Fiche du document numéro 23828

Num
23828
Date
Mardi 7 avril 2015
Amj
Auteur
Fichier
Taille
441123
Pages
15
Titre
L’Église catholique, la France, les Nations Unies, dans le génocide des Tutsi
Type
Conférence
Langue
FR
Citation
L’Église catholique, la France, les Nations Unies, dans le génocide
des Tutsi
Jacques Morel∗
Rome, 7 avril 2015, v1.1
Le génocide des Tutsi du Rwanda de 1994 a été le plus souvent décrit comme une lutte interethnique
séculaire. La Mission d’information parlementaire française, qui a examiné le rôle de notre pays dans ce
génocide, a écarté la responsabilité des puissances étrangères par cette formule « le Rwanda auteur de
sa propre histoire ». 1 Comment le Rwanda a-t-il pu être l’auteur de son histoire alors que la région des
Grands Lacs a été un enjeu de rivalités entre l’Allemagne, la Belgique, la Grande-Bretagne et la France ?
Elle a fait l’objet d’une campagne de christianisation intense de la part des missionnaires européens
qui ont modifié profondément la culture et les relations sociales.
Trois agents externes au Rwanda ont joué un rôle dans le génocide :
1) L’Église catholique ;
2) La France ;
3) Les Nations Unies.
Le rôle de la Belgique sera évoqué au passage. Ceux qui nient le génocide prétendent que les massacres
de 1994 étaient imprévisibles et non préparés. Pour permettre ce constat, ils se refusent à remonter dans
le temps. Ils limitent l’analyse des faits à 1994, ou tout au plus à 1990, date qui leur permet d’accuser le
Front patriotique rwandais (FPR). Or le génocide de 1994 est l’aboutissement d’un processus de diffusion
de haine raciale, de massacres et d’impunité, organisé par les autorités, qui s’étale sur une période de
plus de 30 ans.

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Le rôle de l’Église catholique dans le génocide des Tutsi

L’enseignement du mythe hamitique par les missionnaires
À la fin du XIXe siècle, les premiers explorateurs de cette région, comme l’anglais John Speke, ont
vu dans les pasteurs tutsi de haute stature des nègres blancs venus d’Abyssinie. 2 C’est le Français de
Gobineau qui a inventé ces hamites, descendants de Cham, qu’une goutte de sang blanc aurait sauvé de
la bestialité des autres Noirs. Ils constituent aux yeux des Européens une race noble qui est venue dans
la région des Grands Lacs et a dominé les autres peuples. Les missionnaires catholiques, principalement
des Pères blancs, inventant l’écriture de la langue rwandaise, ont rédigé une histoire du pays faisant de ce
mythe hamitique une vérité historique. Ils appréhendent les groupes sociaux comme des races différentes,
les Tutsi-hamites dominant les autres. Notons que l’opposition Hamites-Bantous a la même origine que
l’opposition aryen-sémite. 3
L’objectif fixé par Mgr Lavigerie, fondateur des Pères blancs, était de convertir d’abord les classes
dirigeantes du pays. Dans les années 1930, l’évêque du Rwanda, Mgr Classe, voit les Tutsi, dont la lignée
royale fait partie, comme une race supérieure. Il fait révoquer le roi, le Mwami, au profit de son fils plus
docile. Il convainc les administrateurs belges de réserver les postes de chefs aux seuls Tutsi. Les Belges
instituent les livrets d’identité qui classent de manière définitive les Rwandais en trois races : tutsi, hutu et
∗ Auteur
de « La France au cœur du génocide des Tutsi ». http://www.francegenocidetutsi.org/
FranceCoeurGenocideTutsi-IP.pdf
1. Mission d’information parlementaire (MIP), Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994, Rapport, pp. 333, 335.
2. Jean-Pierre Chrétien, Marcel Kabanda, Rwanda. Racisme et génocide. L’idéologie hamitique, Belin, 2013, p. 50.
3. Jean-Pierre Chrétien, op. cit., p. 26.

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LE RÔLE DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE DANS LE GÉNOCIDE DES TUTSI

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twa. Le racisme entre Noirs qui en résulte n’a aucun fondement autochtone. Le concept de race n’existait
pas avant l’arrivée des Européens.

Une révolution sanglante soutenue par l’archevêque
Dans les années 1950, l’élite tutsi envisage de s’émanciper de la tutelle des Belges et du monopole de
l’Église sur l’enseignement. Mgr Perraudin, nouvel archevêque d’origine suisse, est obsédé par la « question
hutu-tutsi » 4 et craint la propagation du communisme. 5 Il va soutenir au nom de la justice sociale les
revendications des Hutu qui se sont vus refuser par le colonisateur l’accès à l’enseignement et aux fonctions
dirigeantes. Il déclare dans sa lettre de Carême de 1959 :
« Dans notre Ruanda, les différences et les inégalités sociales sont pour une grande part liées aux
différences de races, en ce sens que les richesses d’une part et le pouvoir politique et même judiciaire
d’autre part, sont en réalité en proportion considérable entre les mains des gens d’une même race. » 6
Grégoire Kayibanda, disciple de Mgr Perraudin, crée un parti politique hutu à base raciale. Il fait
comprendre qu’au Rwanda « il s’agit d’un colonialisme à deux étages : le Muhutu devant supporter le
hamite et sa domination et l’Européen et ses lois passant systématiquement par le canal mututsi ». 7 Le
Tutsi serait donc l’oppresseur du Hutu, beaucoup plus que l’Européen. C’est ainsi que le soulèvement hutu
de 1959, qui va instaurer la République en 1962, est orchestré par l’Église et par les Belges. Les victimes
des pogroms ont été désignées par eux. Elles seront en partie massacrées. Elles seront expropriées. Elles
seront déportées dans des régions insalubres ou choisiront de s’exiler.
Alors qu’en décembre 1963, une incursion de Tutsi depuis le Burundi est vite réprimée, elle fournit le
prétexte au régime de Kayibanda pour massacrer les Tutsi restés au pays. Dans la région de Gikongoro,
des bandes de tueurs exterminèrent systématiquement les Tutsi. « Les femmes et les enfants étaient
également assommés à coups de massue ou percés de lances. Les victimes étaient le plus souvent jetées
dans la rivière après avoir été déshabillées. » 8
Mgr Perraudin protesta contre Radio Vatican qui avait dénoncé ces massacres comme « le plus terrible
génocide systématique depuis le génocide des Juifs. » 9 Il couvrit également les pogroms de 1973, toujours
contre les Tutsi. Il ne protesta pas contre le coup d’État d’Habyarimana qui renversa son poulain Grégoire
Kayibanda puis le fit mourir en prison.
En 1990, Kinyamateka, le journal de l’Église catholique, voit dans l’attaque du FPR la tentative des
Tutsi pour reprendre le pouvoir. Il dénonce les complices de l’intérieur et prête aux Tutsi l’intention de
faire le génocide des Hutu. 10
L’Internationale Démocrate Chrétienne (IDC) soutient les extrémistes. De même que l’ONG Reporters
sans frontière, elle soutiendra en 1993 la création de Radio Mille Collines (RTLM), cette radio qui poussera
les Hutu à massacrer leurs voisins tutsi.

Les évêques soutiennent le gouvernement génocidaire
Le 9 avril 1994, quatre jours après l’assassinat du président Habyarimana, les évêques du Rwanda
demandent instamment aux autorités « de neutraliser tous ceux qui troublent la paix ». Alors que les
unités d’élite de l’armée rwandaise ont déclenché le génocide, « ils rendent hommage aux Forces armées
du Rwanda (FAR) qui prennent à cœur les problèmes de sécurité ». Enfin, après l’assassinat des dirigeants
politiques favorables aux accords de paix, dont le Premier ministre, ils « se félicitent de la mise en place
4. Mgr André Perraudin, Un évêque au Rwanda, Ed. Saint Augustin, 2003, p. 125.
5. Ibidem, pp. 247-248.
6. Lettre pastorale de Mgr Perraudin, Vicaire apostolique de Kabgayi, pour le carême de 1959, Super omnia Caritas. Cf.
Vénuste Linguyeneza, Vérité, Justice, Charité. Lettres pastorales et autres déclarations des évêques catholiques du Rwanda
1956-1962, pp. 69-70. 0
7. Le manifeste des Bahutu du 24 mars 1957. Cf. C.-M. Overdulve, Rwanda, Un peuple avec une histoire, L’Harmattan,
1997, p. 100. 0
8. Extraits de la lettre de Denis-Gilles Vuillemin, L’extermination des Tutsis, Le Monde, 4 février 1964. 0 0
9. Mgr André Perraudin, op. cit., pp. 355-356 ; Ian Linden, Christianisme et pouvoir au Rwanda (1900-1990), Karthala,
1999, p. 363.
10. Antoine Mugesera, Abbé Sibomana, Kinyamateka et idées génocidaires (1990-1994), Dialogue, no 184-185, janvier-mai
2008. 0

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LE RÔLE DE LA FRANCE DANS LE GÉNOCIDE DES TUTSI

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d’un nouveau gouvernement, auquel ils promettent leur soutien. » 11
Les évêques hébergent à Kabgayi le président intérimaire qui organise les massacres. À côté de là, des
Tutsi sont parqués, meurent de faim et sont la proie des tueurs. 12
À Rome, le synode des évêques africains se limite à demander la cessation des violences au Rwanda
alors que les églises sont transformées en abattoirs à Tutsi.

Mgr Perraudin « comprend » les tueurs
Le 18 avril 1994, Mgr Perraudin, en retraite en Suisse, condamne les massacres mais « essaie de
comprendre » : « Ils agissent par colère et par peur. Par colère contre le meurtre de leur président [...]
Et par peur de retomber dans l’esclavage. » Lorsqu’il arrive au Rwanda, rappelle-t-il, « une population
de 85 % de Hutu était asservie par 15 % de Tutsi. » Il justifie les massacres perpétrés par la révolution
hutu de 1959 : « Il fallait restituer leur dignité aux masses populaires. » 13
Comme les médias extrémistes, il déclare : « C’est un acte suicidaire que le FPR a commis vis-à-vis
de ses congénères », en attaquant le Rwanda le 1er octobre 1990 et en menaçant Kigali le 8 février 1993. 14
Animés du même esprit que Perraudin, nombre de prêtres, voire même des évêques, ont participé à
la chasse aux Tutsi en 1994. Beaucoup d’autres prêtres furent massacrés parce que tutsi.
Après le génocide, l’Église catholique a donné asile aux assassins. Citons l’abbé Athanase Seromba
qui a fait tuer ses paroissiens en commandant la destruction de son église de Nyange au bulldozer. Il sera
caché dans une paroisse à Florence en Italie.
En 1999 L’Osservatore Romano va même affirmer qu’il y a eu un double génocide au Rwanda : celui
contre les Tutsi perpétré après le 6 avril 1994 et celui contre les Hutu commencé à partir d’octobre 1990. 15
La propagande extrémiste qui a mené au génocide des Tutsi trouve son origine dans la doctrine de
l’Église qui a accrédité l’existence de races et a jonglé sur les divisions raciales, exaltant l’une puis la
maudissant en soutenant l’autre dans sa dérive criminelle.
On ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec l’accusation de déicide formulée contre les Juifs
que nous entendions lors de l’Office des Ténèbres du Vendredi Saint.

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Le rôle de la France dans le génocide des Tutsi

Quel but poursuivaient les dirigeants français au Rwanda ? Leur but était de prendre le contrôle des
anciennes colonies belges, du riche Congo appelé Zaïre à l’époque.
Au Rwanda et au Burundi, qui sont des portes d’accès aux richesses minières du Congo, le moyen
privilégié a été d’installer une coopération militaire puis d’utiliser les conflits ethniques pour s’imposer à
la place des Belges. Comme au Burundi en 1972, ces luttes interethniques sont en quelque sorte bienvenues
pour les Français. François Mitterrand, grand connaisseur de l’Afrique, expliquait ainsi à son fils JeanChristophe : « Dans cette région des Grands Lacs les massacres sont devenus la norme. Dans ce type de
conflit ne cherche pas les bons et les méchants, il n’existe que des tueurs potentiels. » 16 Dans cette vision
cynique, toute règle morale, toute règle de droit paraît abolie. La France est libre d’agir conformément à
ses intérêts. Tout crime de sa part sera imputé aux tueurs indigènes.

Le Tutsi, ennemi de la France
Dès l’indépendance en 1962, les dirigeants français ont choisi de soutenir au Rwanda les « républicains
hutu » contre les « féodaux tutsi ». Ils sont convaincus que le fait ethnique – pour ne pas dire racial –
est prédominant. Selon eux, en Afrique, l’appartenance ethnique détermine le choix politique. L’idée
de peuple majoritaire est donc une exigence démocratique. Ainsi François Mitterrand rappelle que :
11. Communiqué des évêques catholiques du Rwanda, signé par Mgr Thaddée Nsengiyumva, Osservatore Romano, 11-12
avril 1994. Cf. La Documentation catholique, 15 mai 1994, no 2094, pp. 496-497. 0
12. Hildebrand Karangwa, Le génocide au centre du Rwanda. Quelques témoignages des rescapés de Kabgayi.
13. Roger de Diesbach, L’ancien archevêque suisse du Rwanda crie son angoisse, Journal de Genève, 18 avril 1994. 0
14. André Perraudin, Mgr Perraudin répond, Journal de Genève, 21 mai 1994. 0
15. Le génocide rwandais de 1994 et les accusations portées contre l’Église catholique, L’Osservatore Romano, 19 mai
1999. 0
16. Jean-Christophe Mitterrand, Mémoire meurtrie, Plon, 2001, p. 154.

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LE RÔLE DE LA FRANCE DANS LE GÉNOCIDE DES TUTSI

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« le Rwanda, comme le Burundi, est essentiellement peuplé de Hutus. La majorité des habitants a donc
soutenu naturellement le gouvernement du président Habyarimana. » 17
L’attaque du Front patriotique rwandais (FPR) d’octobre 1990 ne peut être considérée indépendemment du génocide commencé en 1959. Des exilés tutsi, chassés de leur pays, voulaient y retourner et
se le sont vus interdire, car Habyarimana leur répondait que « le Rwanda est déjà surpeuplé ». 18 Des
opposants hutu les ont ensuite rejoints.
La France intervient aussitôt à la demande du président rwandais en envoyant des troupes au prétexte
bien commode que cette attaque « pouvait mettre en danger la vie des ressortissants étrangers et en
particuliers des ressortissants français ». 19
Cette attaque d’octobre 1990 apparaît aux dirigeants français comme une nouvelle tentative des Tutsi
pour revenir sur cette « révolution » de 1959 qui les a chassés. Dès lors, l’ennemi de la France au Rwanda
est le Tutsi, comme le montrent les notes de l’amiral Lanxade, chef d’état-major particulier du président
de la République, parlant d’« agresseur ougando-tutsi », de « forces tutsies », 20 de nouvelle « offensive
ougando-tutsie » 21 au lieu de parler de FPR ou de rebelles. Le colonel Galinié, attaché militaire, écrivant
que ces « envahisseurs tutsis, [...] méconnaissant les réalités rwandaises, rétabliraient probablement au
Nord-Est le régime honni du premier royaume tutsi qui s’y est jadis installé », ne laisse planer aucun doute
sur l’adhésion des autorités françaises à ce Credo qui constitue l’idéologie des auteurs du génocide. 22

Grâce aux massacres, la France supplante la Belgique
Devant les massacres des Tutsi de l’intérieur, organisés en octobre 1990 par le régime d’Habyarimana,
à Kibilira, dans le Mutara au Nord-Est, devant la rafle de 10 000 Tutsi, les Belges sont scandalisés et
retirent les soldats qu’ils avaient envoyés. La France, dirigée par un gouvernement socialiste, juge plus
opportun de fermer les yeux. Donc, grâce à ces massacres, la Belgique part, la France reste et supplante
l’ancienne puissance coloniale.

Les Français, témoins des massacres et de la préparation du génocide
À l’abri de la caution militaire et morale française, le régime rwandais renoue avec la guerre raciale et
les pratiques génocidaires des années 1960. 23 L’ambassadeur Georges Martres rapporte que « le colonel
Serubuga, chef d’état-major adjoint de l’armée rwandaise, s’était réjoui de l’attaque du FPR, qui servirait
de justification aux massacres des Tutsis. » 24 Le général Varret rapporte comment le colonel Rwagafilita,
chef d’état-major adjoint de la Gendarmerie, lui avait expliqué la question tutsie : « Ils sont très peu
nombreux, nous allons les liquider ». 25
Donc, à la fin 1990, les dirigeants français sont informés du projet d’élimination totale des Tutsi. Ils
ne songent pas à exiger le retrait des mentions raciales sur les cartes d’identité en échange de leur soutien
militaire. Ils assistent sans s’opposer aux massacres de Tutsi, massacre des Bagogwe en 1991, massacres
du Bugesera et de Kibuye en 1992, qui constituent un répétition générale du génocide.
Le texte sur la définition de l’ennemi diffusé dans l’armée rwandaise en 1992 est en accord avec la
définition que les Français donnent de l’ennemi, deux ans auparavant :
« L’ennemi principal est le Tutsi de l’intérieur ou de l’extérieur, extrémiste et nostalgique du pouvoir,
qui n’a jamais reconnu et ne reconnaît pas encore les réalités de la Révolution Sociale de 1959 et qui veut
reconquérir le pouvoir au Rwanda par tous les moyens, y compris les armes. » 26
17. Déclaration de François Mitterrand au Conseil des ministres, 22 juin 1994. 0
18. Juvénal Habyarimana, « l’homme viril », Le Monde, 8 avril 1994, p. 3.
19. Audition du général Maurice Schmitt, 29 avril 1998. Cf. MIP, op. cit., Tome III, Auditions, Vol. 1, p. 187.
20. L’amiral [Lanxade], chef de l’état-major particulier, Note à l’attention de Monsieur le Président de la République, 11
octobre 1990, Objet : Rwanda - Situation. 0
21. L’amiral [Lanxade], chef de l’état-major particulier, Note à l’attention de Monsieur le Président de la République, 3
février 1991, Objet : RWANDA. Nouvelle offensive ougando-tutsie. 0
22. Extrait du message de l’attaché de Défense à Kigali, 24 octobre 1990, Tertio : Appréciation de la situation politique.
Cf. Mission d’information parlementaire (MIP), op. cit., Tome II, Annexes, p. 134. 0
23. Voir L’Appel à la conscience des Bahutu, suivi des Dix Commandements, Kangura No 6, Décembre 1990, p. 8. 0
24. Audition de Georges Martres, 22 avril 1998. Cf. MIP, op. cit., Tome III, Auditions, Vol. 1, p. 119. 0
25. MIP, op. cit., Rapport, p. 276.
26. République rwandaise, Ministère de la Défense nationale, Armée rwandaise, État-major, G2, 21 septembre 1992,
no 1437/G2.2.4. Objet : Diffusion d’information. Destinataires : Liste A, Comdt Sect OPS (Tous), Info : EM Gd N. Signé

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LE RÔLE DE LA FRANCE DANS LE GÉNOCIDE DES TUTSI

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« Une guerre totale et très cruelle »
Les Français admettent que le traitement réservé à l’ennemi soit la mort. En effet, les Forces armées
rwandaises ne font pas de prisonnier. « À ma connaissance, écrit le général Tauzin, il n’y a jamais eu un
seul prisonnier dans cette guerre, ni d’un côté ni de l’autre. » 27 Il s’agissait d’une « guerre totale et très
cruelle », dit le général Quesnot. 28
Donc la France s’engage dans une guerre totale contre un ennemi défini ethniquement ou racialement.
C’est ce qu’on appelle un génocide.

Sans le soutien militaire français, il n’y aurait pas eu de génocide
L’armée française sauve par trois fois, en 1990, 1992 et 1993, le régime raciste d’Habyarimana dont
l’armée se débandait devant les offensives du FPR. 29 Si elle n’était pas intervenue, ce régime aurait
été renversé. C’est ce qu’affirme le général Quesnot à François Mitterrand le 23 février 1993 : « Après
l’évacuation de nos ressortissants et le retrait de nos troupes, le président Habyarimana ne devrait pas
pouvoir rester à la tête de l’État. » 30 Envoyées en urgence au Rwanda, les forces spéciales du colonel
Tauzin reprennent en main les FAR et réussissent à stopper le FPR. 31 Si donc la France avait retiré
ses troupes en février 1993, l’armée du FPR serait parvenue à Kigali, le régime d’Habyarimana aurait
été renversé. Il n’y aurait pas eu de génocide car la mise en place des leviers du génocide (Hutu Power,
entraînement militaire des milices, Radio Mille Collines, distributions d’armes) n’était pas terminée.
Incontestablement, c’est l’armée française qui a empêché le FPR de mettre les tueurs hors d’état de
nuire.

Milices et autodéfense populaire
Les militaires français encouragent l’organisation de l’« autodéfense populaire » et la formation militaire des milices. En octobre 1990, le colonel Galinié, attaché de défense, décrit les massacres de Tutsi :
« Les paysans hutus organisés par le MRND, 32 écrit-il, ont intensifié la recherche des tutsis suspects
dans les collines, des massacres sont signalés dans la région de Kibilira à 20 kilomètres Nord-Ouest de
Gitarama. » Il poursuit : « Il reste que les forces gouvernementales souffrent de leur nombre réduit et
du manque de moyens [...] et ne peuvent pas exploiter plus à fond la fidélité des paysans qui participent
de plus en plus à l’action militaire à travers de groupes [sic] d’autodéfense armés d’arcs et de machettes.
Elles aussi ne pourraient éventuellement inverser définitivement la situation en leur faveur qu’avec une
aide externe soutenue. D’où l’appel aux amis, à la France en particulier. » 33
Galinié voit ces groupes d’autodéfense comme une sorte de force de dissuasion par la machette, un
ultime recours en cas de déroute militaire. Du côté des militaires rwandais, cette autodéfense vise même
à ne laisser aucun Tutsi vivant en cas de défaite. Ainsi le colonel Nsengiyumva, très proche des Français,
rapporte en 1992 que certains disent « qu’ils vont déjà préparer leur fuite avant l’arrivée des Inkotanyi [le
FPR], tout en ajoutant qu’avant de fuir, ils vont massacrer les Tutsi. » 34 Dès 1992, le plan du génocide
est conçu.
Déogratias Nsabimana, colonel BEM, Chef EM FAR, SECRET. TPIR, K1020494 à K1020507. 0
27. Didier Tauzin, Rwanda : je demande justice pour la France et ses soldats, Ed. Jacob-Duvernet, 2011, p. 167.
28. Audition du général Quesnot, 19 mai 1998. Cf. MIP, op. cit., Tome III, Auditions, Vol. 1, p. 341. 0
29. Le colonel Tauzin qui commande l’opération Birunga déclenchée le 21 février 1993 se targue d’avoir sauvé une armée
en déroute. Cf. D. Tauzin, op. cit., pp. 70, 78.
30. Dominique Pin, Général Quesnot, “Note à l’attention de Monsieur le Président de la République”, 23 février 1993,
A/s Conseil restreint sur le Rwanda Mercredi 24 février 1993. 0
31. Didier Tauzin, Rwanda : je demande justice pour la France et ses soldats ! le chef de l’opération Chimère témoigne,
2011, pp. 64, 70, 72, 76. 0
32. Le MRND, Mouvement révolutionnaire national pour le développement, est le parti unique présidé par Juvénal
Habyarimana.
33. TD KIGALI 542 Confidentiel défense. Objet : Situation générale le 13 octobre 1990 à 12 heures locales. Signé Col.
Galinié 131300. Martres. 0
34. Anatole Nsengiyumva, Note au Chef EM AR, 27 juillet 1992, Objet : État d’esprit des militaires et de la population
civile. Source : The Linda Melvern Rwanda Genocide archive, TPIR, Case ICTR-98-41-T Exh. P.21 (a). 0

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LE RÔLE DE LA FRANCE DANS LE GÉNOCIDE DES TUTSI

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La France incite à la création du Hutu Power, alliance anti-tutsi
Après l’offensive du FPR et son arrêt en février 1993, le ministre français de la Coopération, Marcel
Debarge, est envoyé à Kigali pour appeler à un « front commun » des Hutu contre l’ennemi tutsi. 35
Ce front à caractère racial devient le Hutu Power, qui réunit sur une base anti-tutsi les partisans de
Habyarimana et leurs opposants, les nostalgiques de son prédécesseur Kayibanda. L’assassinat, le 21
octobre 1993, du président burundais Ndadaye précipite sa formation.

La France sabote les Accords d’Arusha
Depuis mars 1991, la France ne respecte pas les accords de cessez-le-feu qui stipulaient le retrait des
troupes étrangères. François Mitterrand s’oppose lui-même au retrait de ses troupes. 36
La France plaide pour une force des Nations Unies pour le maintien de la paix (MINUAR), qui est mise
en place après la signature des Accords d’Arusha en août 1993, mais le FPR s’oppose à la participation
de soldats français. C’est la Belgique qui fournit des Casques bleus. Les militaires français sont obligés
de partir et les Belges reviennent.
Ce départ est insupportable pour les militaires français qui se voient perdre le Rwanda, comme ils
ont perdu l’Indochine et l’Algérie. 37 Des officiers supérieurs ont témoigné de leur hostilité à ces Accords
d’Arusha qui permettaient à l’ennemi, le FPR, d’obtenir cinq portefeuilles au gouvernement et une large
place dans la nouvelle armée. « Si l’idée générale des accords d’Arusha était bonne, écrit le général
Quesnot, la phase Arusha III a donné des avantages exorbitants au FPR, en particulier dans le domaine
militaire. Ces avantages étaient et sont inacceptables et injustes pour la majorité hutu. » 38 Et le colonel
Rosier, chef de l’opération Noroît en 1992, déclare : « L’ouverture politique sans redressement militaire
préalable, c’était, à coup sûr, la déstabilisation de l’État. L’État déstabilisé, c’était, hélas, le marché de
dupes d’Arusha débouchant fatalement sur le chaos. » 39

Un plan B ?
Fin 1993, la politique française au Rwanda se solde par un triple échec :
- échec militaire des FAR devant le FPR ;
- échec diplomatique avec les Accords d’Arusha qui sont un succès pour le FPR ;
- échec du recours aux Nations Unies puisque la tentative de transformer les militaires français en
Casques bleus a échoué.
À ce moment-là, fin 1993, un basculement serait intervenu à Paris. Secrètement, certains auraient pu
décider d’activer un autre plan, celui des militaires extrémistes hutu, qui consistait à :
- empêcher l’application des Accords d’Arusha par un coup d’État ;
- faire partir la MINUAR ;
- reprendre la guerre contre les Tutsi envahisseurs ;
- à l’abri de cette guerre, faire éliminer les Tutsi, base électorale du FPR, par les milices et les groupes
d’autodéfense. Plus subtilement, il s’agissait d’utiliser les massacres de civils tutsi comme moyen de
dissuasion pour empêcher le FPR de continuer son offensive.
Paul Dijoud, directeur des Affaires africaines et malgaches, avait déjà eu recours à cette menace en
disant à Paul Kagame lors de sa visite à Paris en janvier 1992 : « Si vous n’arrêtez pas le combat, si
35. Dominique Pin, Note à l’attention de Monsieur le Président de la République. Objet : Rwanda. Mission de M. Debarge,
2 mars 1993. 0
36. L’Amiral Chef de l’État-Major Particulier, Note à l’attention de Monsieur le Président de la République. Objet :
Rwanda : Point de situation, 22 avril 1991. 0 ; Le général chef de l’état-major particulier, Note à l’attention de Monsieur le
Président de la République. Objet : Rwanda : Point de situation, 20 juin 1991. Note manuscrite de François Mitterrand :
« Non. Ne pas retirer nos troupes. M’en parler. FM » 0
37. Didier Tauzin, op. cit., p. 84.
38. Note du général Quesnot à l’attention de Monsieur le Président de la République. Objet : Votre entretien avec
M. Léotard le lundi 2 mai. Situation. 2 mai 1994, p. 2. 0 C’est l’Accord Arusha IV et non III qui fixe la composition de la
nouvelle armée rwandaise.
39. Entretien avec le général Rosier. Cf. B. Lugan, François Mitterrand, l’armée française et le Rwanda", Éditions du
Rocher, 2005, p. 278.

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LE RÔLE DE LA FRANCE DANS LE GÉNOCIDE DES TUTSI

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vous vous emparez du pays, vous ne retrouverez pas vos frères et vos familles, parce que tous auront été
massacrés. » 40
Nous voyons là que Paul Dijoud instrumentalise la menace bien réelle de génocide pour dissuader le
chef du FPR de tenter de nouvelles attaques. Cette stratégie de dissuasion est analogue à celle que la
France exerce avec sa force de frappe nucléaire pour sanctuariser son territoire. Les machettes remplacent
la bombe atomique.

La France est impliquée dans l’attentat contre Habyarimana
Habyarimana est lâché par la France. L’ambassadeur Martres l’avait laissé pressentir. En mars 1993,
il le jugeait « usé » et estimait qu’il « a finalement tout raté ». 41 Peu avant, Pierre Joxe, ministre de la
Défense, le voyait « largement responsable du fiasco actuel » 42 et Marcel Debarge le disait « à bout de
souffle ». 43
Le 6 avril 1994 à Dar es-Saalam, Habyarimana accepte enfin de mettre en place les institutions prévues
par les accords de paix, sans que le parti extrémiste CDR obtienne le siège qu’il réclamait. 44 Habyarimana
prend soin de prévenir Paris de sa décision avant de prendre l’avion. 45
À son retour à Kigali, son avion, offert par la France et piloté par trois Français, est abattu. Dès
le soir du 6, le colonel Tauzin, commandant du 1er RPIMa, met son régiment en état d’alerte pour un
parachutage sur Kigali et prendre le commandement de l’armée rwandaise dès le lendemain 7 avril, alors
que le FPR n’a pas bougé. 46
Jean Birara, connaisseur de l’Akazu, désigne les auteurs du coup d’État. Ce sont des officiers mis à
la retraite par Habyarimana : les colonels Serubuga, Buregeya, Rwagafilita et Bagosora. 47 L’imputation
de l’attentat à des militaires rwandais, confirmée par des experts du juge Trévidic, qui montrent que les
missiles ont été tirés du camp militaire de Kanombe, se reporte automatiquement sur la France, puisque
l’armée rwandaise est en fait commandée par des conseillers militaires français et qu’aucun militaire
rwandais n’a été formé pour tirer de tels missiles. 48 Le colonel Bagosora lui-même a confié au juge
Bruguière combien il était proche du lieutenant-colonel Maurin. 49
Dans le quart d’heure qui suit l’explosion de l’avion, des militaires français se précipitent sur le lieu
du crash. 50 Ils prélèveront la boîte noire de l’avion et des débris de missiles dont on n’aura plus aucune
nouvelle. 51 Les Casques bleus se voient interdire l’accès au lieu du crash. 52
À 21 h 30, le commandant du bataillon paras-commando ordonne à ses hommes de venger la mort du
président en massacrant les Tutsi. 53 Le génocide des Tutsi est déclenché par les unités d’élite de l’armée
rwandaise dotées de conseillers français : la garde présidentielle, le bataillon paras-commando, le bataillon
de reconnaissance.
40. Renaud Girard, Quand la France jetait Kagamé en prison..., Le Figaro, 23 novembre 1997.
41. Georges Martres, TD Kigali, 11 mars 1993. Cf. MIP, op. cit., Tome II, Annexes, pp. 217-218. 0
42. Le ministre de la Défense, Note pour le Président de la République, 006816, 26 février 1993. Objet : Rwanda. 0
43. Conseil restreint, mercredi 3 mars 1993. 0
44. Audition de Jean-Christophe Belliard, 2 juillet 1998. Cf. MIP, op. cit., Tome II, Auditions, Vol. 2, pp. 282-283. 0
45. Jean-Marc de la Sablière, Dans les coulisses du Monde. Du Rwanda à la guerre d’Irak, un grand négociateur révèle
le dessous des cartes, Robert Laffont, 2013 p. 104. 0
46. Didier Tauzin, op. cit., p. 91. 0
47. Guy Artiges, Audition de Jean Birara, 26 mai 1994. 0
48. Audition de Georges Martres, 22 avril 1998. Cf. MIP, op. cit., Tome III, Auditions, Vol. 1, pp. 128-129. 0
49. Commission rogatoire internationale siégeant au TPIR, Interrogatoire de M. Théoneste Bagosora par le juge JeanLouis Bruguière, 18 mai 2000, pp. 116-117. 0
50. État-major des armées, Fiche No 543/DEF/EMA/ESG, 7 juillet 1998. Objet : Réponses aux demandes de la Mission
d’information parlementaire. Cf. MIP, op. cit., Tome II, Annexes, pp. 268-269. 0
51. Jean-Claude Lefort, Note no 19 à Bernard Cazeneuve, 20 octobre 1998. 0 ; Philippe Gaillard et Hamid Barrada,
« Rwanda : l’attentat contre l’avion présidentiel : Le récit en direct de la famille Habyarimana », Jeune Afrique, 28 avril
1994, p. 17. http://www.francerwandagenocide.org/documents/ja19940428Habyarimana.pdf ; Rapport d’enquête sur les
causes, les circonstances et les responsabilitês de l’attentat du 06/04/1994 contre l’avion prêsidentiel rwandais Falcon 50
No 9XR-NN, République du Rwanda, 20 avril 2009, pp. 53-54, 62, http://mutsinzireport.com ; Commission Nationale
Indépendante chargée de rassembler les preuves montrant l’implication de l’État Francais dans le génocide perpétré au
Rwanda en 1994, "Rapport", République du Rwanda, 15 novembre 2007, (Rapport Mucyo), Annexes, p. 36. 0
52. Roméo Dallaire, J’ai serré la main du diable - La faillite de l’humanité au Rwanda, Libre expression, 2003, pp. 289,
293-294.
53. Rapport Mutsinzi d’enquête sur l’attentat du 6 avril 1994, p. 73. 0

2

LE RÔLE DE LA FRANCE DANS LE GÉNOCIDE DES TUTSI

8

La France participe le 8 avril à la mise en place du gouvernement qui organise
le génocide
Cet attentat n’est que la première phase d’un coup d’État dans lequel la France joue une part active.
L’ambassadeur Marlaud ne protège pas le Premier ministre rwandais, Agathe Uwilingiyimana, qui est
assassinée le matin du 7 avril, à moins de 300 mètres de son ambassade.
Marlaud rencontre le colonel Bagosora, le 7 dans l’après-midi. Il lui fait abandonner son projet de
junte militaire que Bagosora n’avait pas réussi à imposer. 54 Ils s’entendent probablement sur la formation
d’un gouvernement civil formé par des membres du MRND et du Hutu Power, ces derniers étant issus
des fractions extrémistes des partis d’opposition à Habyarimana.
Ce Gouvernement intérimaire rwandais (GIR) est formé en un temps éclair, le 8 avril, pour camoufler
le coup d’État. Au moins une réunion pour le constituer s’est tenue à l’ambassade de France. 55 Sa
composition est en violation flagrante avec les Accords de paix d’Arusha car le FPR en est écarté. Mais
le 11 avril, l’ambassadeur Marlaud fait croire que le nouveau gouvernement est conforme aux Accords
d’Arusha : « En ce qui concerne le remplacement du président Habyarimana, le nouveau chef de l’État
par intérim est l’ancien président de l’Assemblée nationale, ce qui correspond aussi bien aux dispositions
de l’ancienne Constitution rwandaise qu’aux dispositions de l’accord d’Arusha lui-même, et la répartition
des ministères et des portefeuilles ministériels est restée identique à ce qu’elle était dans le cadre du
partage du pouvoir qui avait été prévu par les accords d’Arusha. » 56

Laisser faire le génocide
L’état-major à Paris rédige le 8 avril l’ordre d’opération Amaryllis qui reconnaît que la garde présidentielle s’est lancée à Kigali dans l’« arrestation » et l’« élimination des opposants et des Tutsi ». 57 Que
signifie l’élimination des Tutsi, sinon le génocide des Tutsi ? Les dirigeants français savent donc que le
génocide est commencé. De plus, ils contribuent à la formation de ce gouvernement d’extrémistes qui va
organiser les massacres. C’est le 8 avril que se situe le nœud de la complicité française.
Les militaires français débarqués le 9 avril ne font rien pour faire cesser les massacres de Tutsi. Après
avoir évacué les Européens et des extrémistes rwandais, les Français rembarquent le 13 avril, non sans
avoir laissé sur place quelques hommes. 58
Lors du Conseil restreint du 13 avril, François Mitterrand demande si « les massacres vont s’étendre ? ».
L’amiral Lanxade, chef d’état-major des armées, lui répond : « ils sont déjà considérables. Mais maintenant ce sont les Tutsis qui massacreront les Hutus dans Kigali. » 59 Pendant tout le génocide, celui-ci ne
cesse d’imputer les massacres aux Tutsi, qu’il assimile au FPR.
Comme Mgr Perraudin, l’ambassadeur Marlaud comprend les auteurs des massacres quand il écrit le
25 avril : « les Hutu, tant qu’ils auront le sentiment que le FPR essaie de prendre le pouvoir, réagiront
par des massacres ethniques. » 60 On voit ici le représentant de la France légitimer les massacres comme
une stratégie de défense pour dissuader l’envahisseur d’attaquer plus avant.

Soutenir nos alliés
Le ministre des Affaires étrangères du Gouvernement intérimaire rwandais et le principal idéologue du
parti extrémiste CDR sont reçus à Paris, à l’Élysée et à Matignon, le 27 avril. 61 Deux colonels arrivent
54. Audition de M. Jean-Michel Marlaud, 13 mai 1998. Cf. MIP, op. cit., Tome III, Auditions, Vol. 1, pp. 287-314. 0
55. Ibidem, pp. 296-297.
56. Afrique Midi, RFI, 11 avril 1994. Cf. Vanadis Feuille, Pierre-Edouard Deldique, Mission d’étude sur le Rwanda, Tome
II, p. 60. 0
57. Ordre d’opération Amaryllis, 8 avril 1994, déclassifié. Cf. MIP, op. cit., Tome II, Annexes, p. 344. 0
58. Entretien d’Olivier Lanotte avec le général Quesnot, janvier 2006. Cf. Olivier Lanotte, La France au Rwanda (19901994). Entre abstention impossible et engagement ambivalent, P.I.E Peter Lang, 2007, p. 369, note 107 ; Jean-Claude
Lafourcade, Guillaume Riffaud, Opération Turquoise, Perrin, 2010, pp. 29-30.
59. Conseil restreint du 13 avril 1994. Secrétariat : Colonel Bentégeat. 0
60. Jean-Michel Marlaud, Note du ministère des Affaires étrangères, 25 avril 1994, Attentat du 6 avril 1994. Cf. MIP, op.
cit., Tome II, Annexes, pp. 276-277. 0
61. Rwanda : Le rôle de la France dénoncé par les rebelles, Le Monde, 30 avril 1994, p. 6. 0

2

LE RÔLE DE LA FRANCE DANS LE GÉNOCIDE DES TUTSI

9

peu après pour organiser l’approvisionnement en armes et munitions, ainsi que des opérations de secours
au profit de l’armée rwandaise. 62
Le 6 mai, le général Quesnot écrit au président Mitterrand : « Sur le terrain le FPR refuse tout
cessez-le-feu et aura incessamment atteint ses buts de guerre [...]
A défaut d’une stratégie directe dans la région qui peut apparaître politiquement difficile à mettre en
œuvre, nous disposons des moyens et des relais d’une stratégie indirecte qui pourraient rétablir un certain
équilibre. » 63
Secrètement, Paris envoie des armes, 64 des conseillers militaires 65 et des mercenaires pour soutenir
ses alliés au Rwanda. 66

Au secours des assassins
Le 22 mai après la chute du camp militaire de Kanombe et de l’aéroport de Kigali, le président intérimaire Sindikubwabo, qui a déclenché les massacres de la région de Butare, remercie François Mitterrand
de son aide « jusqu’à ce jour » et lui lance un appel au secours. 67
Le 15 juin, après presque trois mois de massacres, François Mitterrand et Alain Juppé éprouvent
soudain le besoin d’intervenir militairement. Il s’agit en fait de répondre aux appels à l’aide de leurs alliés
qui sont mis en déroute par le FPR.
La France envoie au Rwanda une force militaire importante le 23 juin, munie d’un mandat des Nations
Unies. Le projet initial est d’empêcher la prise de Kigali par le FPR. 68 Mais la France en sera empêchée.
L’objectif devient alors de conserver un réduit hutu et de forcer le FPR à la table de négociations.
Décidés à arrêter l’offensive du FPR, les Français encouragent la lutte contre les infiltrés. Pendant
quatre jours, ils assistent à l’élimination des derniers survivants tutsi de Bisesero qu’ils décrivent à la
presse comme des combattants du FPR terrorisant la population. C’est l’intervention de journalistes et
la désobéissance de quelques militaires qui obligent le commandement à les « secourir » le 30 juin.
Suite à la prise de Kigali et de Butare, et peut-être bien aux conditions mises à la libération de
militaires français faits prisonniers par le FPR, la France est contrainte de limiter la zone qu’elle contrôle
au Sud-Ouest. 69 Cette zone permet aux troupes françaises de protéger le repli des forces génocidaires et
du Gouvernement intérimaire.
Le 4 juillet, les Français de l’opération Turquoise font cause commune avec les assassins pour faire
barrage au FPR à Gikongoro. 70 Ils affichent leur cynisme en installant leur camp dans l’école de Murambi,
à côté des fosses communes, d’où suinte le sang des Tutsi victimes du massacre du 21 avril. Les Français
demandent aux organisateurs du génocide de faire la chasse aux éléments du FPR infiltrés. 71
En libérant le camp d’extermination d’Auschwitz en 1945, l’Armée rouge ne s’est pas alliée avec les
SS contre les Anglo-américains. Mais à Gikongoro en 1994, la France s’est lliée avec les assassins pour les
protéger de ceux PR qui mettaient fin au génocide.
62. Lettre du lieutenant-colonel Ephrem Rwabalinda au ministre de la Défense, au chef d’état-major de l’armée rwandaise,
Gitarama, le 16 mai 1994. Objet : Rapport de visite fait auprès de la Maison militaire de coopération à Paris. Cf. L’Afrique
à Biarritz, Karthala, 1995, p. 129, 0 ; Lettre du lieutenant-colonel Cyprien Kayumba au ministre de la Défense à Bukavu
en date du 26 décembre 1994. Cf. MIP, op. cit., Tome II, Annexes, p. 566. 0
63. Note du général Quesnot à l’attention de Monsieur le Président de la République. Objet : Entretien avec le chef de
l’État intérimaire du Rwanda, 6 mai 1994. 0
64. Human Rights Watch, Rwanda/Zaire, Rearming with Impunity, May 1995, II The role of France. 0
65. Entretien avec le général Lafourcade, 16 février 2006. Cf. Gabriel Périès, David Servenay, Une guerre noire, La
Découverte, 2007, p. 324.
66. Contrat d’assistance, signé par le Premier ministre du Rwanda et par le capitaine Barril, 28 mai 1994. Cf. Sylvie
Coma, Rwanda : les bonnes affaires du capitaine Barril au temps du génocide, Charlie Hebdo, 9 septembre 2009, pp. 8-9. 0
67. Dr Théodore Sindikubwabo, Président de la République à Son Excellence Monsieur François Mitterrand, Kigali le
22 mai 1994. 0 ; Lettre transmise par le général Quesnot à l’attention de Monsieur le Président de la République. Objet :
Correspondance du docteur Théodore Sindikubwabo, Président par intérim du Rwanda, 24 mai 1994. 0
68. Au conseil restreint du 15 juin, François Mitterrand évoque deux ou trois sites, hôpitaux ou écoles à Kigali qui seraient
à protéger. 0
69. Le but de la mission Rufin - Prunier aurait été de négocier avec Paul Kagame la libération de prisonniers plutôt
que de lui offrir un téléphone satellite qu’il possédait déjà. Voir : Audition de Jean-Christophe Rufin, 25 mars 2004. Cf.
François-Xavier Verschave, L’horreur qui nous prend au visage, Karthala, 2005, pp. 398-405 ; Gérard Prunier, Rwanda : le
génocide, Dagorno, 1997, pp. 348-350.
70. François Luizet, La France décide de s’interposer, Le Figaro, 5 juillet 1994, p. 6.
71. François Luizet, Les Français verrouillent leur dispositif, Le Figaro, 6 juillet 1994 ; Désiré Ngezahayo, Témoignage
sur le rôle des Français de Turquoise à Gikongoro, Rapport Mucyo, pp. 241-242. 0

3

L’INSTRUMENTALISATION DES NATIONS UNIES PAR LA FRANCE

10

Certains Tutsi sont protégés par les Français mais d’autres se font massacrer par leurs alliés. Cette
« zone humanitaire » permettra aux auteurs du génocide de s’enfuir au Zaïre.
Le FPR prend Gisenyi le 17 juillet et un nouveau gouvernement est formé le 19 juillet. La France
occupera le Sud-Ouest du Rwanda jusqu’au 20 août.

3

L’instrumentalisation des Nations Unies par la France

Jusque 1962, les Nations Unies, suite à la Société des Nations (SDN), avaient confié la tutelle du
Rwanda à la Belgique. Elles n’ont rien fait qui nuise aux intérêts belges. Le Mwami du Rwanda a été
empêché par ceux-ci de se rendre au siège de l’Organisation des Nations Unies (ONU).

Transformer les soldats français en Casques bleus
Face à l’échec militaire de l’armée rwandaise de février 1993, François Mitterrand propose d’envoyer
une force de l’ONU pour faire « interposition » entre le FPR et les FAR. « Nos soldats peuvent se
transformer en soldats des Nations Unies », dit-il en mars 1993. 72 Le 27 septembre 1993, il écrit au
président Clinton pour qu’il accepte de voter en faveur de la résolution créant la Mission des Nations
Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR). 73 Celle-ci est créée en octobre. 74 Mais le FPR s’oppose
à la participation de soldats français.
La France va alors contrecarrer le travail de la MINUAR en livrant des armes aux FAR comme
cette cargaison d’armes en provenance de Châteauroux le 18 janvier 1994 75 et en leur conseillant de
dissimuler des armes lourdes. 76 En mars 1994, la France demande le remplacement du général Dallaire
au gouvernement canadien. 77

Le poids de la France aux Nations Unies
La France est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies. Après les indépendances
de ses colonies, elle a su en garder le contrôle de presque toutes. Donc, plus de vingt États votent comme
elle à l’Assemblée générale.
Le secrétaire général Boutros Boutros-Ghali doit son poste pour une grande part à François Mitterrand, qui a soutenu sa candidature contre les États-Unis. 78 Il choisit comme représentant spécial au
Rwanda, chargé de diriger la MINUAR, Jacques Roger Booh-Booh, ancien ambassadeur du Cameroun
en France. C’est peu dire que celui-ci n’a pas été à la hauteur des événements. 79 Boutros Boutros-Ghali
lui-même avait favorisé en octobre 1990 un accord de vente d’armes de l’Égypte au Rwanda, quand il
était ministre des Affaires étrangères. 80
À cette époque, les décisions importantes du Conseil de sécurité sont prises par les États-Unis, la
Grande Bretagne et la France, la Russie jouant un rôle mineur. Selon l’ambassadeur de France à Washington, le Rwanda reste une affaire secondaire pour la diplomatie américaine qui affirme « tenir compte
de notre “leadership” dans la formulation de leur politique. » 81
En janvier 1994, le Rwanda devient membre non permanent du Conseil de sécurité. Ceci est anormal
puisque ce pays faisait l’objet d’une opération de maintien de la paix des Nations Unies. 82 Cette présence
est un facteur primordial qui expliquera la paralysie de l’ONU.
72. Conseil restreint, mercredi 3 mars 1993. 0
73. Le Président de la République à S.E. Monsieur William J. Clinton, Président des États-Unis d’Amérique, 27 septembre
1993. 0
74. Résolution 872 du Conseil de sécurité, 5 octobre 1993, ONU, S/RES/872 (1994). 0
75. Lieutenant Nees, S2, KIBAT, Rapport sur l’enquête du 21 janvier concernant le fret suspect d’un avion cargo ayant
atterri à l’aéroport international de Kigali, 22 janvier 1994. Cf. TPIR, ICTR-98-41-T, Exhibit no DNT 28, Date admitted :
27-1-2004, Tendered by : Defense, Name of Witness : Dallaire. 0
76. Interview de Gonzague Habimana par Cécile Grenier, traduction de Vénuste Kayimahe, 31 décembre 2002. 0
77. Roméo Dallaire, op. cit., p. 274.
78. Linda Melvern, A people betrayed - The role of the West in Rwanda’s genocide, Zed Books, 2000, p. 75.
79. Ingvar Carlsson, Rapport de la Commission indépendante d’enquête sur les actions de l’Organisation des Nations
Unies lors du génocide de 1994 au Rwanda, 16 décembre 1999, ONU, S/1999/1257, section 15, p. 52. 0
80. Linda Melvern, op. cit., p. 31. 0
81. Jacques Andréani, ambassadeur de France à Washington, 9 juin 1993.
82. Ingvar Carlsson, op. cit., III-Conclusion, section 18.

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L’INSTRUMENTALISATION DES NATIONS UNIES PAR LA FRANCE

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La France soutient les extrémistes CDR au Conseil de sécurité
Le 5 avril 1994, veille de l’attentat contre l’avion du président, le représentant de la France au Conseil
de sécurité, Jean-Bernard Mérimée, demande explicitement la participation de la Coalition pour la défense
de la République (CDR) à l’Assemblée nationale transitoire. 83 Ce parti CDR est celui des extrémistes
qui orchestreront le génocide.

Les Nations Unies ne seront pas informées de l’intervention française
Le 7 avril à Paris, une réunion interministérielle décide de ne pas se mettre en première ligne et
de se limiter à demander que la MINUAR remplisse sa mission de sécurité. 84 Ce matin-là à Kigali, les
conseillers militaires français n’empêchent pas les militaires rwandais de tirer sur les Casques bleus avec
des automitrailleuses fournies par la France. 85 Dix Casques-bleus belges sont lynchés à mort au camp
Kigali où se trouvent des Français. 86
Le 8 avril, la France décide d’envoyer des troupes à Kigali. Le général Quesnot précise : « M. Boutros
Ghali sera dans un premier temps sensibilisé à la situation sur place et ne sera informé de l’opération
qu’au moment de son exécution afin de ne pas en compromettre la sécurité. La même démarche sera faite
auprès des autres membres du Conseil de Sécurité. » 87
Alors que les dirigeants français savent qu’il y a un génocide, ils déclenchent une opération militaire
sans prévenir les instances des Nations Unies. Cette opération n’a donc pas pour but de mettre fin au
génocide, ce à quoi la France y est tenue en tant que signataire de la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide.
Le soir du 8 avril, M. Mérimée, ambassadeur de France à l’ONU, s’adresse au représentant belge M.
Noterdaeme, au nom de son collègue M. Bizimana, représentant du Rwanda, pour dissuader la Belgique
d’envoyer des troupes à Kigali. 88

Le rapport falsifié de Boutros Boutros-Ghali
Dans son rapport du 20 avril, le Secrétaire général Boutros-Ghali falsifie les faits et inverse leur
chronologie. 89 Il omet de dire que c’est la garde présidentielle qui a attaqué le bataillon du FPR stationné
à Kigali, contrairement à ce qu’a écrit le général Dallaire 90 et ce que reconnaît l’état-major français. 91 Il
affirme au contraire que c’est le FPR qui a attaqué la garde présidentielle. Il place la sortie du FPR avant
l’assassinat du Premier ministre, prétendant ainsi prouver que c’est lui qui a déclenché les hostilités. Il
diminue la responsabilité de la garde présidentielle et de l’armée rwandaise en attribuant les massacres
à des éléments insubordonnés. Il innocente le nouveau Gouvernement intérimaire en disant qu’il « s’est
révélé incapable d’asseoir son autorité ». Il affirme que « le pouvoir s’est effondré », masquant ainsi le
coup d’État du colonel Bagosora, qui a refusé devant le représentant spécial M. Booh-Booh de reconnaître
l’autorité du Premier ministre et l’a fait assassiner.
83. 3358e séance du Conseil de sécurité, ONU S/PV.3358 p. 6. 0
84. Note de Bruno Delaye à l’attention de Monsieur le Président de la République. Objet : Attentat contre les Président
[sic] du Rwanda et du Burundi, 7 avril 1994. 0
85. Rapport de la commission Kigali - Commission d’enquête parlementaire du Sénat belge 1-611/12 - 1997/1998, p. 22.
0
86. Le commandant de Gouvello était affecté au bataillon de reconnaisance (RECCE), cantonné au camp Kigali. Cf.
République Rwandaise, Ministère de la Défense nationale, Armée rwandaise, État-major, G1, Kigali le 05 mars 1994.
Objet : Situation officiers armée rwandaise arrêtée au 01 mars 1994, pp. 8-9, 0
87. Général Quesnot, Note à l’attention de Monsieur le Président de la République. Objet : Rwanda - Sécurité de nos
ressortissants, 8 avril 1994. 0
88. Commission d’enquête parlementaire du Sénat belge 1-611/7, section 3.8.3.1, p. 537. 0
89. Rapport spécial du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda, 20 avril 1994,
ONU, S/1994/470. 0
90. Jacques-Roger Booh-Booh, An Update on the Current Situation in Rwanda and Military Aspects of the Mission, 8
April 1994, section 13, TPIR, Case No : ICTR-98-41-T Exhibit No : P. 43 (a) Date admitted : 18-09-2002. 0
91. Ordre d’opération Amaryllis, 8 avril 1994, déclassifié. Cf. MIP, op. cit., Annexes, p. 344. 0

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L’INSTRUMENTALISATION DES NATIONS UNIES PAR LA FRANCE

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Réduire la MINUAR
La position de la France en faveur de la réduction des effectifs de la MINUAR est arrêtée dès le
Conseil restreint du 13 avril. Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères déclare en présence du Premier
ministre Edouard Balladur : « Aux Nations Unies, le Secrétaire général doit rendre demain son rapport.
Trois solutions sont envisageables : le maintien de la MINUAR, sa suspension avec le maintien éventuel
d’un contingent symbolique ou un retrait total. Les Belges sont favorables à une suspension et c’est aussi
mon avis. » Et le président Mitterrand répond : « Je suis d’accord. » 92
Le 21 avril, jour de grands massacres, Hervé Ladsous, représentant de la France, vote avec l’unanimité
des membres du Conseil de sécurité la diminution des effectifs des Casques bleus de la MINUAR à 270,
de sorte que les massacres se dérouleront sans témoin. 93 Au Rwanda, les Tutsi doivent alors abandonner
toute espérance. En revanche tous les espoirs de M. Ladsous ont été exaucés. Depuis 2011, il est Secrétaire
général adjoint de l’ONU, chargé des opérations de maintien de la paix.

« Nos soldats ne peuvent pas être les arbitres internationaux des passions »
Le 10 mai, dans une interview sur deux chaînes de télévision, le président Mitterrand expose ses
raisons de ne pas intervenir au Rwanda : « Nous ne sommes pas destinés à faire la guerre partout, même
lorsque c’est l’horreur qui nous prend au visage. Nous n’avons pas le moyen de le faire et nos soldats ne
peuvent pas être les arbitres internationaux des passions qui, aujourd’hui, bouleversent, déchirent tant et
tant de pays. Alors, nous restons à la disposition des Nations Unies. »
Il accuse celles-ci pour masquer ses responsabilités :
« Les Nations Unies qui s’étaient emparées de ce problème, devant la violence des combats, l’assassinat
des deux présidents du Rwanda et du Burundi et les avancées du mouvement d’opposition, appuyé par un
pays voisin, l’Ouganda – tout cela à cause des affinités ethniques –, les Nations Unies se sont retirées.
Eh bien, nous n’avons pas à nous y substituer, ce n’est pas notre rôle. » 94

Une guerre et non un génocide
Suivant le point de vue du gouvernement rwandais et de la France, pendant tout le génocide, le Conseil
de sécurité ne verra qu’une guerre et exigera en priorité un cessez-le-feu entre les parties et le retour à
des négociations sur la base des Accords d’Arusha. Le 14 juillet, alors qu’il n’y a plus aucun doute sur le
rôle du Gouvernement intérimaire rwandais et de son armée dans le génocide des Tutsi, Hervé Ladsous,
représentant de la France par intérim, obtient une déclaration du président du Conseil de sécurité exigeant
un cessez-le-feu. 95
Le Conseil de sécurité aurait dû en premier lieu expulser de son sein le représentant de ce gouvernement
génocidaire.

Le discours d’un génocidaire au Conseil de sécurité
La réception le 27 avril à Paris de Jérôme Bicamumpaka, ministre des Affaires étrangères du Gouvernement intérimaire rwandais, permet à celui-ci de participer à la réunion du Conseil de sécurité des
Nations Unies le 16 mai. Prenant la parole, Bicamumpaka justifie les massacres actuels par des rappels
historiques sur la domination tutsi : « La haine qui éclate maintenant s’est forgée au cours de quatre
siècles de domination cruelle et impitoyable de la majorité hutue par une minorité tutsie altière et dominatrice. » 96 Il accuse le FPR d’avoir « pris sur lui la responsabilité de tuer le Chef de l’État rwandais »,
d’avoir repris les hostilités et d’avoir perpétré des « massacres systématiques et sélectifs de populations
civiles ». 97
92. Conseil restreint du 13 avril 1994. Secrétariat : Colonel Bentégeat. 0
93. Conseil de sécurité, Résolution 912 (1994), 21 avril 1994, ONU S/RES/912 (1994). 0 ; 3368e séance du Conseil de
sécurité, 21 avril 1994, S/PV.3368, p. 6. 0 ; Hervé Ladsous, TD DFRA New York 1907. Objet : Réduction des effectifs de
la MINUAR , 22 avril 1994. 0
94. « J’ai fait ce que j’ai cru devoir faire », déclare François Mitterrand, Le Monde, 12 mai 1994, pp. 8-9.
95. Hervé Ladsous, Lettre au Président du Conseil de sécurité, 14 juillet 1994. Cf. ONU, S/1994/823. 0 ; Conseil de sécurité
ONU, Déclaration du président du Conseil de sécurité, ONU, 14 juillet 1994. 0
96. Conseil de sécurité, 16 mai 1994, ONU S/PV.3377, p. 3. 0
97. Ibidem, p. 4.

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L’INSTRUMENTALISATION DES NATIONS UNIES PAR LA FRANCE

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Il justifie le génocide par des motifs proches de ceux de Mgr Perraudin : « Le peuple rwandais a
fait une révolution sociale en 1959, dirigée contre le pouvoir autocratique de la minorité tutsie et le joug
étouffant de la féodalité. Aucun peuple, si docile soit-il, ne peut accepter le retour à l’asservissement. » 98
M. Keating, représentant de la Nouvelle Zélande, est le seul à dire que Bicamumpaka n’est que le porte
parole d’une faction et n’aurait pas dû prendre place à cette table. 99 M. Kovanda pour la République
Tchèque estime que la situation au Rwanda n’est pas une crise humanitaire mais un génocide. 100

La MINUAR II doit s’interposer
Se ressaisissant, Boutros Boutros-Ghali propose d’envoyer au Rwanda une nouvelle MINUAR. 101 La
France exige que celle-ci dispose du droit d’utiliser la force « pour dissuader ou repousser militairement sur
le terrain ceux qui assailliraient les réfugiés pour les massacrer. » 102 Pour elle, les « réfugiés » sont aussi
les Hutu fuyant l’avance du FPR. Elle exige également que des « zones humanitaires sûres » soient créées
dans Kigali. Le président Mitterrand réclame une force qui puisse « s’interposer entre les combattants »
et promet une aide logistique. 103 À ses yeux, cette force devrait non pas mettre fin au génocide perpétré
hors des zones de combat, mais arrêter la guerre que ses alliés rwandais sont en train de perdre face au
FPR. La France n’apportera aucun soutien à la MINUAR II.

Non respect de l’embargo sur les armes
Le 17 mai 1994, le Conseil de sécurité de l’ONU décrète un embargo sur les armes à destination du
Rwanda. La France contournera cet embargo à plusieurs reprises en faisant acheminer des armes par le
Zaïre, même durant l’opération Turquoise. 104

L’opération Turquoise
Le 22 juin, la France réussit à obtenir un mandat sous chapitre VII du Conseil de sécurité pour une
mission « strictement humanitaire [...] qui sera menée de façon impartiale et neutre ». Cette résolution 929
est adoptée avec cinq abstentions. 105 Remarquons que la MINUAR ne dispose pas de ce droit d’utiliser
la force. Le terme de génocide n’apparaît pas dans le texte de la résolution. Sa présence aurait obligé
la France à se conformer à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
La résolution est rédigée en termes suffisamment vagues pour camoufler les buts réels de l’opération.
Les populations en danger que l’opération vise à protéger englobent les auteurs du génocide qui sont
pourchassés par le FPR.

La zone humanitaire « sûre »
Le 4 juillet, la France décide d’instaurer une « Zone humanitaire sûre » dans le Sud-Ouest du Rwanda.
Pour cela, elle ne sollicite aucun mandat du Conseil de sécurité. L’instauration de cette zone fait barrage
à l’offensive du FPR. Elle est ainsi en contradiction avec la résolution 929 qui stipulait que l’opération
« ne constituera pas une force d’interposition entre les parties ».
Dans cette zone, le génocide se poursuit. Sur instruction de Paris, il n’y aura pas de désarmement des
forces gouvernementales ni des milices. 106
98. Ibidem, p. 5.
99. Ibidem, p. 12.
100. Ibidem, p. 16.
101. Rapport du Secrétaire général sur la situation au Rwanda, 13 mai 1994, ONU S/1994/565. 0
102. MIP, op. cit., Rapport, p. 290.
103. MM. Clinton et Mitterrand prêts à soutenir une force africaine d’interposition au Rwanda, AFP, 7 juin 1994.
104. Gérard Prunier, Rwanda : le génocide, Dagorno, 1997, pp. 332, 342 ; Michel Muller, Trafic d’armes via Paris, L’Humanité, 31 mai 1994 ; Stephen Smith, Les mystères de Goma, refuge zaïrois des tueurs rwandais, Libération, 4 juin 1994,
p. 15 ; Human Rights Watch, Rwanda/Zaire, Rearming with Impunity, May 1995, II The role of France.
105. Conseil de sécurité, Résolution 929, 22 juin 1994, ONU, S/RES/929 (1994). 5 membres du Conseil de sécurité sur 15
s’abstiennent : Brésil, Chine, Nouvelle-Zélande, Nigeria, Pakistan. 0
106. Note du général Quesnot et de Bruno Delaye à l’attention de Monsieur le Président de la République, 4 juillet 1994.
Objet : Rwanda : Comité restreint du 4 juillet 1994. C’est nous qui mettons en gras. 0

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L’INSTRUMENTALISATION DES NATIONS UNIES PAR LA FRANCE

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De même, il n’y aura pas d’arrestations de présumés coupables, car cela « ne relève pas du mandat
qui nous a été donné », dit le Quai d’Orsay. 107
Ceci est en complète contradiction avec le concept de zone humanitaire des Nations Unies où, hormis
les Casques bleus, toute personne doit être désarmée.

Refus d’arrêter le gouvernement génocidaire
Le 11 juillet, le général Lafourcade, commandant de l’opération Turquoise, déclare que les ministres
du Gouvernement intérimaire rwandais, seraient le cas échéant accueillis dans la “zone humanitaire sûre”. « Les soldats français les accueilleraient comme de simples réfugiés », dit-il, ajoutant qu’« il serait du ressort d’une enquête internationale de déterminer qui est responsable des massacres commis au
Rwanda. » 108 Ceux-ci viennent se réfugier à Cyangugu dans la zone humanitaire le 15 juillet. Un ordre
est donné de ne pas les arrêter. 109 Hervé Ladsous signale leur présence au Conseil de sécurité. 110 Le
16 juillet, Alain Juppé fait dire que « notre mandat ne nous autorise pas à les arrêter de notre propre
autorité. Une telle tâche pourrait être de nature à nous faire sortir de notre neutralité, meilleure garantie
de notre efficacité. » 111 Ils y restent jusqu’au 18 juillet, jour où le colonel Hogard organise l’exfiltration
au Zaïre des membres de ce gouvernement, alors que leur responsabilité dans les massacres est devenue
publique. 112
Les rares criminels qui sont arrêtés sont libérés au départ de Turquoise. Aucun ne sera remis aux
Casques bleus de l’ONU, comme l’y obligeait l’article VI de la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide.

La France ordonne au représentant du Rwanda de se retirer du Conseil de
sécurité
Jean-Damascène Bizimana, le représentant du Gouvernement intérimaire rwandais, siège toujours au
Conseil de sécurité. Madeleine Albright, représentante des États-Unis, s’en était inquiétée le 15 juin, parce
que la perspective qu’il prenne à son tour la présidence du Conseil était gênante, étant donné que, selon
plusieurs ambassadeurs, le rapport du Secrétaire général du 31 mai 113 établissait que le gouvernement
rwandais était responsable du génocide. 114 C’est le représentant français qui le fait partir le 18 juillet. 115
La France a donc soutenu jusqu’au bout ce gouvernement génocidaire.

Empêcher la reconnaissance du génocide
Le gouvernement français a tout fait pour empêcher la reconnaissance du génocide des Tutsi. Il en
était pourtant informé dès le 8 avril. Des journalistes parlent de génocide dès le 11 avril. 116
Le 13 avril 1994, le FPR écrit à Colin Keating, président du Conseil de sécurité, pour dénoncer le
génocide en cours au Rwanda et déplorer l’inaction de la communauté internationale. Il lui demande de
constituer un tribunal pour juger les coupables de ces crimes contre l’humanité. 117
Le 30 avril 1994, en dépit des efforts de Colin Keating, la qualification des massacres en génocide est
retirée de sa déclaration présidentielle sur la situation au Rwanda. 118 Le 2 mai, le général Quesnot écrit
107. Note du Quai d’Orsay en date du 7 juillet 1994. Cf. MIP, op. cit., Tome II, Annexes, p. 447. 0
108. Lafourcade - Nous accueillerons les ministres hutus., Reuters, 11 juillet 1994. 0
109. Dépêche Reuters du 15 juillet 1994 surchargée par Hubert Védrine. 0
110. Hervé Ladsous, Lettre au Président du Conseil de sécurité, 15 juillet 1994. Cf. ONU, S/1994/832. 0
111. Déclaration du ministère des Affaires étrangères du 16 juillet 1994. MIP, op. cit., Rapport, p. 325.
112. Képi blanc, no 549, octobre 1994, page 6 du cahier spécial « Ruanda » ; 0
113. Rapport du secrétaire général sur la situation au Rwanda (Mission de M. Iqbal Riza et du général J. Maurice Baril
au Rwanda), 31 mai 1994, ONU, S/1994/640. 0
114. Madeleine Albright, Rwandan Amb Not Acceptable As Sc President, US DOS, 15 juin 1994. 0
115. Ministère des Affaires étrangères, Direction des affaires africaines et malgaches, Paris, 19 juillet 1994, No 1991/DAM,
A/S : Rwanda, réunion du 19 juillet 1994. Cf. MIP, op. cit., Tome II, Annexes, p. 462. 0
116. Jean-Philippe Ceppi, Kigali livré à la fureur des tueurs hutus, Libération, 11 avril 1994 0 ; Madeleine Mukabamano,
« C’est un véritable génocide », Le Parisien, 11 avril 1994. Propos recueillis par Bruno Fanucchi. 0
117. Claude Dusaïdi à Colin Keating, New York, 13 avril 1994. Cf. From Annan to Booh-Booh/Dallaire, 13 April 1994,
TPIR. 0
118. Linda Melvern, op. cit., p. 179.

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CONCLUSION

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à François Mitterrand que « aux Nations Unies, la France a dû s’opposer à une condamnation partisane
des seules exactions commises par les forces gouvernementales. » 119
Notons que des pays comme les États-Unis savaient qu’il y avait un génocide 120 mais se sont refusés de
prononcer le mot, car, échaudés par la Somalie, ils se refusaient à envoyer des troupes dans des opérations
de l’ONU.
Le 28 juin, en pleine opération Turquoise, le génocide des Tutsi est officiellement reconnu par René
Degni-Ségui, rapporteur spécial de la Commission des Droits de l’homme de l’ONU. 121
Le 1er juillet, le Conseil de sécurité adopte une résolution proposée notamment par la France, qui ne
retient pas qu’il y a un génocide, mais prie le Secrétaire général « de nommer d’urgence une commission
impartiale d’experts ». 122
Le 1er août, Boutros Boutros-Ghali nomme cette commission. 123 Ce n’est qu’en septembre qu’elle se
rendra au Rwanda !
Le 4 octobre, celle-ci arrive aux mêmes conclusions que René Degni-Ségui. Mais les assassins sont à
l’abri au Zaïre.
Le 8 novembre 1994, le Conseil de sécurité décide de la création d’un Tribunal pénal international
pour le Rwanda (TPIR) mais il ne jugera que des actes de génocide commis durant l’année 1994. Cette
limitation temporelle interdit d’examiner la planification du génocide. Elle serait due au représentant de
la France, Jean-Bernard Mérimée. 124

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Conclusion

L’Église catholique, voulant garder son emprise sur le Rwanda, a répandu la haine raciale et, quand
celle-ci s’est transformée en massacres, elle n’a rien fait pour les arrêter et en a défendu ses auteurs.
La France a utilisé ce racisme anti-tutsi afin d’étendre sa domination sur le Rwanda. Pour s’y maintenir, elle a soutenu les tueurs jusqu’au bout en sachant dès 1990 que leur but était l’élimination des
Tutsi. Elle a utilisé son siège au Conseil de sécurité pour permettre l’accomplissement de ce génocide.
Elle a transformé la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide en un chiffon de
papier. Mais la présence d’un gouvernement auteur de génocide à la table du Conseil de sécurité constitue
aussi un précédent scandaleux pour l’Organisation des Nations Unies.
François Mitterrand, prétendant le 22 juin 1994 devant ses ministres, dont une rescapée d’Auschwitz,
que « si ce pays devait passer sous la domination tutsie [...] il est certain que le processus de démocratisation serait interrompu », 125 a atteint là le sommet de la perversion. Lui, qui n’a consulté personne
d’autre que ses militaires pour nous engager dans cette guerre raciale, a voulu faire croire que la défense
de la démocratie dans un autre pays imposait de soutenir les auteurs d’un génocide. Son machiavélisme
a fait plus d’un million de morts.

119. Christian Quesnot, chef de l’état-major particulier, Note du 2 mai 1994 à l’intention de Monsieur le Président de la
République. Objet : Votre entretien avec M. Léotard, lundi 2 mai. Situation, p. 2. 0
120. Monique Mujawamariya, Alison Des Forges et Kenneth Roth de Human Rights Watch se sont entretenus le 22 avril
avec Madeleine Albright, ambassadeur étatsunien à l’ONU. Des Forges lui a dit que la campagne systématique des Forces
armées rwandaises pour éliminer les Tutsi était un génocide. Cf. Madeleine Albright, Rwandan Human Rights Defender
Mujawamariya Calls On Ambassador Albright, Urges Continuation of UNAMIR Presence in Rwanda, April 22, 1994. 0
121. Rapport sur la situation des droits de l’homme au Rwanda, soumis par M. R. Degni-Ségui, Rapporteur spécial de la
Commission des droits de l’homme, en application du paragraphe 20 de la résolution 1994 S-3/1 de la Commission, en date
du 25 mai 1994. ONU, E/CN.4/1995/7, 28 juin 1994. 0
122. Conseil de sécurité, Résolution 935, 1er juillet 1994, ONU S/RES/935 (1994). 0
123. Monique Mas, Paris-Kigali 1990-1994 ; Lunettes coloniales, politique du sabre et onction humanitaire pour un génocide en Afrique, L’Harmattan, 1999, p. 489.
124. Conseil de sécurité, 3453e séance, S/PV.3453, p. 3. 0
125. Déclaration de François Mitterrand au Conseil des ministres, 22 juin 1994. 0

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