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KIGALI
De notre envoyée spéciale
Au début, on a été content de savoir que les soldats zaïrois venaient nous aider, mais, maintenant, on a changé d'avis. Nous sommes dans un quartier populaire du nord de Kigali. Depuis avant-hier, ce sont des militaires zaïrois qui contrôlent les véhicules et les allées et venues des passants. En tenue kaki, une casquette à oreilles, l'arme à la main, ils sont pour le moins impressionnants.
Notre interlocuteur continue: Chaque fois qu'on doit passer le pont, ils vérifient notre identité et ils nous prennent de l'argent. Mais, le pire, c'est quand ils se mettent à patrouiller dans le quartier. Ils filent des baffes aux enfants parce qu'ils veulent des sous. Ils entrent dans les bars, les magasins, se servent et partent sans payer.
On a très peur d'eux, continue une femme. Hier, ils sont entrés chez une de mes voisines qui venait de réussir à acheter un régime de bananes. Avec l'interdiction de circuler dans le pays, le prix des fruits et des légumes a monté très fort, et il y a peu d'approvisionnement. Les soldats zaïrois sont entrés et ont emmené tout le régime qui devait servir à nourrir ses enfants. Mais, le pire, c'est ce qui est arrivé à une de mes amies. Hier, un Zaïrois est entré chez elle et l'a violée. C'est arrivé à beaucoup d'autres femmes. Ce sont de vraies brutes. Ils veulent quelque chose? Ils le prennent.
La population de Kigali est visiblement terrorisée par ces hommes dont on préfère parler à voix basse. Les gens ne savent pas chez qui porter plainte. Ils n'ont aucun recours. Si le patron maintient les Zaïrois ici, a même déclaré un Rwandais, en parlant du président Habyarimana, il va sauter. On préfère encore les rebelles.
Mercredi soir, la presse a notamment interrogé le président à propos des exactions commises par ces Zaïrois. Sa réponse a scandalisé tous les Rwandais qui l'ont entendue: Des exactions? Je ne suis au courant de rien. De toute façon, c'est impossible: les Zaïrois ne sont pas en contact avec les Rwandais. Il n'y en a pas à Kigali. Ils sont tous ailleurs. Que le président soit si mal informé de ce qui se passe dans sa capitale inquiète beaucoup les Rwandais. D'autant qu'un renfort en troupes zaïroises, dans les jours qui viennent, n'a rien d'improbable.
VÉRONIQUE KIESEL
