Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Citation
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Face A de la cassette # 54.
PD -Donc mercredi, le 13 mai 1998...
MD -Ilest 14 heures, une minute.
PD -14 heures O1 minute, nous reprenons l’interrogatoire de Monsieur Jean Kambanda, dans une salle
de la, de la prison de La Haye, prison de l'ONU pour le Tribunal de Yougoslavie. Nous sommes dans une
petite salle de rencontre, avec deux tables, si je décris la pièce, il y a un cadre sur le mur avec des bateaux,
montrant des bateaux, on a une porte d’accès, les gens peuvent voir à l’intérieur, on a ni accès à la lumière,
ni accès... c’est pas nous qui contrôle [sic] ni la lumière ni le, ni l’éléctricité dans la pièce, ce sont les
autorités ici du centre du détention qui font ça. Et puis on est installé ici depuis hier. On a commencé à se
rencontrer hier.
MD -On s’est rencontré hier, pour une, une visite de planification.
PD -Et de sécurité relativement à la famille des. de Monsieur Kambanda. Nous avons aussi heu. ce
matin discuté des mesures de sécurité relativement à sa famille et vérifié avec lui où nous en étions rendu
lorsque nous avons cessé les interrogatoires le 8 octobre 1997. Le... Conformément à, à nos note et à ses
notes le dernier chapitre que nous avions traité était le chapitre 8.3, point 15, point 6. Qui était un chapitre
relatif à la Sainte Famille. L'église Sainte Famille à Kigali. Le 11 octobre nous avions quitté l’endroit où se
trouvait Monsieur Kambanda, Marcel et moi, il avait été laissé à la garde des, des agents de sécurité de
l'ONU d’Arusha. Le 18 octobre 1997, Marcel Desaulniers et Roland, le responsable du programme de
witness protection, ont rencontré Monsieur Kambanda à Dodoma, dans le Safe House, relativement à des
documents pour son avocat puis des documents relativement à des poursuites.
MD -Je pense que, j'aimerai faire une précision, c’est que je n’ai pas assisté à la rencontre entre Monsieur
Kambanda et Roland. Cette rencontre-là avait été faite en privé, entre eux deux. Je n’étais pas là, j’étais
présent par contre, j’ai accompagné Monsieur heu, Monsieur Roland à Dodoma. Heu, peut-être qu’à ce
stage-ci il y a une chose qu’on aurait dû faire, peut-être ce serait de s’identifier d’abord, on parle dans un
micro.
PD -Ça serait peut-être mieux, alors assis devant moi il y a Monsieur Jean Kambanda, si vous voulez
vous identifier s’il vous plaît.
JK -Oui, Jean Kambanda.
MD -Marcel Desaulniers, enquêteur au Tribunal pour le Rwanda.
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PD -Qui est assis à ma droite, et Pierre Duclos, aussi enquêteur au Tribunal du Rwanda. Alors, le 29
novembre dernier, jusqu’au 6 décembre, j’ai séjourné avec vous à Dodoma, c’était dans le but de préparer
votre comparution qui était supposé être dans les délais les plus rapprochés. On était supposé, vous étiez
supposé de comparaître à ce moment-là, de comparaître devant le Tribunal dans les jours, dans ces jours-là.
Il y a eu des remises, heu, pour des situations que je contrôlais pas, puis que personne contrôlait je crois.
Le 5 février vous avec eu la visite de Monsieur Othman, Monsieur Oyvind et moi, cette rencontre a été...
portait sur l’acte d’accusation, heu... votre comparution et la déclaration que vous deviez faire à la Cour,
et aussi il avait été question de la présence d’un avocat. Le 17 février, Monsieur Muna vous a rendu visite
en ma compagnie, à ce moment-là, lors de cette rencontre-là, il fut question de la sécurité de votre famille,
de la déclaration si vous décidiez d’en faire une devant la Cour et aussi de la représentation que vous deviez
avoir devant la Cour d’un avocat. Ça nous amène au 17 mars 1998, encore là j’ai séjourné avec vous, parce
que c’était toujours dans un avenir très rapproché qu’on devait, qu’on devait vous faire comparaître, il y
a eu des délais incontrôlables qui a emmené que votre comparution s’est faite seulement le 1er mai. Alors
le 1er mai vous avez comparu à... à Arusha, où vous avez rajouté un plaidoyer de culpabilité aux chefs qui
vous ont été lus. À tous Les chefs qui vous ont été lus.
MD -Dans la suite il y a eu le transfert, après la comparution.
PD -Je pense que ça met en place un peu la, la situation dans laquelle on se trouve présentement. Ce
matin on vous a remis aussi afin que vous puissiez en prendre connaissance heu. des notes.
MD -Oui.
PD -Que l’on. que l’on rédige au fur et à mesure de façon à ce que vous puissiez en prendre
connaissance et vérifier si elles étaient conformes à ce qui se passait.
MD -Depuis la première journée comme je vous ai indiqué, depuis la première journée, jai tenu un
journal des heures et des événements, tout ce qui s’est dit quand on était en votre présence, on a tenu un
journal depuis la première journée, de tous les contacts qu’on a eu ensemble, qui donne une idée de ce qu’on
faisait, des heures qu’on travaillait et le cadre de toutes les activités qu’on avait quand on était ensemble.
PD -Ce journal reflète fidèlement les activités qui nous ont occupé dans les périodes qu’on était
ensemble.
MD -Alors on vous a remis ce journal-là pour que vous en preniez connaissance. Et vous avez heu, vous
nous disiez que vous avez commencé à le voir, à l'heure du di... à l’heure du lunch vous avez pu voir
quelques pages ?
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JK -Oui, j'ai lu la dernière partie, mais je n’ai pas tout lu.
MD -Ok. Mais on va vous le remettre, ce livre-là pourra être disponible pour vous, et ce qu’on aimerait
que vous fassiez, ce serait de, de vérifier, de regarder ça, de lire et si ça reflète heu... les, les, heu, les
événements que vous nous signaliez. Chacune des pages.
PD -Alors on va vous lire le même avis des droits du suspect, qu’on a toujours lu depuis le début. Avant
de répondre à nos questions vous devez comprendre vos droits. En vertu des articles 42 et 43 du règlement
de preuve et de procédure du Tribunal pénal international pour le Rwanda, nous devons vous informer que
notre entretien est présentement enregistré et que vous avez les droits suivants: vous avez le droit d’être
assisté d’un avocat de votre choix ou d’obtenir les services d’un avocat sans frais si vous n’avez pas les
moyens financiers de payer les services d’un avocat. Vous avez le droit d’être assisté d’un interprète sans
frais, si vous ne pouvez pas comprendre la langue utilisée lors de l’entrevue. Vous avez le droit de garder
le silence si vous le souhaitez. Toute déclaration que vous ferez sera enregistrée et pourra servir de preuve
contre vous. Si vous décidiez de répondre à nos questions sans la présence d’un avocat, vous pouvez arrêter
l’entrevue en tout temps et requérir les services d’un avocat. Là, ici en bas, il y a la renonciation aux droits.
Si vous voulez lire ça et, si c’est bien conforme, si vous comprenez bien, si c’est bien heu, si vous acquiescez
à la demande, si vous voulez signer le document s’il vous plaît.
JK -J'ai lu ou on m'a lu dans une langue que je comprends l’énoncé de mes droits, je comprends
l'étendue de mes droits, je comprends également que ce que je dis est présentement enregistré. Je
comprends et je parle la langue utilisée lors du présent interrogatoire, soit directement, je n’ai pas besoin
d’interprète qui m'aurait été assigné. Je suis prêt à répondre à vos questions et à faire une déclaration.
J’affirme en toute connaissance de cause que je ne désire pas d’avocat en ce moment. Aucune promesse ni
menace ne m’a été faite, aucune pression n’a été exercée sur moi.
MD -Alors vous signez présentement le document que vous venez lire. La renonciation. Pierre et moi
on va signer comme témoins... Merci. Cet, cet avis doit être mis, doit être scellé dans une enveloppe,
maintenant les problèmes que nous connaissons, on est conscient que si on, nous sommes dans une... dans
un centre de détention on ne peut pas aller et venir comme on veut, on est régit par des règlements très
stricts, alors, le matériel n’a pas été complètement amené, et aussitôt qu’on aura ce qu’il faut pour le sceller,
heu, demain on espère, on pourra faire ça ensemble.
PD -Entre-temps le, les documents et les rubans seront conservés ici, dans le local, où nous sommes les
seuls à avoir accès. Ce local est scellé, est verrouillé quand on n’est pas, quand on est absent, en notre
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absence ce local-là est scellé, verrouillé. Alors les documents seront conservés ici. En vérifiant où nous en
étions rendus, au chapitre Sainte Famille, vous avez modifié le numéro du chapitre suivant, vous l’avez heu,
vous avez baptisé le chapitre suivant 8.3, point 15, point 7, qui était un chapitre relatif à la diffusion de
menaces radiophoniques, je crois.
JK -Oui.
PD -Auparavant il portait le numéro point 8, et vous l’avez baptisé point 7, puis vous avez baptisé,
rebaptisé Butare, point 8 au lieu de point 7, c’est ça ?
JK -Oui, parce que le point 7 correspond à la suite des questions que vous aviez posées.
PD -A la suite des questions qu’on avait posées. Alors, si on procédait comme on procédait auparavant,
faudrait que vous lisiez le texte, puis on va vous poser les questions sur les points que nous on s’interroge,
les points à la lumière de la lecture du texte.
JK -Oui.
PD -Première des choses, vous avez eu une longue période de réflexion, depuis le mois de.
MD -D'octobre.
PD -Octobre, l’année dernière, pardon, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter à ce texte-là
présentement ?
JK -Non, je n’ai pas des choses.
PD -Vous ne voyez rien à ajouter ?
JK -Je ne vois rien à ajouter au texte, présentement.
PD -Parfait. Merci.
JIK -Bon, c’est le point 8, 3, 15, 7. Ce sont les menaces de mort sur les ondes de la radio nationale
contre les rwandais qui ne voulaient pas s’exiler. Je me rappelle que la veille du jour où les gens ont
commencé à quitter le pays pour le Zaïre et puis à Goma, jai rencontré le directeur de l’Orinfor, Monsieur
Nsengiyumva Jean-François. Je lui ai demandé de partir avec l’unité mobile installée dans un camion, d’où
émettait la radio nationale, pour se rendre à Cyangugu car j’y avais vu la pression du FPR. Il s’est rendu à
ma demande à Cyangugu, d’où il émettra pendant quelques temps, jusqu’à ce que la, l’opération Turquoise
intervienne pour nous avertir que le gouvernement et tout ce qui le concerne, dont sa radio, ne puisse se
servir d’eux comme base arrière. A part sur les médias internationaux, je n’ai jamais eu de confirmation que
les gens auraient été menacés de mort pour s’exiler. Par contre, j’ai personnellement entendu les militaires
de l’opération Turquoise inviter la population à demeurer avec eux en leur assurant la protection et
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l’approvisionnement en nourriture et médicaments. Au même moment, les médias internationaux, dont RFI,
émettaient des messages à l’effet que radio des Mille Collines émettait déjà à partir de Goma, ce que je
savais faux, alors que je ne. alors je ne prétais pas de crédibilité outre mesure à leurs propos. Notre radio
nationale n’émettait plus que sur fréquence modulée dans la mesure où certains des émetteurs étaient déjà
hors d’usage. Alors la diffusion s’effectuait dans une périphérie limitée. Ce camion, à notre arrivée à
Bukavu, sera saisi par le commandant militaire zaïrois qui le gardera chez lui jusqu’à mon départ du Zaïre.
Compte-tenu du peu de crédibilité des médias ou de la non corroboration par la population, ainsi que de la
présence de la Turquoise, je n’ai pas cru de mon devoir de pousser plus à fond mes recherches concernant
ces menaces.
C’est fini.
PD -Ça ça termine la lecture du chapitre que, qu’on, qu’on a fait relativement à ces menaces-là. Est-ce
que vous pouvez préciser quel jour c’était la veille, les. quand on dit ici “je me rappelle que la veille du jour
où les gens ont commencé à quitter le pays pour le Zaïre”, est-ce que vous avez une précision, est-ce que
vous êtes capable d’apporter une précision sur la date ?
JK -Ça doit se situer autour du 13 juillet 1994.
PD -Ça devrait être autour du 13 juillet. Le Monsieur de l’Orinfor, Monsieur Jean-François, vous l’avez
rencontré où ?
JK -Je l’ai rencontré à Gisenyi.
PD -Est-ce que c’est dans le cadre d’une activité parlementaire du gouvernement que vous l’avez
rencontré ou si c’est une visite personnelle ?
JK -Non, puisque les, la, la radio était à proximité d’où se situait le gouvernement, donc le camion de,
à partir duquel émettait la radio nationale se trouvait toujours à la disposition du gouvernement. Depuis le
début de la guerre. Donc je pouvais le rencontrer pratiquement tous les jours.
PD -Ok. Mais dans ce cas-là précisément, est-ce que vous avez en mémoire où vous l’avez rencontré
?
TK -C’est à Gisenyi.
PD -A Gisenyi, mais est-ce que c’est avec les autres membres du parlement ou si c’est seul ? Est-ce que
c’est, vous étiez seul ou avec d’autres membres du parlement ?
TK -Je crois que j'étais seul, je ne me rappelle plus si j’ai été là en groupe, ce n’était pas dans un, dans
le cadre du conseil des ministres, je l’ai rencontré en tant que premier ministre.
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PD -Ok. Vous vous l’avez rencontré en tant que premier ministre. Lorsque vous dites que la radio était
à la disponibilité, cette station mobile-là était à la disponibilité du gouvernement, est-ce que vous vous avez
déjà utilisé cette station mobile-là ?
JK -Oui, je l’ai utilisée.
PD -Quel genre de discours y avez-vous tenu ? Est-ce que ces discours-là sont publics ? Est-ce que c’est
des discours qu’on a, ou c’est des discours qui ont, qui ont pas été heu, retenus ?
JK -Les discours, tous les discours que j’ai faits à la radio sont parmi les documents que vous avez saisi,
il y a pas un discours que j’ai fait à la radio qui n’est pas enregistré et que vous n’ayez pas.
PD -[inaudible] je vous ai remis une série de discours que vous avez faits.
JK -Oui.
PD -Est-ce que c’est les discours que vous avez, que vous auriez faits à partir de cette station
temporaire-là, ce serait à l’intérieur des discours qu’on, qu’on vous a remis ?
JK -Ils sont à l’intérieur des discours que, que j’ai eu à ma disposition.
PD -Ok. Est-ce que ce sont, est-ce que vous êtes capable de les identifier comme ça de mémoire ou si
ça nécessite une recherche pour vous ça d'identifier lesquels se sont faits quand ?
JK -Jene peux pas identifier ni en faisant une recherche dans la mesure où les, l’unité mobile émettait
en même temps que la station nationale à Kigali. C’est à dire que on pouvait émettre aussi bien à Kigali qu’à
Gitarama ou à Gisenyi selon les cas. C’est, c’était les techniciens qui organisaient ça.
PD -Ok Le. ce, ce camion-là suivait donc votre gouvernement ?
JK -Oui.
PD -Partout ?
JK -Partout oui.
PD -Lorsque vous avez déménagé le gouvernement de Kigali à Gitarama, est-ce que ce camion-là faisait
partie de votre convoi ?
JK -Je ne sais pas si il était directement dans le convoi mais à Gitarama il était là.
PD -Ok. Quel était le contrôle du gouvernement sur cette station de radio ?
JK -La station de radio dépendait du ministre de l’Information.
PD -Donc ces gens-là devaient répondre au gouvernement, devaient répondre à votre gouvernement ?
JK -Les journalistes répondaient au ministre de l'Information.
PD -Ok Est-ce que c'était un organe de propagande cette radio-là ? Est-ce que c’était vraiment quelque
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chose que vous vous serviez pour faire de la propagande ?
JK -Oui.
PD -C'était, ça c'était son but, c’était sa fonction ?
JK -Comme dans tous les pays du monde, la radio nationale sert à ça.
PD -Ok.
MD -Est-ce que les ministres, est-ce que tout le monde pouvait s’en servir à sa guise, est-ce qu’il y avait
des, il y a une procédure à suivre pour, pour pouvoir faire un discours, pour pouvoir faire des interventions
sur la radio ?
JK -C’était à la disposition du ministre de l’Information, ça... on ne pouvait pas accéder à la radio sans
passer par le ministre de l’Information.
MD -Aiors vous dans votre cas si vous vouliez avoir accès à la radio, vous avisiez le ministre de
l'Information ?
JK -Oui.
MD -Est-ce que c’était employé régulièrement, est-ce que vous, vous vous en êtes servi, vous nous dites
que vous vous en êtes servi, les ministres s’en servaient, est-ce que c’était vraiment, heu, il y avait des
interventions de façon régulière sur cette radio ?
JK -En ce qui concerne le ministre de l’Information, oui, puisqu'il devait faire le compte-rendu de toutes
les réunions du gouvernement.
MD -Toutes les réunions étaient faites là-dessus ?
K -Oui.
MD -Etles autres ministres, les autres ministres le faisaient dans le cadre de, de, de, de discours... pour
commenter certaines situations, pour communiquer les nouvelles à la population ?
JK -S’ils avaient des points particuliers dans leur domaine, ils pouvaient s'adresser au ministre de
l'Information pour passer à la radio.
MD -Alors le but de l’avoir cette radio-là auprès du gouvernement c'était, c’était vraiment un outil du
gouvernement ?
JK -Le but c’était d’abord un but de protection dans la mesure où on devait s’assurer qu’il soit protégé,
la meilleure façon d’être protégé c’était de l’avoir toujours tout près, mais l’objectif c’était de pouvoir s’en
servir aussi.
MD -Alors les, les, heu. les pressions du FPR venaient de quelle façon ? “Car j’y avais vu la pression
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du FPR... d’où émettait la radio nationale, pour se rendre à Cyangugu” heu.
JK -C’était que la... comme le, la guerre s’est fait de. d’une part du nord au sud, le FPR a commencé
sa guerre à partir des préfectures du nord, jusqu’à Kigali, et puis quand. entre avril et juillet ça a été plutôt
de l’est à l’ouest, en partant des régions de Kibongo, Byumba vers Kigali puis Gitarama et en allant vers
l’ouest et le nord du pays.
MD -Ce qui fait que le FPR avait vraiment intérêt à tenter de détruire cette station, c’était, c’était là où
il y a une propagande.
JK -Je ne crois pas que l’objectif à ce moment-là était de détruire la radio, l’objectif c’était peut-être
de détruire tout le gouvernement et non pas seulement la radio.
MD -Oui, d'accord, d'accord mais la...
JK -Parce que la, la, la radio n’était pas nécéss.. était suffisamment camouflée pour ne pas être un
objectif en soi.
MD -Pour le gouvernement c’était pas, c’était pas un peu dangereux d’avoir, de l’avoir très près d’eux?
Aussi près ?
TK -Dangereux peut-être oui, mais le danger était partout.
MD -Oui.
PD -Est-ce qu’il est de votre connaissance qui avait, qui avait donné cet équipement-là, ou qui avait
fourni cet équipement-là ?
JK -C’est le, la coopération allemande.
PD -C’est la coopération allemande. C’était du matériel allemand.
JK -Puisque tout, tout ce qui concernait la radio c’était du ressort de la coopération allemande.
PD -Ce sont les allemands qui s’occupaient de ça ?
JK -Oui.
PD -Est-ce qu’au moment où vous. où vous déménagez comme ça, où vous deviez avoir un
gouvernement mobile, est-ce qu’il y avait, les techniciens étaient rwandais ou si vous aviez des techniciens
étrangers ?
TK -Tous les techniciens étaient rwandais.
PD -Tousles techniciens étaient rwandais. Et les journalistes qui travaillaient à cette, à cette station de
radio, est-ce que vous pouvez nous les nommer, est-ce que vous avez en mémoire ceux qui travaillaient ?
JK -Je ne peux pas les nommer parce que je ne les connaissais pas.
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PD -Vous ne les connaissiez pas. Est-ce que c’était des gens que le gouvernement contrôlait ?
JK -Moije ne le sais pas puisque ce sont des gens qui étaient en place quand moi j’ai été nommé.
PD -Ok.
K -Ils étaient là.
PD -Vous est-ce que vous aviez un contrôle en tant que premier ministre sur ces gens-là ?
JK -Je n’avais pas un contrôle sur ces journalistes.
PD -Ok. Est-ce que le ministre, lui, qui était responsable, on parle de quel ministre, le ministre qui est
responsable ?
JK -De l'Information.
PD -C’est qui?
JK -Eliezer Niyitegeka.
PD -Ok, alors Monsieur Eliezer, est-ce que c’était quelqu’un qui, qui avait le contrôle sur ces gens-là
?
Est-ce que lui avait un contrôle sur ces gens-là ?
JK -Je présume, sinon il... je ne l’ai jamais entendu se plaindre qu’il n’avaït pas de contrôle sur les
journalistes. Donc je présume qu'il les contrôlait.
PD -Vous, par expérience personnelle, lorsque vous avez eu à faire un discours, est-ce que c'était des
discours qui vous étaient écrits ou si c’est des discours que vous vous écriviez ?
JK -Ça dépendait des sujets, il y a des discours qui m’étaient écrits, d’autres que moi j’écrivais.
PD -Ok. Est-ce qu’il y en a... ceux que vous avez émis à partir de cette radio-mobile, est-ce qu’il y en
a... parce qu’on reviendra plus tard sur les discours, vu qu’on les a à notre disposition, on les travaillera un
par un, le... ceux que vous avez fait à partir de cette unité mobile, est-ce qu’ils avaient été censurés par
quelqu'un?
TK -Je n’ai jamais été censuré par personne.
PD -Vous avez jamais été censuré. Alors, le ministre vous laissait libre, vous demandiez les ondes, est-ce
que vous deviez lui, lui mentionner ce que vous vouliez dire à, sur les ondes ?
JK -Non, il ne m’a jamais demandé ça.
PD -Vous, dans votre cas, il ne vous a jamais demandé ça. Vous vous présentiez, vous demandiez les
ondes, puis il vous les laissait ?
JK -Oui.
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PD -Ok. Est-ce que c’était un privilège du premier ministre ça, que de pouvoir dire j'émets à telle heure,
à telle... tout simplement ou si à peu près tous les ministres avaient ce privilège-là aussi ?
K -Ça me surprendrait que tous les ministres aient ce privilège, je n’ai pas eu en mémoire des, des cas
où des ministres auraient été censurés, mais je ne crois pas que chaque ministre pouvait, à n’importe quel
moment s’adresser à la population.
PD -Ok. Qui à ce moment-là, aurait pu dire non, tu ne t’adresseras pas à la population, qui avait le
pouvoir, le droit de veto sur ce...
JK -C’est le ministre qui avait l’Information dans ses attributions.
PD -C’est lui qui pouvait vraiment décider oui ou non, si vous émettiez ou si vous n’émettiez pas.
Lorsque vous parlez de la Turquoise, ici, évidemment les questions qui, il y a des questions qui demeurent
sans réponse, ici, quand on dit que ils ont pas le droit de, ils voulaient pas que le gouvernement continue
à se servir de leur ligne de défense pour aller travailler à l'arrière, est-ce que c’était seulement la radio ou
si on parle aussi d'activités militaires ?
TK -C’est toutes les activités, c’est la radio et les activités militaires.
PD -Est-ce qu’à votre connaissance, vous, il a été, il a été porté à votre connaissance, ou vous avez vu personnellement des, des activités militaires prendre forme derrière la ligne de Turquoise pour ensuite aller effectuer des missions de l’autre côté ?
JK -Il y a pas eu d’activité militaire derrière la ligne Turquoise.
PD -Ilya pas eu d’activité militaire derrière la ligne Turquoise ?
JK -Non.
PD -Quelle sorte d’activité il y a eu derrière la ligne Turquoise pour qu’ils vous demandent de cesser
vos activités ?
TK -C’était juste les activités liées à l’exil, donc les gens ont profité de leur présence pour se préparer
à franchir la frontière un peu plus à l’aise, sans la pression du FPR.
MD -Est-ce qu’on se servait de la radio justement pour encourager les gens à s’exiler ?
JK -Je n’ai pas eu connaissance, comme je l’ai dit, d’une information qui aurait passé dans ce sens. Ce que les, les, la radio, ce que moi j’ai écouté, ce que moi j’ai vu, c’est des opérations inverses, où on demandait à la population de rester. Mais j’ai pas vu, j’ai pas entendu où on disait aux gens partez, partez.
PD -Vous devez quitter. ok. C’était pas, heu, quand vous demandiez aux gens de rester est-ce que c'était sous forme d’ordre que c’était donné par les membres du gouvernement ou si c’était une demande
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? Est-ce un ordre que vous donniez aux gens ?
JK C'était difficile dans ces conditions de dire c’était un ordre ou c’était une demande, parce que les, compte-tenu de la situation de guerre, vous ne pouviez pas donner un ordre dans la mesure où vous saviez qu’il ne serait de toutes façons pas respecté. C’était un conseil.
PD -Ok.
MD -Quel est... non vas-y...
PD -Pardon, vas-y.
MD -Non, non, vas-y, continue. Quel, quel était la, quel était votre position concernant Turquoise,
qu'est-ce que vous disiez à la population concernant Turquoise ?
JK -Dans la mesure où nous n’avions aucun contact pratiquement avec la Turquoise, nous n’avions rien à faire avec l’opération Turquoise, ce qu’on disait, heu, c’est la Turquoise qui s’adressait directement à la population, sans passer, sans passer par nous. Dans la mesure où...
MD -De quel... ils le faisaient sur quelle chaîne, de quelle façon que la Turquoise transmettait leur.
JK -Eux, ils ont, ils n’a... ils ont circulé, sur tout, toutes les voies, et ils avaient même des, des porte-
voix pour s’adresser directement à la population avec des, des traducteurs.
MD -Eux, ils s’adressaient à la population.
JK -Directement.
MD -..dans quel sens, dans quel sens ?
JK -De leur, pour leur demander de rester, ils leur disaient qu’ils avaient la force, qu’ils avaient des
médicaments, qu’ils avaient la nourriture, et qu’ils n’ont aucun intérêt à s’exiler, qu’ils sont là pour les
protéger. Je l’ai entendu ça, j’ai vu.
MD -Est-ce que Turquoise a déjà, a déjà approché le gouvernement pour pouvoir se servir de la radio,
pour pouvoir passer leur message de façon plus, heu, avec une meilleure couverture ?
JK -La Turquoise faisait tout pour ne pas avoir de contact avec le gouvernement. Donc elle ne s’est en
aucun cas adressé au gouvernement.
MD -Et il s’est passé combien de temps avant que la Turquoise vous avise de, de, de cesser les
émissions?
JK -L’opération que j’ai décrite, l’opération que je viens de décrire a eu lieu autour du 13 et nous avons
quitté le pays le 17, donc ça fait seulement quelques jours.
PD -Età votre connaissance, la, à la radio il y avait pas de message qui, qui incitait la population à aller
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dans une direction ou dans l’autre ? Vous incitiez vous, la position du gouvernement c’est, vous vouliez que
la population demeure, demeure sur place ?
JK -Pour le gouvernement, non. Parce qu’il y a des régions, notamment où le, l'opération Turquoise,
que l’opération Turquoise ne couvrait pas.
MD -Oui.
JK -Gisenyi par exemple.
PD -Il y a des régions qui étaient pas couvertes.
JK -Oui, la région de Gisenyi qui n’était pas couverte par l’opération Turquoise, on ne pouvait pas
demander à la population de rester dans la mesure où vous saviez qu’elle risquait d’être exterminée.
MD -Par contre vous ne les incitiez pas, il y a certaines régions que vous incitiez pas non plus à s’exiler?
TK -Non. Pour des régions qui étaient protégées, il y avait aucune raison de demander aux populations
de s’exiler, surtout que l’opération, les responsables de l'opération Turquoise affirmaient, et on le voyait,
qu’ils avaient la force, les moyens pour stabiliser la, le front, et pour venir en aide aux populations. Donc
vous ne pouviez pas demander aux gens d’aller mourir de faim, de maladie, alors qu’il y a des gens qui
disent qu’ils sont là pour les protéger.
MD -Mais est-ce que le gouvernement, à ce moment-là, croyait qu’il avait des chances de, de rester un
peu plus longtemps, de, de, d’être protégé, de pouvoir heu, être en arrière de Turquoise et de, de, de rester
sur les lieux le plus longtemps, ou c’était évident que pour vous c’était seulement qu’une question de temps
avant que vous, avant de quitter le pays ?
JK -Au début de l’opération, quand l’opération a été votée, on, on y croyait. Mais...
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MD -Est-ce qu’il restait encore des populations Tutsi à ce moment-là dans cette région ou dans ce coin-
là, quand Turquoise est arrivée dans ce secteur ?
TK -Il y en avait quelques unes mais c’était très peu.
MD -C’était très peu. Est-ce que, est-ce que Turquoise, est-ce que Turquoise a servi à protéger le peu
de population qui restait ? Est-ce que les gens, est-ce que... est-ce que les gens qui sont vraiment, ont
vraiment eu confiance et se sont servi de Turquoise, est-ce que ça a été, est-ce que ça a été vraiment une
incitation pour demeurer, pour ceux qui soient là [sic] ?
JK -Oui, les gens, par exemple ceux qui avaient quitté leur région du sud-est, comme Kibongo, ou
Bugesera, ils se sont stabilisés à Gikongoro où il y a eu des camps immenses de déplacés, à cause de
l'opération Turquoise. Les camps les plus connus étant celui de Kibeho et [inaudible].
MD -Quand le, quand le gouvernement a décidé que c’était le temps de partir, et qu’il y avait pas d’autre
solution, est-ce que vous a... est-ce que vous continuiez quand même à demander à la population à
demeurer sur les lieux ? Quelle était votre position à ce moment-là, le gouvernement lui-même s’exilait, le
gouvernement s’exilait, quel message qu’on passait à la population ?
JK -Le gouvernement s’exilait, le gouvernement se rendait compte que de toutes façons, l’opération
Turquoise n’était.
Fin de la face À de la cassette #54,
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Face B de la cassette # 54.
VIERGE
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