver que la machine était tenue prête à fonctionner (...). L'avion
est abattu vers 20 h 30, à 21 h 15, les miliciens interahamwe ont déjà
disposé des barrages partout à travers la capitale et commencé à
fouiller les maisons des opposants. Et RTLM à diffuser des messages
appelant à venger la mort de notre président
du style : Il reste de
la place dans les tombes. Qui va faire du bon boulot et nous aider à
les remplir correctement ?
La mise hors circuit de Juvénal
Habyarimana pourrait avoir été envisagée par les composantes les plus
extrémistes du camp présidentiel dès 1992, lorsque celui-ci (...) avait
indiqué la porte à des dignitaires de son clan (...). Puis ce furent les
négociations d'Arusha qui suscitèrent la fureur des plus radicaux (je
rentre au pays préparer l'apocalypse
, avait déclaré aux journalistes
le colonel Théoneste Bagosora, quittant la table de négociations). (...)
Le mois précédant l'attentat, plusieurs dirigeants politiques du camp
présidentiel avaient ouvertement critiqué Habyarimana pour s'être
entretenu avec son homologue ougandais, Yoweri Museveni, régulièrement
présenté comme le commanditaire du Front patriotique rwandais, et les
mêmes redoutaient qu'il ne rentre de Dar es-Salam avec l'intention
d'enfin appliquer les accords de paix. »
(1) Paysage après génocide, de Jean Chatain, Le Temps des cerises,
Paris, juillet 2007. 18 euros.