Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Citation
Aloys NTIWIRAGABO
Col. BEMSG
TEMOIGNAGE SUR L'ASSASSINAT
DES 10 CASQUES BLEUS BELGES AU
CAMP KIGALI LE 07 AVRIL 1994
ASSASSINAT DES CASQUES BLEUS BELGES
TEMOIGNAGE SUR L’
J'étais G2 à l'Etat-Major de l'Armée Rwandaise (EMAR) en 1994
jusqu'à l'exode du peuple Rwandais vers l'exil en Juillet 1994. C'est en
cette qualité de Chef des Renseignements Militaires que j'ai mené
personnellement l'enquête pour établir la vérité et non par
amateurisme. Cependant, je n'étais pas au Rwanda lors du
déclenchement des tragiques événements qui ont endeuillé notre pays
le Rwanda, à savoir l'assassinat des Présidents Juvénal
HABYARIMANA du Rwanda et Cyprien NTARYAMIRA du
Burundi, le 06 Avril 1994, le massacre des 10 casques bleus belges et
l'assassinat du Premier Ministre Agathe UWILINGIYIMANA le 07
Avril 1994, la reprise généralisée des hostilités par le Front Patriotique
Rwandais (FPR) le 07 Avril 1994 et les massacres interethniques à
travers tout le pays qui en ont résulté.
Je participais à la réunion du Comité Consultatif Permanent des
Nations Unies sur les Questions de Sécurité en Afrique Centrale qui se
tenait à YAOUNDE (CAMEROUN) du 04 au 08 Avril 1994. Parti le
03 Avril, je suis rentré au pays le 09 Avril 1994 soir avec le Ministre
de la Défense Nationale, Monsieur Augustin BIZIMANA, notre chef
de délégation. A mon arrivée le désordre était déjà total. Il n'y avait
pas moyen de retrouver les témoins dans l'immédiat.
Par ailleurs, la situation de guerre pérennisée par le FPR n'a pas
permis d'enquêter sereinement et dans les brefs délais sur ces
événements qui ont marqué un tournant tragique dans l'histoire de
notre pays. Pourtant, certains cas auraient pu être élucidés sans
beaucoup de difficultés si le FPR avait accepté le cessez-le-feu lui
proposé par les Forces Armées Rwandaises (FAR). En effet, ce n'est
que l'arrêt des combats qui allait permettre à la partie gouvernementale
de disponibiliser les Troupes de Maintien et de Rétablissement de
l'Ordre et aux services concernés d'avoir la liberté d'action et de
mouvement pour mener des enquêtes. C'est bien beaucoup plus tard
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que j'ai pu rechercher les témoins pour reconstituer la suite des
événements en écartant autant que possible des spéculations.
Le Commandant du Camp Kigali, le Lieutenant-Colonel Laurent
NUBAHA, chargé de rassembler les premiers éléments d'enquête sur
le massacre des casques bleus belges a été parmi les personnes
éprouvées de la première heure, sa famille étant exterminée par
l'Armée Patriotique Rwandaise (APR) à Remera le 08 Avril 1994. De
même la commission d'enquête désignée et présidée par le Colonel
Joseph MURASAMPONGO alors G1 à l'EMAR n'a pas pu pousser
loin les investigations. Tandis que les services G2 n'ont pas pu se
dégager des opérations pour s'occuper des enquêtes. Toutefois,
soucieux de contribuer à la recherche de la vérité sur le drame
rwandais, j'ai poursuivi mes investigations en exil.
Concernant le massacre des casques bleus, mon travail ne se
limite évidemment qu'aux auditions des militaires rwandais qui étaient
en exil au NORD et au SUD - KIVU au ZAIRE. Je ne pouvais pas
accéder aux casques bleus "Noirs" (Ghanéens probablement) qui
montaient la garde avec les gendarmes rwandais chez le Premier
Ministre, ni aux casques bleus observateurs du Camp Kigali, ni à
Madame le Chargé d'Affaires de l'Ambassade des Etats Unis qui était
voisine de Madame le Premier Ministre et qui peut avoir suivi de près
ou de loin le désarmement et l'embarquement des 10 casques bleus
belges avec 4 ou 5 casques bleus Noirs. J'ai pu trouver et interroger:
Quatre gendarmes rwandais qui étaient de garde chez le
Premier Ministre et notamment le Sergent-Major (SM)
GASAMAZA alors chef de poste, le Premier-Sergent (1Sgt)
BAHIZI alors chauffeur de permanence, le Caporal (Cpl)
UWILINGIYIMANA, sentinelle et le caporal de pose dont je
ne me souviens plus le nom.
Le Major Bernard NTUYAHAGA alors Officier au service
G4 à l'EMAR qui a pris les casques bleus au carrefour situé
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ASSASSINAT DES CASQUES BLEUS BELGES
TEMOIGNAGE SUR L’
près de la Résidence du Premier Ministre et les a déposés au
Camp Kigali.
Le Lieutenant-Colonel Emmanuel KANYANDEKWE alors
Officier au service G3 à l'EMAR qui est intervenu en vain.
L'Adjudant-Chef Ephrem KAGANGO adjoint du chef de
Section Renseignement Généraux au service G2 à l'EMAR
qui est aussi intervenu en vain.
Le Sous-lieutenant NGANGO, Officier au service G4 à
l'EMAR qui se trouvait au corps de garde du Camp Kigali au
moment où le Major NTUYAHAGA a déposé les casques
bleus au Camp Kigali, et a constaté l'attaque de ces derniers
par des invalides de guerre.
Je me suis entretenu également avec le Lieutenant-Colonel
Laurent NUBAHA alors Commandant du Camp Kigali, le LieutenantColonel Jean Marie Vianney NDAHIMANA alors Commandant de la
Base et le plus ancien des Commandants d'Unités du Camp Kigali qui
sont intervenus et le Colonel Joseph MURASAMPONGO alors G1,
Président de la Commission d'Enquête et le plus ancien des Chefs de
service à l'EMAR qui était à Kigali durant les événements.
Malheureusement, le dossier que j'avais constitué a disparu avec
la destruction des camps des réfugiés de l'Est du ZAIRE; les personnes
ci-haut citées se sont dispersées ou ont péri sous les bombes ou les
balles des "Rebelles de Laurent Kabila". C'est pourquoi je ne pourrais
que fournir le résumé de mes investigations. Mais hélas, mes
investigations n'ont pas abouti à la découverte ou à l'identification des
coupables. Par contre, elles permettent de conclure à l'innocence du
Major Bernard NTUYAHAGA et du Colonel BEMS Théoneste
BAGOSORA qui ne sont que des boucs émissaires. La preuve en est
que moi-même, le FPR a tenté de m'impliquer dans le massacre des
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casques bleus tout en se trompant sur mon grade, ma fonction et sur
l'orthographe de mon nom, en disant que c'était moi le Commandant
du Camp Kigali et que j'ai donné l'ordre de tuer les casques bleus,
alors que je n'étais même pas au Rwanda. La Radio Kigali en a fait
écho le 31 Mai et le 01 Juin 1995.
Pour mener mes investigations, j'ai interrogé les témoins
séparément dans leurs camps respectifs:
Le SM GASAMAZA était au camp KASHUSHA
(BUKAVU).
Le 1Sgt BAHIZI était au camp KITUKU transféré au LAC
VERT (GOMA).
Le Cpl UWILINGIYIMANA était au camp INERA
(BUKAVU).
Le Caporal de pose était au camp BULONGE (BUKAVU).
Le Lt Col NUBAHA était au camp KASHUSHA
(BUKAVU).
Le Lt Col NDAHIMANA était au camp PANZI
(BUKAVU).
Le SLt NGANGO était au camp NYAKAVOGO
(BUKAVU).
Le Lt Col KANYANDEKWE était au camp MUGUNGA
(GOMA).
Le Col MURASAMPONGO était au camp MUGUNGA
(GOMA).
Le Major NTUYAHAGA était dans ville de BUKAVU.
Selon leurs déclarations et particulièrement celles du SM
GASAMAZA qui était chef de poste, les gendarmes disent que les 10
casques bleus belges sont arrivés à la Résidence du Premier Ministre le
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ASSASSINAT DES CASQUES BLEUS BELGES
TEMOIGNAGE SUR L’
07 Avril 1994 vers 03 heures du matin à bord de trois jeeps ILTIS
d'escorte. Au moment où les jeeps s'arrêtent à l'entrée, il y a ouverture
du feu en rafales en provenance d'une direction inconnue. Les casques
bleus débarquent et se plaquent au sol. Une jeep se sauve et deux
autres restent. L'un des casques bleus rampe et s'approche du portail.
Il dit à la sentinelle de faction qu'ils sont appelés par le Premier
Ministre. La sentinelle appelle le chef de poste. A la question posée
par le chef de poste de savoir ce que les casques bleus viennent faire à
cette heure-là, le Lt belge qui s'était approché dit qu'ils viennent
chercher le Premier Ministre. A ce moment le Premier Ministre suit
tout à travers la fenêtre. Elle demande au chef de poste de les laisser
entrer. Le portail est ouvert. Une jeep entre et l'autre reste garée sur
l'Avenue Paul VI. Les casques bleus entrent. Ils sont au nombre de 10.
Le Lt belge s'approche et dit à Madame le Premier Ministre qu'il vient
la conduire à la Radio Rwanda pour faire une déclaration. Madame le
Premier Ministre réplique en disant qu'elle a plutôt demandé qu'on
vienne renforcer la sécurité à sa résidence. Elle demande au Lt belge
de rester sur place pour assurer la défense de la Résidence. Le Lt rend
compte à ses supérieurs au moyen de la radio montée sur la jeep qui
était à l'intérieur de l'enceinte. Il déploie sa section à l'intérieur, côté
portail d'entrée, tandis que les gendarmes se déploient également à
l'intérieur de l'enceinte, côté postérieur. Les casques bleus "Noirs"
restent groupés à l'intérieur de l'enceinte également. Toutefois, le chef
de poste et le caporal de pose ont un regard autour et notamment sur
l'Avenue Paul VI qui passe devant la Résidence du Premier Ministre.
Le 07 Avril 1994 vers 09 heures, des gens en tenue militaire et en
armes fusent des deux côtés sur l'Avenue Paul VI et assiègent l'entrée
de la Résidence. Ils demandent aux casques bleus de déposer les armes
tout en les rassurant qu'ils ne leur en veulent pas. Ils recherchent le
Premier Ministre disent-ils.
A ce moment, le Premier Ministre et sa famille avaient trouvé
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refuge chez le voisin, agent du PNUD -. Le Lt belge demande qui est
le chef. Les militaires lui rétorquent qu'ils n'ont pas de chef et le
somment de déposer les armes sans conditions. Le Lt belge va à la
radio montée sur la jeep et s'adresse à ses supérieurs. Il se retourne et
ordonne à ses hommes de déposer les armes. Les assaillants font sortir
les casques bleus belges et les font garder par une équipe sur l'Avenue
Paul VI. Une partie des assaillants pénètre dans l'enceinte et trouvent
les casques bleus "Noirs" groupés. Ceux-ci sont aussi désarmés et
conduits à l'extérieur avec les casques bleus belges.
Quelques minutes plus tard, des gendarmes qui se trouvaient au
portail voient arriver un minibus du côté de la Nonciature et
l'Ambassade de France. Le minibus s'arrête et se fait contrôler au
barrage dressé au carrefour situé près de la Résidence du Chargé
d'Affaires des USA par une équipe des assaillants.
Au moment où le minibus démarre pour monter vers l'Avenue de
l'Armée le long de l'Ecole Supérieure Militaire (ESM), le groupe qui
garde les casques bleus interpelle et demande d'arrêter le minibus.
Simultanément, le groupe conduit les casques bleus vers le carrefour.
Le minibus fait marche arrière et s'arrête à la hauteur de la Résidence
du Chargé d'Affaires des USA. Les gendarmes voient les casques
bleus embarquer et le minibus démarrer vers l'Avenue de l'Armée.
Les gendarmes ignorent la destination du minibus en ce moment
là. C'est plus tard qu'ils apprennent que les casques bleus ont été
conduits au Camp Kigali et ont été tués. Par ailleurs les gendarmes
n'ont pas identifié les occupants du minibus parce qu'ils ne s'en sont
pas approchés. Mais d'après eux, le minibus n'avait pas de programme
avec les militaires qui tenaient le barrage et ceux qui assiégeaient la
Résidence du Premier Ministre. Même au moment où je les
interrogeais, ils ignoraient que c'est le Major NTUYAHAGA qui a
conduit les casques bleus au Camp Kigali. Cependant leurs
déclarations corroborent la déclaration du Major NTUYAHAGA en
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ASSASSINAT DES CASQUES BLEUS BELGES
TEMOIGNAGE SUR L’
ce qui concerne la provenance du minibus au moment où il a débouché
sur le carrefour ainsi que la prise en charge des casques bleus.
Le Major NTUYAHAGA m'a déclaré ce qui suit: Dans la
matinée du 07 Avril 1994, il a attendu le véhicule à partir de 07 heures
comme d'habitude. A 08 heures le véhicule n'était pas encore arrivé. Il
a alors appelé à l'EMAR pour demander un moyen de transport. Le
chef de section transport lui envoie un minibus vers 09 heures.
Comme depuis le 01 Octobre 1990, certaines rues autour de la
Résidence du Chef de l'Etat à KIYOVU étaient interdites à la
circulation, le Major NTUYAHAGA devait faire un détour et
contourner la Nonciature par le bas et par l'Ouest, longer le côté
supérieur pour déboucher au carrefour susmentionné. C'est ce même
itinéraire qu'il a suivi ce matin là. Arrivé au carrefour en question, il est
arrêté et contrôlé par les militaires qui tiennent le barrage. Lorsque le
chauffeur démarre après le contrôle, les militaires du carrefour lui font
de nouveau signe de s'arrêter. Au même moment, le Major voit le
groupe de militaires rwandais et des casques bleus venir vers le
carrefour en provenance de la Résidence du Premier Ministre. A la
demande des militaires du barrage, le chauffeur fait marche arrière et
va à la rencontre du groupe. Lorsque le groupe atteint le véhicule, un
militaire rwandais demande au Major NTUYAHAGA d'évacuer ces
casques bleus pour que les militaires affolés ne leur fassent du mal. Le
Major demande alors où les emmener. Le Lt belge intervient et
demande de les déposer au poste de la MINUAR le plus proche pour
pouvoir communiquer avec ses supérieurs. Le poste des observateurs
de la MINUAR du Camp Kigali étant le plus proche, le Major
NTUYAHAGA les conduit là-bas et les dépose devant le local des
observateurs. Par ailleurs le même poste était le plus proche du lieu de
travail du Major NTUYAHAGA qui ne lui demandait pas de s'écarter
de son itinéraire. Après avoir déposé les casques bleus, le Major se
rend à l'EMAR. C'est plus tard qu'il apprendra que les casques bleus
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ont été tués au Camp Kigali.
D'après le SLt NGANGO, une personne aurait soufflé aux
invalides de guerre - personnes très sensibles - qui se trouvaient aux
environs du corps de garde, que ce sont ces casques bleus belges
débarqués devant le local des observateurs qui ont descendu l'avion
présidentiel. Les invalides se sont alors rués sur les casques bleus
encore dehors et les ont assommés avec leurs cannes en disant que ce
sont eux qui ont tué le Président. Le SLt NGANGO n'a pas pu
identifier celui qui a lancé cette rumeur qui est à l'origine de l'incident.
D'autres militaires enragés se sont alors ajoutés en brandissant les
armes. Tous ceux qui sont intervenus notamment les Lt Col
KANYANDEKWE, NDAHIMANA et l'A.C. KAGANGO n'ont pas
pu faire cesser les tueries. Tandis que les assaillants les menaçaient à
leur tour en les reprochant de défendre les assassins du Président.
L'A.C. KAGANGO a même reçu un coup de baïonnette dans le bras.
A son arrivée, le Commandant du Camp Kigali, Lt Col NUBAHA n'a
pas pu non plus arrêter les tueries.
En ce qui concerne le Col BEMS BAGOSORA, Directeur de
Cabinet au MINADEF: Il remplaçait le Ministre de la Défense qui
était en mission à YAOUNDE. La réunion spontanée des Officiers
supérieurs qu'il a dirigée à l'Etat-Major de l'Armée Rwandaise dans la
nuit du 06 au 07 Avril 1994, au cours de laquelle le Colonel BEM
Marcel GATSINZI a été désigné Chef d'Etat-Major de l'Armée
Rwandaise ad intérim et celle des Commandants de Secteurs
Opérationnels et des Commandants d'Unités de l'Armée Rwandaise et
de la Gendarmerie Nationale qu'il a présidée le 07 Avril 1994 à l'ESM
à partir de 10 heures rentraient dans ses prérogatives.
Quant aux contacts qu'il a mené auprès du Représentant spécial
du Secrétaire Général des Nations Unies et auprès des autorités
politiques, il était mandaté par ses collègues dans l'intérêt supérieur de
la Nation et non dans son propre intérêt.
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ASSASSINAT DES CASQUES BLEUS BELGES
TEMOIGNAGE SUR L’
Ce sont ses détracteurs qui lui prêtent des intentions pour des
raisons inavouées. Par exemple, le Col GATSINZI qui prétend que le
Col BAGOSORA s'appropriait la présidence du Comité de Crise
désigné au cours de la réunion des Commandants de Secteurs et
Commandants d'Unités ne fait que mentir. La présidence du Comité de
Crise
était
assurée
par
le
Général-Major
Augustin
NDINDILIYIMANA, Chef d'Etat-Major de la Gendarmerie
Nationale, tandis que le Col Léonidas RUSATIRA, Commandant de
l'ESM était rapporteur. Bien que membre effectif du Comité de Crise,
le Col GATSINZI n'a participé à aucune réunion du Comité de Crise
et ne peut pas prétendre qu'il a suivi le déroulement de ses travaux tel
qu'il a menti au professeur Philip REYNTJENS.
Désigné Chef d'EMAR (ai) dans la nuit du 06 au 07 Avril 1994 et
devant rejoindre son poste le 07 Avril avant 07 heures, le Col
GATSINZI ne s'est présenté à l'EMAR que le 08 Avril vers 17 heures.
Or le Comité de Crise ne s'est réuni que 2 fois à savoir:
le 07 avril 1994 après-midi, après sa désignation, pour arrêter
les méthodes de fonctionnement;
le 08 Avril 1994 dans la matinée pour désigner la délégation
devant présenter les excuses et les condoléances à
l'Ambassadeur de Belgique et rencontrer l'APR pour lui
proposer une trêve. Cette délégation était composée du
Général-Major NDINDILIYIMANA et du Lt Col BEM
Ephrem RWABALINDA.
Les membres du Comité de Crise se sont retrouvés le 08 Avril
1994 vers 17 heures, non pas en séance de travail, mais sur
convocation des Responsables des Partis Politiques pour les informer
de la formation du Gouvernement. Dès lors le Comité de Crise s'est
dissout d'office car le Gouvernement était en place.
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La mission du Col BAGOSORA de faciliter la rencontre des
responsables politiques s'est aussi arrêtée par là. Il a repris ses
attributions normales de Directeur de Cabinet au MINADEF sans se
substituer aux Chefs d'Etat-Major de l'Armée Rwandaise et de la
Gendarmerie Nationale ni aux Commandants des Camps ou
Commandants d'Unités.
Dans la matinée du 07 Avril 1994, le Col BEMS BAGOSORA
devait faciliter la rencontre du Bureau du parti Mouvement
Révolutionnaire National pour la Démocratie et le Développement
(MRND) tel que le Représentant Spécial du Secrétaire Général des
Nations Unies le lui avait demandé pendant la nuit, rencontrer les
Chefs de Missions Diplomatiques à la Résidence de l'Ambassadeur des
USA sur demande du Représentant Spécial du Secrétaire Général de
l'ONU et diriger la réunion des Commandants de Secteurs et d'Unités
à l'ESM à partir de 10 heures.
De la Résidence de l'Ambassadeur des USA, il est passé au
Ministère de la Défense où se réunissait le Bureau du MRND pour
s'informer de la décision de ce dernier qu'il devait communiquer aux
Commandants de Secteurs et d'Unités. Puis il s'est rendu à l'ESM pour
diriger la réunion. Personne ne l'a informé de l'incident du Camp Kigali
avant la réunion. C'est au cours de cette réunion que le LieutenantColonel NUBAHA , Commandant du Camp Kigali, est venu informer
la scène formée par le Général-Major NDINDILIYIMANA, le
Colonel BAGOSORA et le Colonel RUSATIRA, et a dit que les
casques bleus belges sont "menacés" au Camp Kigali. Le GénéralMajor NDINDILIYIMANA a répondu que le Colonel BAGOSORA
allait s'occuper du problème. Tandis que le Col BAGOSORA a
rétorqué que le commandant du Camp Kigali devait être en mesure de
rétablir l'ordre dans son camp.
Même si le Général-Major NDINDILIYIMANA qui ne se sentait
pas concerné a lancé la balle au Col BAGOSORA il y a lieu de se
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ASSASSINAT DES CASQUES BLEUS BELGES
TEMOIGNAGE SUR L’
demander si le règlement d'un incident limité à un camp militaire est
d'office du ressort du Ministère de la Défense plutôt que de l'EtatMajor concerné.
Aussi, faut-il se demander si les intéressés ont bien perçu le degré
de gravité de la "menace" tel qu'il leur a été rapporté par le Lt Col
NUBAHA. Les sentiments mis de côté, sauf erreur d'appréciation, le
Col BAGOSORA devait-il se soustraire de ses obligations d'intérêt
national pour s'occuper physiquement d'un incident dont la gravité ne
lui est pas clairement rapportée?
Le Col BAGOSORA n'a donné aucun ordre de tuer les casques
bleus et a estimé que chacun devait assumer ses responsabilités dès
qu'il a été informé de l'incident. Ce n'est pas parce qu'il est incriminé
par ses détracteurs qui ont d'autres buts, et que les coupables n'ont pas
été identifiés qu'il doit être bouc émissaire.
Que dire du Général Roméo DALLAIRE, Commandant de la
MINUAR et du Colonel BEM MARCHAL, Commandant du
contingent belge? Ces Officiers sont sensés avoir été informés à temps
de la menace dont les casques bleus étaient l'objet puisque le Lt belge
qui commandait la section a informé ses supérieurs avant de déposer
les armes et de se rendre. Pourtant ils n'ont pas alerté le
Commandement des FAR.
Lorsque le Général DALLAIRE est venu en réunion des
Commandants de Secteurs et d'Unités à l'ESM, il a reçu le rapport de
l'un des Officiers Observateurs de la MINUAR au Camp Kigali avant
d'entrer dans la salle de réunion. Il a rebroussé chemin et en passant
devant le Camp Kigali, il a constaté que certains casques bleus gisaient
par terre. De retour à l'ESM, il a pris place à la scène et n'a pas alerté
ses partenaires alors qu'il ne savait même pas qu'ils étaient déjà au
courant de l'incident. Alors pourquoi cette attitude du Général
DALLAIRE?
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La deuxième partie de mon témoignage explicite les raisons de
l'attitude hostile de la majorité du peuple rwandais en général et des
militaires rwandais en particulier contre le gouvernement et le
contingent belges:
Si la cause directe de la mort des 10 casques bleus est la rumeur
qui leur attribuait l'assassinat du Président HABYARIMANA, il y a
d'autres causes lointaines qui sont à la base du sentiment de frustration
et de suspicion.
QUELLE EST LA RESPONSABILITE DU
GOUVERNEMENT BELGE ?
a. Avant la guerre d'Octobre 1990, le Gouvernement Belge avait
bloqué la commande d'armes et de munitions du
Gouvernement Rwandais sans aucune justification si ce n'est
que pour le priver des moyens de défense contre une
agression imminente que la Belgique connaissait très bien.
b. Au début de la Guerre d'Octobre 1990, le Gouvernement
Belge a envoyé au RWANDA une unité Para Commando
inspirant la confiance du peuple rwandais et perçue comme
Force de dissuasion contre l'envahisseur, le FPR
INKOTANYI. Cela ne pouvait être que normal vue les liens
historiques entre le RWANDA et la BELGIQUE en général
et entre l'Armée rwandaise et l'Armée belge en particulier.
Cependant cette unité est repartie malgré le souhait du peuple
rwandais de la voir aux côtés des Forces Armées Rwandaises
(FAR). Cet abandon a été qualifié de trahison non seulement
par les milieux politiques mais aussi par des militaires. Ceci a
créé un sentiment d'aversion vis-à-vis des belges.
c. La BELGIQUE abritait le siège du FRONT PATRIOTIQUE
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ASSASSINAT DES CASQUES BLEUS BELGES
TEMOIGNAGE SUR L’
RWANDAIS (FPR) à BRUXELLES depuis plusieurs
années.
d. En Mai 1992, La BELGIQUE a abrité dans les locaux du
Parlement la rencontre entre le FPR et les Partis politiques
d'opposition
rwandaise
formant
les
FORCES
DEMOCRATIQUES DU CHANGEMENT (FDC). Cette
rencontre était une conspiration visant le renversement du
régime HABYARIMANA.
e. La BELGIQUE était au courant de l'invasion du RWANDA
par le FPR avant le 01 Octobre 1990. Mais elle s'est abstenue
de le dénoncer et de prévenir du moins le Gouvernement
Rwandais. Des médias belges ont couvert cette invasion et
accompagnaient le FPR lors de la traversée de la frontière à
KAGITUMBA le 01 Octobre 1990.
Tout ceci constituait la trahison pour le peuple rwandais, même si
la BELGIQUE en a minimisé l'importance ou n'en a pas tenu compte
dans son appréciation. C'est ainsi que la présence des militaires belges
dans la MINUAR a été fortement contestée par la majorité du peuple
rwandais mais le Gouvernement Rwandais d'alors l'a imposée. Le
Gouvernement Belge aurait dû faire une bonne analyse de la situation
au RWANDA et tenir compte de la volonté du peuple rwandais avant
d'engager son contingent sur un terrain plein d'obstacles. Il a lutté pour
former le fer de lance de la MINUAR peut-être pour se racheter et
réparer le tort causé au peuple rwandais qui avait tant confiance en lui.
Il voulait également jouer un rôle important voire même de premier
plan dans le retour à la paix au RWANDA dans l'espoir de retrouver
sa place de choix sur la scène internationale dans son ancienne colonie.
Le Gouvernement Belge était peut-être bien intentionné dans ce
sens, mais il a fait une mauvaise appréciation de la situation en fondant
ses espoirs sur les promesses de l'opposition et spécialement sur le
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Premier Ministre qui ne représentait pas la vraie autorité ayant la
maîtrise sur les masses populaires et sur les FAR. Le Gouvernement
Belge n'a pas su non plus découvrir le dessein pernicieux de ceux qui,
dans son sein même, trouvaient dans le contingent belge un outil
efficace pour réaliser leur plan diabolique. A la fin, la BELGIQUE
représentait pour la majorité du peuple rwandais ce que la FRANCE
représentait pour le FPR, mais le Gouvernement Belge n'a pas
compris.
En effet le FPR a comploté avec l'opposition pour réclamer le
retrait des troupes françaises et a obtenu gain de cause. La
BELGIQUE qui avait été supplantée par la FRANCE depuis les
années 1975 n'a fait que se féliciter de l'éviction de la FRANCE et a
cru pouvoir retrouver son ancienne place au RWANDA. C'est ainsi
qu'elle a engagé ses hommes sur le terrain piégé. A-t-elle retrouvé sa
place pour le moment? Ne s'est-elle pas laissée prendre par le FPR au
même titre que l'opposition rwandaise qui ignorait l'agenda caché du
FPR?
LA BELGIQUE S'EST IMPLIQUEE DANS LE
DOSSIER RWANDAIS DE PLUSIEURS
MANIÈRES.
En plus des quelques erreurs globales du Gouvernement ci-haut
relevées, plusieurs officiels belges n'ont pas caché leur parti pris en
faveur du FPR et contre la majorité du peuple rwandais.
Mr Jean GOL, député et responsable du PRL avait pris fait et
cause du FPR. Il ne s'en est pas caché dès le déclenchement
de la Guerre d'Octobre 1990.
Le député KUIJPERS après avoir fait le tour de la ligne de
front n'a fait que des déclarations tendancieuses à un
quotidien belge.
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ASSASSINAT DES CASQUES BLEUS BELGES
TEMOIGNAGE SUR L’
Le Ministre de la Défense Léon DELCROIX, le Secrétaire
d'Etat à la Coopération au Développement Eric DE RIJKE et
le Ministre des Affaires Etrangères Willy CLAES n'ont pas
caché leur véhémence et leur menace vis-à-vis du Président
HABYARIMANA Juvénal pour le contraindre de mettre en
application l'Accord de Paix d'ARUSHA selon la volonté du
FPR. Les déclarations de MR Willy CLAES en Mars 1994
sont révélatrices à propos de l'assassinat du Président
HABYARIMANA: "Je lui ai donné jusqu'au 05 Avril pour
mettre en place les Institutions de Transition à Base Elargie".
Cette date à peine dépassée, le 06 Avril 1994, le Président est
assassiné.
Que dire de l'Ambassadeur SWINEN. A partir de 1993, il a créé
un LOBBY qui devait recruter de faux réfugiés politiques et monter
un réseau de délateurs pour mettre en difficulté le régime
HABYARIMANA. En effet on avait beau d'accuser
HABYARIMANA d'être dictateur, mais on n'avait pas de preuves
tangibles de sa mauvaise gouvernance. Un régime dictatorial dont la
politique d'Unité nationale, de Paix intérieure et extérieure et de
Développement avait fait ses preuves sur 20 ans! Un régime dictatorial
qui faisait un effort remarquable dans la gestion de la chose publique et
dont le Gouvernement écoutait les problèmes sociaux avec une
particulière attention! Un régime dictatorial où les Droits de l'Homme
étaient respectés!
Un petit pays sans ressources, excepté son peuple, qui a soutenu
l'effort de guerre pendant 4 ans et a continué de payer ses
fonctionnaires sans retard ni interruption, mais accusé de mauvaise
gestion! Pourtant les rapports de la Banque Mondiale et de l'Amnesty
International de 1989 sont assez clairs et ne faisaient que des éloges au
Gouvernement Rwandais qu'ils citaient comme modèle dans la sousrégion. Mais il a suffi que la guerre éclate le 01 Octobre 1990 pour
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que ces rapports tombent en désuétude et ces Institutions se
retournent contre le Gouvernement dont elles louaient les réalisations
la veille de l'invasion! Il a fallu un grand complot avec une campagne
médiatique mensongère (Colette BRAECKMAN) et une crise
économique artificielle (Programme d'Ajustement Structurel) pour
discréditer et abattre le Président HABYARIMANA et son régime.
Pour la majorité du peuple rwandais, le Gouvernement Belge
représenté par l'Ambassadeur SWINEN n'était pas étranger à tout
cela. Le fait que le régime HABYARIMANA n'avait pas produit de
réfugiés politiques gênait ceux qui le combattaient. Que faisait
l'Ambassadeur SWINEN pour inciter les gens à se constituer réfugiés
politiques ? Il établissait des passeports et des billets d'avion qu'il
proposait aux gens ciblés pour se réfugier en BELGIQUE. Son
LOBBY préparait des faux dossiers que ces faux réfugiés devaient
diffuser une fois arrivés en BELGIQUE.
Ces louches activités de l'Ambassadeur SWINEN m'ont été
rapportées par le Capitaine Gendarme Pascal KAYIHURA qui avait
subi des sollicitations de l'Ambassadeur et me demandait des conseils
sur l'attitude à prendre. Il avait déjà le passeport et le billet d'avion lui
remis par l'Ambassadeur. Une fois arrivé en Belgique le Capitaine
KAYIHURA devait faire une fausse déclaration impliquant l'entourage
du Président HABYARIMANA dans l'assassinat de Monsieur
Emmanuel GAPYISI, leader du parti MDR à GIKONGORO et
fondateur du FORUM PAIX ET DEMOCRATIE.
Or, un Officier de Gendarmerie qui travaillait au FICHIER
CENTRAL et faisant partie des enquêteurs, savait bien que GAPYISI
a été assassiné par le FPR. Il ne pouvait se laisser entraîner dans la
clique des délateurs.
En effet, après l'attaque du FPR dite EXPEDITION PUNITIVE
dans les Préfectures de BYUMBA et de RUHENGERI à partir du 08
Février 1993, attaque caractérisée par des massacres systématiques de
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TEMOIGNAGE SUR L’
plusieurs dizaines de civils Hutu, tous les Hutu, même les plus naïfs et
les plus sceptiques ont compris cette fois-ci que le conflit rwandais est
un conflit ethnique. Le FORUM PAIX ET DEMOCRATIE appelait
les Hutu à former un front commun pour combattre efficacement le
FPR. Monsieur GAPYISI a été assassiné le 18 Mai 1993 suite à cet
éveil de conscience des Hutu dont il devenait promoteur.
Entre l'entourage du Président HABYARIMANA et le FPR, à
qui profite ce crime? Je crois que la réponse est claire. Il faudrait
demander à l'Ambassadeur SWINEN pourquoi il voulait détourner
l'attention de l'opinion pour disculper le FPR. Heureusement qu'à ma
connaissance ce LOBBY n'a réussi aucun coup, les personnes
contactées ayant décliné cette offre.
Le comportement du contingent belge à la MINUAR n'a pas été
non plus honorable et a révolté le peuple rwandais au point de le
rendre hostile. En voici des exemples:
Des soldats belges ont attaqué le domicile de Monsieur
BARAYAGWIZA Jean Bosco, l'un des leaders de la
Coalition pour la Défense de la République (CDR).
Ils ont malmené la fille du Colonel Laurent SERUBUGA,
ancien Chef d'Etat-Major de l'Armée rwandaise.
Ils saluaient les Tutsi avec deux doigts ouverts en V à la
manière du FPR pour dire victoire.
A l'adresse des Hutu, ils écrasaient leur propre nez du doigt
en signe de mépris pour montrer aux Hutu qu'ils ont le nez
plat contrairement aux Tutsi qui ont le nez droit comme celui
des blancs.
Ils arrachaient à la population la médaille du Président
HABYARIMANA et la piétinaient par terre.
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Ils s'acharnaient à désarmer les membres des FAR même en
mission commandée pendant que les soldats du FPR
patrouillaient en ville en armes sans être inquiétés alors qu'ils
n'étaient pas autorisés.
Ils facilitaient au FPR de faire des reconnaissances des
positions des FAR en pilotant leurs escortes et en passant
près des points stratégiques.
Ils facilitaient au FPR l'infiltration des hommes et du matériel
(armes, munitions et équipements etc...) à partir de
MULINDI, ainsi que le recrutement des jeunes Tutsi.
QUE DIRE DES ACTIVITES DE LA SECTION
DES CASQUES BLEUS , DEPUIS LA MATINEE
DU 06 AVRIL 1994.
Selon certaines sources d'information, la Section des casques
bleus belges qui ont été tués au Camp KIGALI le 07 Avril 1994 a reçu
3 différentes missions en date du 06 Avril 1994:
a. Le 06 Avril 1994 dans la matinée la Section a reçu la mission
d'escorter les officiels du FPR à l'Hôtel AKAGERA. Pourtant
les officiels du FPR n'étaient pas encore autorisés à sillonner
le pays tant que les Institutions de Transition à Base Elargie
n'étaient pas mises en place, leurs déplacements étant
considérés comme les reconnaissances des positions des
FAR. Cette mission était plutôt une couverture pour
permettre à l'équipe lance-missile SAM 7 du FPR et de la
MINUAR de s'installer à MASAKA au retour sans difficulté
ni soupçons.
b. Dans la soirée du 06 Avril 94, la même Section s'est rendue à
l'aéroport de KANOMBE alors qu'elle ne faisait pas partie de
l'Unité chargée de la sécurité de l'aéroport. C'est elle qui était
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ASSASSINAT DES CASQUES BLEUS BELGES
TEMOIGNAGE SUR L’
probablement en liaison avec l'avion Hercule C 130 belge, et
qui commandait l'équipe opérationnelle laissée à MASAKA.
c. La même Section a quitté l'aéroport de KANOMBE vers
03H00 du matin et s'est rendue chez le Premier Ministre Mme
Agathe UWILINGIYIMANA pour l'emmener faire une
déclaration à la Radio. Mme le Premier Ministre s'est déclarée
incompétente pour faire une déclaration et a demandé que la
Section assure sa sécurité sur place.
Toutes ces missions occultes étaient confiées à cette petite unité
qui ne pouvait être soupçonnée et dont le contrôle échappait à
quiconque n'était pas dans le complot.
Par ailleurs, il semble que le Lieutenant LOTIN Commandant de
cette Section ne connaissait pas bien la ville de Kigali et ignorait
l'articulation du contingent belge. En effet, outre le poste des
observateurs de la MINUAR qui était au Camp Kigali, d'autres postes
relativement proches se trouvaient à l'Ecole Belge et à l'Hôtel des
Mille Collines.
Si le Lieutenant LOTIN avait indiqué avec précision le poste de
la Compagnie basée à l'Ecole Belge, le Major NTUYAHAGA l'y
aurait certainement conduit sans problème, et il n'aurait couru aucun
danger avec sa Section. Mais ayant demandé vaguement d'être conduit
à un poste de la MINUAR le plus proche, le Major l'a conduit au
poste de la MINUAR du Camp Kigali, effectivement le plus proche et
situé sur son itinéraire.
D'aucuns pensent que la rumeur qui a provoqué l'assassinat de
ces casques bleus belges, leur attribuant l'attentat contre l'avion
présidentiel aurait corroboré la vérité. Ironie du sort!
En conclusion, le massacre des 10 casques bleus belges est un
incident grave déplorable qui nécessite la poursuite des coupables et le
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dédommagement des familles éprouvées. Cependant, il ne faut pas se
baser sur de fausses dénonciations et les inculpations de KIGALI pour
chercher des boucs émissaires. Si la situation de guerre n'a pas permis
de découvrir les vrais coupables à cause du FPR qui trouvait intérêt
dans la poursuite des hostilités, il ne faut pas incriminer à tort le Major
NTUYAHAGA et le Col BEMS BAGOSORA.
Le premier a évacué les casques bleus et les a conduits au Camp
Kigali de bonne foi. Le second avait brutalement sur sa tête toute la
sécurité nationale menacée et ne pouvait pas s'occuper physiquement
des cas limités dans l'espace qui lui étaient rapportés. Ceux qui le
condamnent sont poussés par d'autres mobiles avec l'intention de
nuire.
Quant à l'erreur d'appréciation des mesures qu'il fallait prendre
pour faire cesser l'incident, c'est le domaine disciplinaire ou
administratif qui devrait être appliqué aux différents intervenants.
Concernant la responsabilité civile, l'Etat Rwandais doit
dédommager les familles des victimes, car le crime a été commis par
des Militaires Rwandais.
Quant à la responsabilité du gouvernement belge, du
Commandant de la MINUAR le Général Roméo DALLAIRE et du
Commandant du contingent belge le Colonel BEM MARCHAL,
chacun a des comptes à rendre en tant qu'autorité morale dans ce
drame.
Loin de dire que je détiens la vérité exclusive sur les mobiles de
l'assassinat des casques bleus belges, j'espère toutefois que ma
contribution lèvera beaucoup d'équivoques et éclairera quiconque veut
savoir la vérité pour tirer des conclusions ou prendre des décisions
objectives sur cet événement tragique.
Fait à Nairobi, le 20 Mai 1997
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Aloys NTIWIRAGABO
Col BEMSG
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