Fiche du document numéro 19271

Num
19271
Date
Mardi 16 février 2010
Amj
Auteur
Fichier
Taille
132706
Pages
2
Urlorg
Titre
Nicole Dreyfus, avocate des militants du FLN, est décédée
Sous titre
Cette femme menue, qui a défendu des militants nationalistes et communistes algériens, était redoutée par les juges et les procureurs. Dans cette Algérie en guerre, en dépit des menaces de mort, elle n'a jamais cédé à la peur.
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Nicole Dreyfus est décédée jeudi soir dans un hôpital parisien. Elle avait quatre-vingt-six ans. Avocate, elle s’est distinguée par un engagement exceptionnel pour la cause de l’Algérie en guerre en assurant la défense des militants nationalistes et communistes algériens. C’est ainsi qu’en 1956, alors âgée de trente-deux ans, elle a fait partie du collectif de défense du Front de libération nationale (FLN). Cette année-là, en pleine « bataille d’Alger », alors que les paras du général Massu pratiquaient une « torture de masse» selon l’expression d’Henri Alleg, faisant disparaître des milliers de personnes – 25 000 morts et disparus en 1956-1957 –, Nicole Dreyfus se rendait à Alger pour assurer la défense de deux jeunes femmes, Baya Hocine et Djhor Akrou, membres de l’ALN (Armée de libération nationale), âgées de seize ans, accusées de terrorisme. Elles avaient été condamnées à mort « la veille de Noël […] en dépit de leur âge et en dépit de leur sexe », déclarait-elle dans un entretien à l’Humanité du 15 novembre 2000, avant que leur peine ne soit commuée en prison à perpétuité. Elle a surtout défendu des femmes comme Zohra Drif, dirigeante du FLN pendant la bataille d’Alger, la communiste Jacqueline Guerroudj, toutes deux condamnées à mort en premier appel. Safia Baaziz, devenue avocate, et plus tard sa collaboratrice. Et tant d’autres militantes nationalistes et communistes algériennes. Menacée de mort par l’extrême droite, Nicole Dreyfus n’a jamais cédé à la peur.

Nicole Dreyfus puisait la force de son engagement dans l’histoire de sa famille. Très attachée à son origine alsacienne, raconte Henri Alleg, lointaine cousine du capitaine Dreyfus, elle a été marquée par le racisme antisémite. Et de ce passé fait d’engagement pour l’indépendance algérienne qu’elle évoquait à chaque fois qu’elle y était invitée, un ami commun, ancien cadre du FLN, a vainement essayé de la persuader de le raconter par écrit pour les générations actuelles et à venir. C’était en juillet dernier, deux mois après son retour d’Algérie où elle avait participé à un colloque sur les massacres du 8 mai 1945 à Sétif et Guelma. Elle n’en voyait pas l’utilité. « Ce n’est pas mon genre. Je n’ai fait que ce je devais faire comme l’ont fait d’autres avant moi dans d’autres circonstances tout aussi tragiques », répondait-elle. En 2000, Nicole Dreyfus s’engage de nouveau en signant avec onze autres personnalités françaises (Henri Alleg, Germaine Tillion, Josette Audin, Simone de Bollardière, Gisèle Halimi, Alban Liechti, Noël Favrelière, Madeleine Rebérioux, Pierre Vidal-Naquet, Jean-Pierre Vernant et Laurent Schwartz) l’appel lancé le 31 octobre 2000, à l’initiative de l’Humanité, demandant au président Jacques Chirac et au premier ministre Lionel Jospin de condamner la torture pendant la guerre d’Algérie. Cet appel « a eu l’immense mérite de réveiller dans notre peuple ce qui était refoulé. Il a remis à l’ordre du jour des faits anciens, qui dormaient dans la conscience commune, en éveillant des réactions très salutaires. Il a constitué un véritable point d’ancrage pour l’indispensable travail de mémoire », assurait-elle dans les colonnes de l’Humanité. L’ANC sud-africaine, la défense des progressistes grecs sous la dictature des colonels, la Palestine et l’Irak sous occupation américaine ont fait aussi partie de son engagement.

Hassane Zerrouky
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024