Fiche du document numéro 2016

Num
2016
Date
Jeudi 14 juin 2001
Amj
Fichier
Taille
118332
Pages
2
Titre
Deux embarrassants cadavres congolais
Sous titre
Les services secrets pourraient être mêlés à l'assassinat en France de ces opposants à Kabila. Une nouvelle affaire d'Etat
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le 9 mai dernier, la cour d'appel de Grenoble a justifié ainsi son
refus de mise en liberté d'un détenu: « Il y a eu lieu de craindre,
comme cela s'est déjà vu, que la raison d'Etat ne lui permette de
bénéficier d'un vrai-faux passeport. » Un motif ahurissant qui ne
concerne pas Alfred Sirven, mais l'une des personnes mêlées à cet
incroyable imbroglio franco-congolais, révélé la semaine dernière par
L'Express. Une affaire d'Etat sur fond d'espionnage, de putsch et de
double assassinat.

Tout commence le 29 décembre 2000 à Chasse-sur-Rhône, près de Lyon,
par une découverte macabre: deux corps criblés de balles sur le siège
arrière d'une Scénic calcinée en bordure de la nationale 7. Les
circonstances de ce double meurtre font d'abord penser à une exécution
du milieu. Mais, dès qu'ils découvrent, grâce à l'ADN, l'identité des
victimes, les gendarmes comprennent que l'affaire est beaucoup plus
sensible. Ce qui explique le mystère qui entoure cette enquête, quasi
classée secret défense.

Le premier mort, Aimé Atembina Bongoma, 44 ans, est un ancien
capitaine de la garde rapprochée de Mobutu. Ce fils d'un
ex-ambassadeur du Zaïre au Vatican bénéficie, depuis la mort de
l'ancien dictateur zaïrois, d'un statut de réfugié politique en
Belgique. La seconde victime, Philémon Naluhwindja Mukuba, 37 ans, est
également une personnalité connue à Kinshasa. Surnommé « Mwami » (le
Roi), car son père était le chef des tribus guerrières Maï Maï, dans
la région du lac Kivu, Mukuba a surtout présidé la puissante Société
minière du Congo. Il est même soupçonné d'avoir empoché 5 millions de
dollars dans une vente de minerais à des Japonais, avant de rejoindre
son ami Bongoma dans son exil doré en Belgique. Les deux hommes
préparaient, semble-t-il, un complot pour destituer Laurent-Désiré
Kabila, assassiné peu après, le 16 janvier 2001, à la tête de
l'ex-Zaïre, devenu la République démocratique du Congo.

Un projet qui n'avait pas échappé à certains, les conjurés cherchant à
se procurer des armes en France. Dès leur arrivée à la gare du TGV de
Lyon, le 29 décembre à 19 h 15, ils sont pistés par les tueurs. Qui
sont-ils?

Coup de théâtre. Au mois de mai, trois suspects sont, toujours très
discrètement, interpellés par les gendarmes de la section de recherche
de Grenoble, à la demande du juge Raymond Pezzati, de Vienne (Isère),
qui instruit ce dossier brûlant.

Proche des services de la DGSE française



Trois suspects qui ne manquent pas non plus de relief. Domenico Cocco,
tenancier de bar à Aix-en-Provence, connu pour proxénétisme; Alain
Deverini, décorateur monégasque spécialisé dans l'aménagement de
casinos; et enfin Benoît Chatel, gérant de société à Monaco. Ce
dernier possède l'exclusivité de l'exploitation du PMU et de la
Loterie nationale au Congo, dont il est d'ailleurs le consul à Nice et
à Monaco. On le dit très proche des services de Kinshasa, mais aussi
de la DGSE française...

Selon l'accusation, Bongoma l'aurait contacté dans la préparation du
complot anti-Kabila. Mais les discussions auraient tourné au
vinaigre. Menacé par ses interlocuteurs, il se serait alors adressé à
Cocco pour « tenter d'apaiser le conflit ». « Il s'agissait dans mon
esprit de leur faire peur, pas de les tuer », aurait déclaré Chatel,
défendu par Me Patrick Bérard. Son complice Cocco, plus direct,
affirme, lui, avoir touché 200 000 francs en espèces pour recruter des
tueurs dans le milieu lyonnais. Le commanditaire de l'affaire étant,
selon Chatel, Alain Deverini. Ce décorateur, bien connu sur le Rocher,
a par ailleurs été soupçonné d'avoir facilité l'évasion en 1983 de
Licio Gelli, grand maître de la loge P 2. Lui aussi s'intéresse,
semble-t-il, aux casinos congolais. Défendu par Me René Schiléo, il
nie farouchement.

Cette affaire est d'autant plus embarrassante pour la France que les
services secrets paraissent omniprésents dans ce dossier. Chatel
aurait même avoué entretenir depuis longtemps des liens étroits avec
la DGSE... Complot au Congo, barbouzes à Bruxelles saignés en Scénic,
SAS n'aurait pas mieux fait.
Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024