Fiche du document numéro 20210

Num
20210
Date
Février 2014
Amj
Auteur
Fichier
Taille
692208
Pages
4
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Titre
Jean-Pierre Bat. Le Syndrome Foccart. La politique française en Afrique, de 1959 à nos jours [Note de lecture]
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Nom cité
Nom cité
Cote
AFCO 2013/3 (n° 247)
Résumé
 
Source
Extrait de
 
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Type
Article de revue
Langue
FR
Declassification
 
Citation
JEAN-PIERRE BAT. LE SYNDROME FOCCART. LA POLITIQUE
FRANÇAISE EN AFRIQUE, DE 1959 À NOS JOURS
Yves Gounin
De Boeck Supérieur | « Afrique contemporaine »
2013/3 n° 247 | pages 151 à 153

Article disponible en ligne à l'adresse :
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Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Yves Gounin, « Jean-Pierre Bat. Le Syndrome Foccart. La politique française en
Afrique, de 1959 à nos jours », Afrique contemporaine 2013/3 (n° 247), p. 151-153.
DOI 10.3917/afco.247.0151
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ISSN 0002-0478
ISBN 9782804184124

Jean-Pierre Bat
Le Syndrome Foccart. La politique française en Afrique,
de 1959 à nos jours 23

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Le titre du livre de Jean-Pierre Bat et la présentation qu’en fait son éditeur sont trompeurs. On
imagine, en s’emparant de ce gros pavé de plus
de 800 pages, bizarrement publié directement
en format de poche, plonger dans les archives
du fonds Foccart dont l’auteur, ancien élève de
l’École des Chartres, a la charge. On s’attend à
voir démythifié l’un des personnages les plus
secrets de la Ve République, entouré d’une noire
réputation. En fait, le livre de Jean-Pierre Bat ne
fait qu’un usage parcimonieux des archives et ne
nous apprend rien sur Jacques Foccart que ses
mémoires (Journal de l’Élysée, 1997-2001), l’enquête de Pierre Péan (L’Homme de l’ombre, 1991)
ou l’excellent documentaire de Cédric Tourbe
(Foccart, l’homme qui dirigeait l’Afrique, 2010) ne nous aient déjà révélé.
En revanche, son gros ouvrage constitue une plongée passionnante dans
la politique africaine de la France. Divisé en trois parties, il ne consacre guère
que la première à l’époque où Foccart exerça à l’Élysée, avec de Gaulle puis
Pompidou, les fonctions de « Monsieur Afrique » (1959-1974). Les deux autres
traitent de sa succession (1974-1994) et de son héritage (de 1974 à nos jours).
Ce plan révèle l’angle d’attaque de l’auteur : ne pas se borner seulement à la
description d’un « système Foccart », mais montrer en quoi cette « méthode »
a – ou n’a pas – constitué la « matrice » des relations entre la France et ses
anciennes colonies africaines depuis plus de cinquante ans.
La partie la plus attendue est bien sûr la description de cette « matrice » :
un système construit autour d’un homme secret, ayant tiré de sa formation dans
la Résistance une obsession du cloisonnement. Un baron gaulliste qui jouissait
de la confiance et de la proximité du chef de l’État qu’il rencontrait chaque
soir. Un serviteur de la République qui tirait son inf luence du cumul de deux
fonctions : le ministère de l’Afrique et celui des services de sécurité. Bref, un
Talleyrand, doublé d’un Fouché.
Le foccartisme, explique Jean-Pierre Bat, repose sur une conviction
simple : les anciennes colonies françaises doivent conserver avec la métropole
un lien particulier. Un marché implicite est conclu : la France leur garantit la
sécurité. En échange de cette pax gallica, les « amis de la France » forment un
23. Gallimard, coll. « Folio Histoire »,
2012.



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club familial de pays fidèles à leur ancien tuteur. Pour faire tenir ce système,
Foccart s’appuie sur une administration puissante : le secrétariat général des
Affaires africaines et malgaches, créé avec la Communauté française de 1958,
mais qui lui survivra après 1960. Les services de sécurité (secteur N du SDECE,
2 e bureau de l’État-major des armées, service PSA de Elf ) sont largement sollicités. Et lorsque la légalité républicaine ne suffit plus, Foccart peut mandater des missi dominici, voire recourir à des mercenaires, Bob Denard étant
sans doute resté le plus mémorable. Dans les « réseaux Foccart », la continuité humaine entre l’époque des colonies et celle des indépendances frappe.
Plusieurs fois, Jean-Pierre Bat cite l’adage bien connu de Lampedusa : « Il faut
que tout change pour que tout reste pareil. »
Le système Foccart a très tôt été décrié. Giscard d’abord, Mitterrand
ensuite, ont voulu s’en démarquer. Mais ils n’y parviendront pas. Sans doute
Foccart est-il personnellement tenu en lisière mais le foccartisme, lui, reste
d’actualité. La fameuse cellule africaine de l’Élysée n’est pas dissoute : sous
Giscard, c’est René Journiac, l’ex-bras droit de Foccart qui en a la charge,
sous Mitterrand, c’est son propre fils, Jean-Christophe, bien vite surnommé
« Papamadit », qui succède à Guy Penne. Et les interventions africaines sont
plus décomplexées encore qu’elles ne l’étaient sous Foccart : après les piteuses
déconvenues du Katanga ou du Biafra, la France de Giscard et de Mitterrand
n’hésite pas à afficher sa force militaire en Centrafrique (Barracuda en 1979) et
au Tchad (Épervier en 1986).
Jean-Pierre Bat montre comment la méthode Foccart s’est muée en syndrome Foccart après 1994. Jacques Foccart – qui meurt en 1997 après avoir
retrouvé auprès de Jacques Chirac le chemin de l’Élysée – cristallise sur sa
personne toutes les critiques de la Françafrique, ce néologisme dont on sait
qu’il fut forgé par Houphouët-Boigny pour glorifier la relation franco-africaine
avant d’être dévoyé par Verschave pour en stigmatiser les dérives.
Mais ces critiques sont anachroniques. Car le système, souligne pertinemment l’auteur, a évolué. Les méthodes de Foccart ont été dans une large
mesure abandonnées. La gestion des affaires africaines s’est normalisée, se
débarrassant des barbouzeries dont elles étaient lestées mais perdant aussi la
primauté qui leur était reconnue sous de Gaulle. La cellule africaine de l’Élysée
a définitivement disparu – l’Afrique étant suivie, comme les autres continents,
par les diplomates de la cellule diplomatique. Les relations corruptrices révélées
par l’affaire Elf ne résistent plus à l’œil de la justice. La politique de la canonnière – ou du Jaguar – n’est plus de mise : la caution onusienne est un préalable
indispensable à toute intervention militaire menée dans un cadre européen en
associant autant que faire se peut les forces africaines (Côte d’Ivoire, Mali).
Jean-Pierre Bat a raison d’y insister : l’évolution est avant tout générationnelle. Si les méthodes de Foccart ont été abandonnées, ce n’est pas par l’effet
d’une soudaine conversion au bien d’individus aux pratiques peu recommandables. La mort d’Houphouët (1993), de Mitterrand (1996), de Mobutu (1997)
avant celles de Senghor (2001), de Eyadema (2005) ou de Bongo (2009), dégage

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la place pour une nouvelle génération de dirigeants français et africains, pas
meilleurs que les précédents, mais pour lesquels la relation franco-africaine n’a
plus rien d’exceptionnel. Yves Gounin 24

24. Yves Gounin est l’auteur de La
France en Afrique (De Boeck, 2009).



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