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Faisant suite à une promesse d’Emmanuel Macron formulée en mai 2018 lors de la visite du président Paul Kagame, l’Élysée vient d’annoncer la formation d’une commission d’historiens et de chercheurs qui sera chargée « mener un travail de fond centré sur l’étude de toutes les archives françaises concernant la France et le Rwanda en 1990 et 1994 », explique un communiqué de l’Élysée.
Cette commission sera présidée par Vincent Duclert, directeur du Centre d’étude sociologique et politique Raymond Aron (Cespra), chercheur titulaire à l’EHESS et professeur associé à Sciences Po. C’est ce dernier, spécialiste du génocide des Arméniens, qui pilotait le « Rapport de la Mission d’étude en France sur la recherche et l’enseignement des génocides et des crimes de masse », rendu en décembre dernier.
La commission aura pour mission de « d’analyser le rôle de la France durant cette période et de contribuer à une meilleure contribution et une connaissance du génocide des Tutsi », précise le communiqué de l’Élysée. Elle devra remettre un rapport d’ici deux ans avec une « note intermédiaire » à l’issue de la première année de recherche, poursuit le communiqué.
Les chercheurs « seront habilité au secret défense et pourront consulter toutes les archives », précise à Jeune Afrique une source à l’Élysée. Un doute subsiste cependant sur la capacité qu’auront les chercheurs à avoir accès aux archives de François Mitterrand. C’est Dominique Bertinotti, ancienne ministre déléguée à la Famille, qui est la mandataire des archives du double septennat de l’ancien président français. Elle peut, à ce titre, s’opposer à la consultation du fonds. Mais « tout laisse penser que sa réponse sera positive », avance l’Élysée.
Aucun spécialiste du Rwanda
La commission a beaucoup fait réagir la communauté historienne ces derniers jours, après l’annonce de la mise à l’écart de deux des principaux spécialistes français du sujet : Stéphane Audoin-Rouzeau directeur d’études à l’EHESS, et Hélène Dumas, chargée de recherche au CNRS et seule experte à maîtriser le kinyarwanda.
Stéphane Audoin-Rouzeau, qui dit avoir été reçu par la cellule Afrique de l’Élysée quelques jours avant l’annonce explique qu’on lui a laissé entendre que « certains de [ses] écrits sur le rôle de l’armée française au Rwanda avaient pesé dans la balance et que [sa] présence serait une source de blocage. Et ce, après m’avoir expliqué au préalable que mes travaux avaient contribué à motiver la création de cette commission », expliquait-il à Jeune Afrique avait l’annonce de la composition de la commission.
Selon la composition de la commission, que Jeune Afrique a pu consulter, aucun spécialiste du sujet ne fait parti du groupe mené par Vincent Duclert. « Le président de la République a souhaité réunir les conditions pour l’expression d’une vérité historique et consacrer la place du génocide des Tutsi dans la mémoire collective française », conclut le communiqué.
Les membres de la commission
Vincent Duclert, inspecteur général de l’éducation nationale, directeur (en congé) du CESPRA (CNRS-EHESS), professeur associé à Sciences Po
Julie D’Andurain, professeure des universités en histoire contemporaine à l’université de Metz, spécialiste d’histoire militaire contemporaine
Isabelle Ernot, professeures détachée, docteure en histoire contemporaine, spécialiste de la Shoah, membre de la Mission d’études en France sur la recherche et l’enseignement des génocides et des crimes de masse
Sylvie Humbert, professeures des universités catholiques, Faculté de droit, C3RD, Université catholique de Lille, spécialiste de la justice pénale internationale
Raymond H. Kevorkian, directeur de recherche émérite à l’Université de Paris 8, spécialiste du génocide des Arméniens, membre de la Mission d’étude en France sur la recherche et l’enseignement des génocides des crimes de masse
Erik Langlinay, professeur agrégé d’histoire et docteur en histoire contemporaine, spécialiste des organisations
Françoise Thébaud, professeure émérite des universités en en histoire contemporaine à l’Université d’Avignon, spécialiste de la Grande Guerre, des femmes et du genre
Christian Vigouroux, président de section au Conseil d’État
Annette Wieviorka, directrice de recherche émérite au CNRS, spécialiste de la Shoah, membre du Conseil supérieur des archives et du Conseil d’administration de la Fondation pour la mémoire de la Shoah.